L’auteur est député du Bloc Québécois.
Le 21 novembre dernier, le gouvernement de Justin Trudeau a déposé un mini-budget. La principale mesure est une aide aux investissements des entreprises. Elle s’élève à quatorze milliards $ sur cinq ans. Dans ce mini-budget, le gouvernement libéral se trouve à soutenir davantage le développement pétrolier de l’Ouest que l’ensemble de l’économie du Québec. Il s’agit d’une injustice flagrante.
Selon nos estimations, l’industrie pétrolière devrait rafler 20 % du programme, alors que l’ensemble des entreprises du Québec touchera vraisemblablement un peu moins de 15 %. Il s’agit là d’estimations conservatrices. Cette politique économique nous ramène encore une fois à deux constats. D’une part, le Québec est systématiquement marginalisé par les politiques économiques d’Ottawa. De l’autre, malgré le discours supposément environnementaliste des libéraux, avec sa nouvelle caution verte incarnée par Steven Guilbeault, le gouvernement est totalement impliqué dans le développement pétrolier.
Ces 20 % du programme destinés aux pétrolières, soit 2,75 milliards $, n’incluent même pas l’aide à la construction d’oléoducs ou au transport du pétrole par rails, qui accapareront aussi une part substantielle des crédits. Il est légitime de se demander si le gouvernement libéral ne soutient pas davantage l’industrie pétrolière que ne le faisaient les conservateurs. Ils ont acheté l’oléoduc Trans Mountain à Kinder Morgan au coût de 4,5 milliards $ au printemps dernier. Une fois le nouvel oléoduc construit, le coût du projet devrait s’élever à un montant oscillant entre dix et treize milliards $.
Jamais Ottawa n’a investi des sommes comparables pour soutenir l’économie québécoise. En plus des dépenses pour l’industrie pétrolière et l’économie de l’Ouest, financée par les banques de Toronto, Ottawa répand aussi ses largesses sur le secteur de l’automobile en Ontario. Lors de la crise économique de 2008, le gouvernement fédéral n’a pas hésité à débourser dix milliards $ pour soutenir cette industrie. De cette aide, Ottawa a effacé, cet automne , une dette de 2,6 milliards $ de Chrysler. À titre illustratif, cette radiation représente pour Chrysler plus de 100 000 Fiats à 25 000 $ l’unité ! On s’attend à ce qu’Ottawa annonce incessamment qu’il annule aussi une dette d’environ deux milliards $ de GM. C’est l’équivalent d’un cadeau de 100 000 Chevrolet Cruze à 20 000 $ l’unité.
Le gouvernement fédéral soutient aussi vigoureusement l’économie des Maritimes. Il s’est porté garant de 9,2 milliards $ des 12,7 milliards $ du projet de Muskrat Falls au Labrador, qui constitue un véritable scandale financier. À Terre-Neuve, il ne fait aucun doute qu’Ottawa va devoir acquitter la facture de ces 9,2 milliards $, qui représente une dette insoutenable de 17 400 $ par habitant. Lorsque la Chambre des communes a voté cet endossement, seul le Bloc Québécois s’y est opposé.
Et ce n’est pas tout ! Il y a aussi toute la stratégie navale où le Québec a été exclu. Boudant le chantier de la Davie à Lévis, Ottawa a accordé les trois-quarts des contrats, totalisant 100 milliards $ au cours des prochains vingt ans, à Irving à Halifax et l’autre quart à Seaspan à Vancouver. L’ensemble des contrats comprend la construction de nouveaux navires et leur entretien. Pour ce faire, Irving a bâti une usine flambant neuve dans la baie d’Halifax. Mais l’entreprise n’arrive pas à livrer les navires à temps, peine à recruter des travailleurs qualifiés et les dépassements de coûts sont au rendez-vous.
Pendant ce temps, le nombre de travailleurs à la Davie est passé de 1 500 à seulement une soixantaine. C’est sans compter l’hécatombe dans son réseau de 800 fournisseurs au Québec, souvent spécialisés dans les technologies de pointe comme les radars. Notre chantier représente pourtant la moitié de la capacité de production canadienne et a été reconnu comme le meilleur chantier en Amérique du Nord. Il y a quelques décennies, Ottawa avait plaidé pour la fermeture des chantiers maritimes de Marine Industries à Sorel et de Versatile Vickers à Montréal afin que l’activité soit concentrée à Lévis. Ces deux chantiers comptaient 1700 travailleurs. Les emplois seront finalement concentrés à Halifax et Vancouver.
Le Québec étant marginalisé comme il ne l’a jamais été au Canada, les trois partis fédéralistes – les libéraux, les conservateurs et les néodémocrates – ont applaudi ces choix économiques, tant pour la stratégie navale, Muskrat Falls que pour l’industrie de l’automobile. Aujourd’hui, les projets de soutien à l’industrie pétrolière reçoivent l’aval des libéraux et des conservateurs. Aucun de ces trois partis ne se lève pour réclamer une meilleure redistribution pour que le Québec ait sa juste part. Ils incarnent tout simplement la réalité d’un Canada, où le Québec ne figure pas dans l’équation.
Les libéraux ont beau avoir 40 élus du Québec sur un potentiel de 78 sièges, ça ne compte pas. Dans les trois derniers accords commerciaux, – l’Accord États-Unis-Mexique-Canada, le Partenariat transpacifique et de l’Accord Canada-Europe – ce sont nos agriculteurs sous gestion de l’offre qui ont servi de monnaie d’échange.
Les politiques économiques pour développer les secteurs forts du Québec ne trouvent pas preneur à Ottawa. Rien pour l’aéronautique, pour la haute technologie, pour l’économie verte, pour l’agriculture ou la forêt. Dans ce dernier cas, il est même à se demander à quoi aura servi le nouveau régime forestier. Pour se sortir de la crise du bois d’œuvre avec les États-Unis, le Québec a complètement transformé sa façon de faire. Or, pour ne pas nuire à l’industrie forestière en Colombie-Britannique, Ottawa passe sous silence ce nouveau régime.
Depuis l’élection de 2015, le gouvernement libéral a choisi de renouer avec d’importants déficits en dépensant beaucoup plus que ses moyens. Il justifie ce choix en disant vouloir stimuler l’économie. Or, l’essentiel de son intervention économique a lieu en dehors du Québec. Le résultat de cette politique économique est un développement soutenu de l’économie du Canada, mais pas celle du Québec. Au final, nous nous retrouvons à payer pour ces choix sans en tirer aucun bénéfice. C’est une situation scandaleuse et totalement injuste pour le Québec.
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