Extraits de la Fiche technique No 17, disponible en ligne : http://www.irec.net/index.jsp?p=131
Alors que le gouvernement québécois se révèle incapable d’atteindre la cible de son plan de lutte au changement climatique pour 2020, il devrait maintenant être temps pour lui de remettre en question le dogme qu’il défend depuis quelques années, selon lequel le gaz naturel ferait partie des solutions à la transition. Un dogme qui fait le bonheur d’Énergir (anciennement Gaz Métro) et des entreprises utilisatrices qui profitent d’une énergie à bas coût. Or, d’après les données existantes, non seulement le gaz naturel ne fait pas partie du mix énergétique dont nous avons besoin pour transiter vers un modèle à faible émission carbone, il en freine clairement l’élan.
Bâtiment : deuxième en importance pour la consommation énergétique
Il faut bien l’admettre, le secteur du bâtiment ne représente pas, au Québec, une part aussi importante des émissions de gaz à effet de serre (GES) que dans les régions où on a massivement recours au charbon, au mazout ou au gaz naturel pour le chauffage. Grâce à l’utilisation assez généralisée de l’hydroélectricité, nous avons été particulièrement favorisés. Néanmoins, l’enjeu énergétique n’est pas pour autant négligeable. Encore aujourd’hui, le bâtiment est le deuxième secteur le plus énergivore, après l’industrie, mais avant le transport, et il représente par ailleurs la troisième source d’émission de GES, après le transport et l’industrie.
Dans le secteur résidentiel, malgré une intensité énergétique qui a diminué du tiers depuis 1990, avec l’atteinte d’un plancher historique en 2012 (avec 0,82 GJ/m2 ou 227 kWh/m2), l’intensité énergétique a recommencé à croître avec la hausse constante de la surface moyenne par logement. Puisque le nombre moyen de personnes par ménage continue à baisser, c’est pourtant l’inverse que l’on devrait voir. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il n’y a aucun système réglementaire pour véritablement améliorer à long terme la performance thermique du logement résidentiel. À l’heure actuelle, le Québec fait piètre figure dans le domaine de l’efficacité énergétique du bâtiment puisqu’Hydro-Québec et Énergir, à qui le gouvernement donne le mandat de financer et de mettre en œuvre ces programmes, n’ont aucun intérêt à se donner des cibles ambitieuses dans ce domaine. Si on veut réellement progresser en efficacité énergétique, il faudrait transférer la gestion de ces programmes à Transition énergétique Québec, en augmentant significativement les moyens mis en œuvre.
Cependant, c’est surtout dans le secteur du bâtiment commercial et institutionnel (CI) que la situation est la plus dramatique. Non seulement son intensité énergétique stagne, mais en plus l’utilisation croissante du gaz naturel a fini par annuler les efforts consentis pour diminuer les émissions de GES.
Bilan carbone négatif du secteur CI
Des quatre autres sources énergétiques utilisées dans le secteur du bâtiment CI au Québec, deux ont connu une diminution significative de leur consommation (mazout léger-kérosène et mazout lourd), alors que les deux autres affichent une progression importante (hausse de 100% pour « autres » [charbon/propane] et de 50% pour le gaz naturel). En ce qui concerne l’intensité énergétique, on peut constater qu’elle est passée de 1,24 à 1,39 GJ/m2 entre 1990 et 2000, pour redescendre par la suite en palier et revenir à son point de départ de 1,24. Cette évolution est totalement différente de celle du secteur résidentiel, où l’on a vu une amélioration significative de l’intensité énergétique en raison de la quasi-disparition du mazout et d’une stagnation de l’utilisation du gaz. L’évolution contrastée du secteur CI a évidemment eu des impacts néfastes sur les émissions de GES.
Signalons d’abord le parallèle qui semble exister entre l’évolution à la hausse de l’intensité énergétique (IÉ) et les périodes de croissance de consommation des sources énergétiques fossiles : hausse de consommation du gaz en 2000, du mazout lourd en 2003, hausse pluriannuelle du gaz naturel en 2009-2011 ou du mazout léger en 2014. Il serait intéressant de pousser un peu plus loin l’analyse de ce phénomène pour mieux comprendre les mécanismes qui favorisent l’utilisation des énergies fossiles ces années-là. Une chose est sûre, cependant, la dégradation du bilan carbone du secteur CI du bâtiment (dont les émissions sont passées de 4,2 à 4,8 millions de tonnes entre 1990 et 2014) est principalement due à la hausse de la consommation du gaz naturel. Alors que les émissions de GES issues de la combustion de mazout léger et lourd diminuaient de 0,7 million de tonnes pendant cette période, celles générées par la combustion du gaz naturel augmentaient de plus d’un million de tonnes. En ce qui concerne la source classée « Autres », composée de charbon et de propane, elle aurait également connu une progression de ses émissions, mais de 160 000 tonnes seulement, ce qui n’est quand même pas négligeable.
Pourtant, le Québec dispose, pour les usages thermiques, de ressources abondantes en biomasse, à plus faibles émissions carbone. Et cet usage devrait être d’autant plus favorisé dans le secteur CI du bâtiment puisque ceux-ci sont souvent regroupés dans des zones géographiques plus limitées. Ils pourraient donc faire l’objet de démarches collaboratives, par le biais de réseaux de chaleur à la biomasse par exemple, ou en faisant éventuellement appel à d’autres sources d’énergie renouvelable (solaire, géothermie, gaz naturel renouvelable, etc.). Et en plus, ce serait à l’avantage des économies locales !