Le Canada va envoyer une « mission de paix » au Mali, comprenant jusqu’à 250 soldats et six hélicoptères, pour contrer les djihadistes. En fait, l’intérêt premier du Canada n’est pas de nature humanitaire, comme on ne manquera pas de présenter la mission, mais bien économique.
Ottawa répond à l’appel des nombreuses compagnies minières canadiennes présentes au Mali et dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, qui doivent défendre leurs installations devant le nombre croissant d’attaques de groupes islamistes radicaux. Au Mali seulement, il y a 15 sociétés minières canadiennes avec des investissements de plus de 1,2 milliard $. Dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, le total est de 63 sociétés et près de 8 milliards $ d’investissements.
Au cours des dix dernières années, le Canada a versé plus d’un milliard $ en aide humanitaire et militaire au Mali. L’ensemble de l’aide internationale à ce pays s’élève à plus de 3 milliards $ annuellement depuis 2013. Sans grand succès. Les deux tiers du pays échappent au contrôle du gouvernement malien et sont sous l’emprise de groupes djihadistes.
Le Canada est en grande partie responsable de cette situation. L’expansion des groupes djihadistes découle de l’abondance et de la sophistication de leurs armements, qu’ils se sont procurés à même les arsenaux de Kadhafi, rendus disponibles par suite de l’intervention de l’OTAN dans ce pays en 2011.
Devant les conséquences catastrophiques de cette intervention, le parlement britannique a mandaté un comité, dirigé par le député conservateur Crispin Blunt, pour faire la lumière sur la participation du Royaume-Uni dans cette action militaire. Le rapport, remis en 2016, est à ce point sévère à l’égard du gouvernement de David Cameron que ce dernier a démissionné de son poste de député la veille de la publication du rapport pour ne pas avoir à répondre aux nombreuses critiques qu’il formule.
Selon le rapport du Comité Blunt, la Libye a acheté, entre 1969 et 2010, pour 30 milliards de livres sterling d’armements. Ces armes sont tombées entre les mains des milices, dont le nombre de combattants a explosé après la mort de Kadhafi, passant 20 000 à 25 000 à plus de 140 000.
La destruction des institutions libyennes de contrôle aux frontières a aussi, constate le Rapport Blunt, facilité la contrebande de migrants à travers la Libye et la Méditerranée vers l’Italie. Plusieurs de ces migrants transitent aujourd’hui par le Mali avant de rejoindre la Libye.
Selon le rapport du Comité Blunt, l’initiative de l’intervention est venue de la France. D’après un document du Département d’État américain qu’il cite, les objectifs du président français Sarkozy étaient de cinq ordres : 1. Le souhait d’obtenir une plus grande part de la production de pétrole libyen; 2. Accroître l’influence française en Afrique du Nord; 3. Améliorer la situation politique de Sarkozy en France; 4. Permettre aux armées françaises de réaffirmer leur présence dans le monde; 5. Répondre aux projets de Kadhafi de supplanter la France en Afrique francophone. Aujourd’hui, le site Internet français Mediapart ajoute une autre motivation du président Sarkozy : effacer les traces du financement par Kadhafi de sa campagne électorale.
Si, au Royaume-Uni et en France, on a enquêté sur les causes de cette intervention militaire, il n’en fut rien au Canada. Pourtant, la mission de l’OTAN était placée sous le commandement d’un militaire canadien, le général Charles Bouchard, aujourd’hui à la tête de la filiale canadienne du géant militaire étatsunien Lockheed Martin.
Le Mali est considéré aujourd’hui comme une des zones d’intervention de l’ONU parmi les plus dangereuses. Depuis 2013, 162 soldats « gardiens de la paix » ont été tués. Avant d’engager des soldats canadiens dans cette aventure, les parlementaires québécois devraient exiger qu’on en précise clairement les objectifs, mais surtout réclamer la mise sur pied d’une enquête sur l’intervention canadienne en Libye, sur le modèle du Comité Blunt de la Chambre des communes britannique.
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