Pendant que les feux médiatiques sont concentrés sur la crise au Bloc Québécois et le seront, bientôt, sur les passes d’armes de la campagne électorale, un travail de fond, discret mais efficace, se mène, au ras des pâquerettes, pour faire avancer la cause de l’indépendance du Québec. Claudette Carbonneau, la présidente de OUI-Québec, est venue nous rencontrer dans les bureaux de l’aut’journal et pour nous en parler avec enthousiasme.
« Nous complétons notre tournée du Québec sur le projet de Constituante. Nous avons rencontré un grand nombre des militantes et des militants dans onze régions du Québec. Il nous reste à voir ceux du Bas-Saint-Laurent et de la région de Québec. Le tout va culminer dans un Grand Rassemblement, le 9 juin prochain », nous informe la présidente des Organisations Unies pour l’Indépendance.
Ce n’est évidemment pas la première fois qu’on parle de constitution dans les rangs souverainistes. Mais, jusqu’ici, on l’a presque toujours fait à partir d’une approche négative. « Toutes les constitutions nous ont été imposées, sans que le peuple soit consulté. C’était le cas en 1867 et en 1981. Pourtant, une constitution, c’est important pour un peuple, pour un pays. On n’a qu’à voir comment, aux États-Unis, on fait toujours référence à la constitution du pays », fait-elle remarquer.
Une constitution, comme le rappelle le dépliant que OUI-Québec distribue dans toutes les assemblées de la tournée, c’est « la loi fondamentale d’une communauté politique qui définit son régime, ses institutions, ses grandes valeurs et ses principes, et qui garantit ses droits fondamentaux. En somme, c’est la colonne vertébrale d’un État ».
« On trace, au cours de ces rencontres, les contours du pays ; on explique ce qu’est une République, ce que contiendrait une Constitution québécoise : une Charte des droits, des dispositions sur la langue, la laïcité, etc. On n’entre pas dans le détail de ces questions, c’est la future assemblée constituante citoyenne qui le fera. C’est elle qui aura le mandat de rédiger un projet de constitution. Nous, on explique le concept, la démarche pour y arriver, la composition possible de l’Assemblée constituante et son fonctionnement éventuel », précise l’ancienne présidente de la CSN.
L’approche est complètement nouvelle au Québec. « En 1980 et 1995, les deux référendums portaient exclusivement sur le statut politique du Québec », nous remémore-t-elle. En 1995, M. Parizeau avait mis sur pied la Commission sur l’avenir du Québec, qui a effectué une tournée du Québec pour consulter la population sur l’avant-projet de loi contenant la question référendaire. En fouillant dans les archives de l’aut’journal, on découvre qu’à la grande surprise des commissaires, les gens n’intervenaient pas sur le libellé de la question, mais faisaient valoir leurs préoccupations et leurs revendications, bref, leur « projet de société », comme les journalistes l’ont rapporté à l’époque.
Impliquer la population, lui donner le goût d’exercer son pouvoir constituant, c’est le virage que veut faire prendre au mouvement indépendantiste le OUI-Québec, ce regroupement citoyen où se retrouvent, dans une volonté de converger, des indépendantistes de toutes sensibilités politiques. « On constate, comme tout le monde, une stagnation relative du mouvement indépendantiste, un essoufflement de la mobilisation, un recul de l’appui populaire au projet d’indépendance et une multiplication des partis indépendantistes. On s’est donc demandé ce qu’il fallait faire pour sortir de cette impasse politique », relate Claudette Carbonneau.
La solution réside, selon OUI-Québec, dans le retour à un principe de base, la mise au premier plan de la souveraineté populaire. « Il faut sortir le projet d’indépendance des seules mains des partis politiques et remettre les citoyennes et les citoyens au cœur même du processus d’accession à l’indépendance, leur confier la tâche de dessiner les contours du pays, en rédigeant un projet de constitution, qui reflète leurs valeurs et leurs aspirations. »
Les OUI-Québec et les partis indépendantistes (PQ, QS, ON, BQ ) avaient déterminé, en table de concertation, les futures étapes de cette nouvelle stratégie pour atteindre l’indépendance. Les congrès des partis politiques n'ont pas été saisis de cette proposition. Il faudra bien un jour ou l'autre mener à terme ces travaux pour aboutir à une « feuille de route commune pour les indépendantistes ». La proposition élaborée en 2017 se décline en cinq étapes. Il faut d’abord, élire une majorité d’indépendantistes à l’Assemblée nationale. Puis, adopter une loi fondamentale transitoire qui permettra d’encadrer la marche vers l’indépendance. Une autre loi devra être adoptée, celle créant l’Assemblée constituante chargée d’élaborer un projet de constitution d’un Québec indépendant.
« Cette assemblée sera formée de citoyennes et de citoyens issus de tous les milieux en respectant, insiste Claudette Carbonneau, des principes de parité hommes/femmes, de représentativité de la minorité anglophone et des minorités culturelles, des différents groupes sociaux, etc. Pour rédiger le projet de constitution, ils devront mener une vaste consultation publique à travers le Québec. »
Puis, un référendum sera organisé en demandant à la population de se prononcer à la fois sur le statut politique du Québec (Oui ou non à l’indépendance) et sur le projet de constitution (Oui ou non à son adoption).
Pour Claudette Carbonneau, il n’y a pas d’autres avenues pour se sortir de l’impasse actuelle que d’impliquer la société civile. « C'est très mobilisateur. Je l’ai constaté en Catalogne. Ce sont les organisations de la société civile qui réussissent à rassembler un million de personnes dans les rues de Barcelone ». Et c’est avec une envie non dissimulée que la présidente de OUI-Québec constate que 40 000 personnes acceptent de donner 5 euros par mois à ces organisations.
Elle prend également acte que les Catalans viennent d’enclencher une démarche d’assemblée constituante similaire à celle proposée par OUI-Québec afin d’augmenter leurs appuis au sein de la population. En parallèle, ils comptent aussi travailler à la reconnaissance internationale. « C’est une autre leçon de leur expérience que nous pouvons faire nôtre », de conclure Claudette Carbonneau.
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