Le gouvernement de Doug Ford en Ontario vient de mettre la hache dans le projet de la mise sur pied d’une université de langue française en Ontario. Non seulement cela, mais il abolit du même coup le Commissariat aux services en français. Une journée noire pour les Franco-Ontariens. Une autre, car ils en ont eu plusieurs…
Le projet de la mise sur pied d’une université de langue française, rappelons-le, est le résultat de décennies de mobilisation de la part des Franco-Ontariens et répond à un besoin criant dans cette province comptant une importante minorité de langue française où il n’existe pourtant aucune institution universitaire de langue française (pendant ce temps, le Québec finance trois institutions de langue anglaise!). L’université d’Ottawa, rappelons-le, est une institution bilingue, c’est-à-dire que l’anglais y est la langue dominante. L’abolition du Commissariat aux services en français, sous prétexte de nécessité budgétaire, est un signal clair de la volonté du M. Ford de mettre fin au bilinguisme pourtant tout à fait superficiel de l’Ontario. Voilà un brutal rappel à la réalité du Canada.
L’annonce du gouvernement Ford n’est pas sans rappeler celui du règlement 17 promulgué également par un gouvernement conservateur en 1912, règlement qui avait tout simplement interdit l’éducation en français en Ontario. À l’époque du règlement 17, Henri Bourassa du Devoir et Lionel Groulx avaient appelé à la mobilisation pour combattre les « Prussiens de l’Ontario ».
Si les Québécois ne souffraient pas d’amnésie collective aujourd’hui, ils se rappelleraient que, par exemple, de braves institutrices avaient défié la loi en se cachant pour enseigner en français, que des collectes de fonds avaient eu lieu au Québec pour financer la contestation, que grâce à cette mobilisation soutenue, l’infâme règlement 17 avait été aboli 15 ans après son entrée en vigueur, mais non sans avoir eu le temps de casser les reins de toute une génération de Franco-Ontariens. Ce qui a pavé la voie à leur assimilation. Rappelons que l’assimilation cumulative des francophones hors Québec en est rendue probablement au moins aux trois quarts des effectifs.
À ce mépris et cette provocation, le Québec se doit de répondre.
Il existe une façon très simple de le faire.
Le Québec finance en effet les études de très nombreux jeunes ontariens qui viennent étudier en anglais à Montréal aux universités anglophones McGill et Concordia. Ces étudiants sont financés en partie par le Québec, car s’ils paient le tarif pour les Canadiens non résidents qui est plus élevé que le tarif pour les résidents du Québec, celui-ci est loin de couvrir le coût réel de leurs études.
Il est cependant possible d’estimer grossièrement ce coût à partir d’un document publié récemment par le ministère de l’Éducation, soit la Politique québécoise de financement des universités. Aux graphiques 7 et 8 du document (pages 34 et 35), l’on fournit le nombre d’étudiants non québécois inscrits dans les universités québécoises pour l’année 2016-2017. Les étudiants canadiens non résidents sont au nombre de 14 113, soit 10 458 « assujettis » desquels on exige un montant forfaitaire (c’est-à-dire le tarif canadien non résident) et 3655 qui en sont exemptés (par exemple, ceux qui s’inscrivent dans un programme de littérature française, en résidence de médecine ou dans un programme de troisième cycle). Ces 14 113 étudiants canadiens nous coûtent 121 millions de dollars par année, soit 59 millions pour les « assujettis » et 62 millions pour les « exemptés ».
De ces étudiants canadiens non résidents inscrits dans les universités québécoises, quelle est la part qui revient à McGill et Concordia? McGill accueille annuellement environ 8600 Canadiens non résidents. Concordia environ 4000. Ces deux institutions drainent donc environ 90% des étudiants canadiens non résidents qui viennent étudier au Québec. L’Ontario représente environ 50% de la population du Canada hors Québec.
Si l’on met tout cela ensemble, l’on peut estimer que les Ontariens nous coûtent au bas mot 54,5 millions de dollars par année, cette estimation étant passablement conservatrice, car les Ontariens représentent fort probablement beaucoup plus que 50% des Canadiens non résidents à McGill et Concordia.
Actuellement donc, le Québec assume une partie non négligeable du fardeau du financement de l’éducation supérieure de l’Ontario. Vous avez bien lu. Comme dîner de cons, on a rarement vu mieux. L’absurdité de cette situation a d’ailleurs été reconnue en 1997 alors que le PQ a décidé d’imposer un tarif canadien non résident à cette clientèle qui bénéficiait auparavant du même tarif que les étudiants québécois. La moindre des choses serait que le Québec fasse un pas de plus, mette fin à ce cirque et impose le plein tarif aux Ontariens qui viennent étudier en anglais à Montréal.
Il faut cependant être ouvert au compromis : ceux qui choisissent de venir étudier en français, à l’Université de Montréal par exemple, pourraient continuer à bénéficier du tarif canadien non résident…
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