L’auteure est chef du Bloc Québécois.
En mars dernier, j'ai participé à la 167e vigile pour la libération de Raïf Badawi, en compagnie de son épouse, Ensaf Haidar.
En prison depuis juin 2012, Raïf Badawi a été condamné à 10 ans de détention, à 1 000 coups de fouet et à une amende. La première de ces séances de 50 coups de fouet a eu lieu, le vendredi 9 janvier 2015, en public. Les séances subséquentes ont été suspendues, car son état de santé fut jugé trop précaire. Rappelons qu’il a écopé de cette lourde peine pour avoir mis sur pied un site Internet baptisé Libérez les libéraux saoudiens.
Au Québec, toutes les démarches ont été entreprises pour Raïf Badawi. Le 12 juin 2015, un certificat de sélection du Québec pour motif humanitaire a été émis au nom de Raïf Badawi. Le 18 octobre 2016, l'Assemblée nationale du Québec a adopté à l'unanimité une motion demandant, entre autres, « aux gouvernements du Québec et du Canada de faire tout en leur pouvoir pour obtenir la libération de R. Badawi et lui permettre de rejoindre sa famille ». Le Québec, comme province, a des pouvoirs limités et ne peut rien faire de plus.
La balle est dans le camp du Canada depuis le début. En mai 2015, Justin Trudeau, alors chef du Parti libéral du Canada, interpellait directement le Premier ministre Harper sur Twitter au sujet de M. Badawi. Il réclamait une action immédiate en faveur du prisonnier politique, en signant son message de #LibérezRaïf.
En décembre 2015, une fois élu Premier ministre, il réitérait sa « volonté indéfectible » de régler le cas de Raif Badawi. Il commençait déjà à nuancer en indiquant qu'il voulait « tout faire pour amener de la clémence » à Raif Badawi, mais qu’il fallait le faire « dans l'ordre et de façon respectueuse ». On connaît la suite. Près de trois ans plus tard, il n’a rien fait de concret et Raïf Badawi est toujours emprisonné, loin de son épouse et de ses trois enfants. Pire encore, l’ex-ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion a refusé d’accorder la citoyenneté à Badawi en prétextant que ça n’aiderait pas à le faire libérer. Est-ce qu’il voulait éviter de froisser l’Arabie Saoudite en raison de la vente de 900 véhicules blindés pour 15 milliards de dollars ?
Une occasion que Justin Trudeau n’a pas le droit de rater!
Récemment, on apprenait que M. Badawi figurerait sur la liste de pardon de l'Arabie saoudite. C'est le moment pour Justin Trudeau de passer de la parole aux actes : donner la citoyenneté canadienne à M. Badawi et l’accueillir ici. Les voix se font entendre de toutes parts pour que le Premier ministre agisse. Amnistie internationale lui a remis, en novembre 2015, une pétition contenant 57 000 signatures lui demandant, notamment, « de faire tout en son pouvoir pour exiger le respect par l’Arabie saoudite de ses obligations internationales comme signataire des Conventions relatives aux droits humains et comme membre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ».
Le travail du Canada ne se limite pas à simplement faire libérer le blogueur. Son épouse m’a dit qu’à sa sortie de prison, la vie de Raif sera en danger parce que des gens ne partagent pas ses opinions. Il faut donc le protéger. C’est la responsabilité du Gouvernement canadien qu’il puisse rejoindre sa famille, qui a choisi de s’établir ici à Sherbrooke.
Pendant ce temps…
Justin Trudeau est un beau parleur, mais c’est un petit faiseur. Il se promène à travers le monde en promettant la sécurité à toutes les personnes en danger et en twittant que le Canada accueillerait ceux qui « fuient les persécutions, la terreur et la guerre ». Pourtant, malgré les appels à l’action, pour de milliers de personnes, pour l’épouse de Raïf Badawi et de ses trois enfants, ce sont, encore, des paroles en l’air et du vent…
M. Trudeau, les relations internationales ne doivent pas servir qu'à mousser des parades de mode... Il faut poser des gestes concrets, humains, pour venir en aide aux prisonniers politiques tels que M. Badawi. Ce n’est pas sorcier : Donner la citoyenneté canadienne à Raïf Badawi est un geste politique essentiel qui lance un message clair à l’Arabie Saoudite et à la communauté internationale.
+++
La ville de Sherbrooke a fait de Raïf Badawi un citoyen d’honneur en 2015 et l’Université de Sherbrooke lui a décerné, le 8 juin 2017, un doctorat honorifique pour son apport exceptionnel à la défense de la liberté d’expression. Chaque vendredi, des vigiles se poursuivent devant l’hôtel de ville de Sherbrooke pour réclamer sa libération. Chaque semaine, des citoyens s’y présentent pour ne pas que Raïf Badawi tombe dans l’oubli. Une solidarité visible qui se fera entendre jusqu’à ce qu’il soit ici auprès des siens.
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