Allongement de la vie et report de la retraite des baby-boomers

2018/06/07 | Par IREC

Extraits de la plus récente Brochure de l'Observatoire de la retraite, disponible sur www.irec.net.

Depuis plus de deux décennies, le vieillissement de la population a été le principal moteur des réformes des systèmes publics de santé et de pensions dans les pays développés. S’il est synonyme d’augmentation rapide du nombre d’aînés, le vieillissement signifie aussi le ralentissement de la croissance du nombre des actifs sur le marché du travail, voire leur déclin, menaçant par le fait même la croissance économique. Étant donné la hausse de l’espérance de vie et l’amélioration globale de la santé, des politiques qui inciteraient les travailleurs à repousser le moment de leur retraite afin d’allonger leur vie active sembleraient donc tout indiquées pour amoindrir l’impact du vieillissement démographique.

Cependant, avant d'agir, il importe d’utiliser des indicateurs adéquats. On s’est longtemps fié à l’âge moyen de la retraite, publié régulièrement par Statistique Canada, pour suivre l’évolution des comportements face à la retraite. Or, pour l’ensemble du Canada, cet indicateur est demeuré stable à environ 61,5 ans de 1997 à 2008 (Statistique Canada (a)), alors que durant ces années, le taux d’activité des personnes de 55 à 69 ans passait de 37,2 % à 50,5 % (Statistique Canada (b)).

Selon un autre indicateur, calculé de façon semblable à l’espérance de vie, mais qui tient compte à la fois des décès et des retraites, l’âge effectif de la retraite (Carrière et coll., 2016) aurait plutôt augmenté de trois années. Cela confirmerait que le report de l’âge de la retraite est une tendance marquée chez les travailleurs âgés depuis plus de 20 ans et que des politiques visant spécifiquement un accroissement de l’âge normal de la retraite (ou de l’âge donnant droit à une pleine rente de Retraite Québec ou du Régime de pensions du Canada) seraient mal avisées si le seul but était de repousser l’âge effectif de la prise de la retraite.

Les questions que soulève ce débat sur l’âge « normal » de la retraite sont nombreuses. Parmi celles-ci, est-ce que tout gain en espérance de vie devrait être compensé par une hausse équivalente de l’âge de la retraite ? Sinon, quelle proportion de ce gain devrait être ainsi compensée ? Les gains en espérance de vie sont-ils accompagnés de gains au moins équivalents en termes d’espérance de vie en bonne santé ? Finalement, les gains en espérance de vie et en espérance de vie en bonne santé sont-ils le reflet d’inégalités croissantes entre les mieux nantis et les plus démunis ? À la notion d’équité intergénérationnelle si souvent mise de l’avant dans les débats entourant l’âge « normal » de la retraite, il ne faudra donc pas oublier celle de l’équité intragénérationnelle.

La présente contribution vise à démontrer que les travailleurs âgés repoussent déjà le moment de leur retraite depuis le début du millénaire, et ce même si certains indicateurs ne permettent pas de saisir cette tendance. Malgré la hausse de l’espérance de vie, nous montrons également que les années passées à la retraite sont demeurées relativement stables et qu’en proportion des années qui restent à vivre à l’âge de 50 ans, elles seraient même en déclin. 

Ces tendances, trop souvent ignorées ou méconnues, devront être prises en compte dans le débat entourant une hausse éventuelle de l’âge donnant droit à une pleine rente des systèmes publics de retraite.