La plus jeune représentante du Congrès, Alexandria Ocasio-Cortez, vole le show!
Ce que douze millions de jeunes du monde entier regardent sur youtube, ce n’est pas la reprise de la longue et plutôt ennuyeuse cérémonie des Golden Globes, mais la plus jeune des représentantes démocrates à Washington qui danse pieds nus sur un toit de son université en 2010. Et pourtant il s’agit d’une vidéo que ses adversaires politiques ont fait circuler dans le but de discréditer cette femme courageuse née dans le Bronx de parents d’origine portoricaine. La golden girl a répliqué : « le Parti républicain pense que les femmes qui dansent sont scandaleuses. Attendez qu’ils découvrent que les femmes parlementaires dansent aussi ! ». On l’a vue aussi déclarer à la télévision, lors d’un party animé : « don’t worry, we’ll get rid of that fucker! Ne vous inquiétez pas, on va se débarrasser de cet enfoiré», en parlant sans gêne ainsi du président Trump (et de son impeachment?). Rappelons qu’elle est entrée en fonction il y a quelques jours, succédant à un des vieux piliers du parti démocrate qu’elle a vaincu en promesse éclatante de renouveau aux États-Unis, l’équivalent de la surprise de Québec Solidaire chez nous.
Les Golden Globes 2019, féministes antiracistes
Dès lors, la cérémonie 2019 des Golden Globes n’avait plus besoin des discours anti-Trump comme ceux, mémorables, parsemant les éditions 2017 et 2018. Étonnant, par contre, que l’environnement qui craque de partout n’ait à peu près suscité aucune déclaration de choc.
Mais saluons l’espoir du vent antiraciste soufflant sur le cinéma qui, depuis cinq ans, voit des œuvres afro-américaines révéler des talents exceptionnels : si la soirée n’a accordé de prix ni à Blackpanther, film spectaculaire mais vide de Marvel cherchant à oblitérer du souvenir la réalité trop amère du drame des véritables Black Panthers politisés, ni à BlacKkKlansman, film de Spike Lee pourtant signalé par quatre nominations méritées, elle a au moins consacré Green book avec trois prix, dont celui au sage Mahershala Ali, et l’actrice Regina King, sacrée meilleur rôle de soutien pour le film de Barry Jenkins If Beale Street Could Talk. Elle a eu l’intelligence de porter son discours aussi sur une autre thématique essentielle, le féminisme, comme l’ont fait l’animatrice Sandra Oh et Glenn Close, nommée meilleure actrice dans The wife. Et le mélange subtil de préoccupation antiraciste et féministe chez la racisée Alexandria, se retrouva illustré avec tendresse chez Alfonso Cuarón, deux fois distingué pour sa bouleversante saga mexicaine intitulée Roma.
Même Lady Gaga s’y est mise de bon cœur, récompensée pour son interprétation d’une chanson tirée de A Star Is Born. Mais les membres de l’Association de la presse étrangère à Hollywood ont décidé à bon droit de ne pas donner un seul prix de plus à ce film aux six nominations, incroyablement ennuyeux, clinquant et manipulé par le narcissique acteur-réalisateur-producteur Bradley Cooper. Pour la musique, le jury a préféré distinguer First man (musique originale de Justin Hurwitz) et Bohemian Rhapsody (Queen).
VICE
Quant à VICE, film biographique américain écrit et réalisé par Adam McKay sur le vice-président Dick Cheney, sans doute le politicien que j’ai le plus détesté dans ma vie, je ne lui pardonne pas d’avoir éclipsé totalement celui de Spike Lee. Comment pourrais-je alors écrire une critique équilibrée sur un film qui a choisi de mettre en valeur les qualités humaines de l’homme de pouvoir le plus détestable de la fin du XXe siècle? Tel Michel Chartrand, j’avais le goût de crier HUMAN INTEREST à chaque minute d’un film si intelligemment fabriqué qu’il réussira à contenter à la fois les gens de gauche moins informés et tous les gens de droite et surtout d’extrême-droite qui se régaleront de :
- son amour réel pour sa femme interprétée avec discrétion par Amy Adams,
- sa capacité de travail à peine entravée par deux crises cardiaques,
- son amour de la campagne et des chiens qu’il élève avec sa femme adorée,
- enfin, son amour paternel pour sa fille Mary lesbienne troublée à juste titre par les conseils de ses parents à sa sœur Liz de la renier, afin de faciliter son accession comme républicaine à la Chambre des Représentants (où elle siège, comme de fait, élue au Wyoming par 62% des suffrages; proprement dégoûtant).
Le film montre donc la difficile ascension sociale dont la carrière s’est vue facilitée par une absence totale de scrupules qui l’a fait, dès ses débuts, endosser la canaille Donald Rumsfeld (joué par Steve Carell au sourire carnassier), Secrétaire à la Défense avant lui, celui que certains accusent d’avoir vendu des gaz toxiques à Saddam Hussein pour massacrer des centaines de Kurdes et des milliers d’Iraniens. Les actions de Cheney dans sa compagnie paramilitaire Halliburton ont grimpé de 500% suite à l’invasion de l’Irak et le vice-président ne fut pas étranger aux malversations criminelles de Blackwater, l’armée privée la plus puissante du monde, responsable de Guantanamo et autres lieux de tortures de prisonniers de guerre détenus sans procès.
Deux représentantes en sciences politiques ont blâmé les nombreuses inexactitudes historiques du film à Radio-Canada. Mais il est impossible d’illustrer en images le demi-million de morts et le Moyen-Orient totalement sens dessus dessous, causés par cette vermine à qui le film donne en outre le mot de la fin où il prétend que « l’Amérique n’a pas connu d’autre attentat terroriste genre 9/11 parce qu’il a su frapper fort… »
Certaines réussites du film vous feront peut-être malgré tout pardonner une partie de ses défauts épouvantables, grâce à des vérités oubliées en cette ère Trump, entre autres la bêtise totale de George W. Bush que Sam Rockwell illustre de son plus beau sourire benêt. Et la plus grande réussite, c’est Christian Bale, une personnification parmi les plus réussies de tous les biopics des dernières années. On l’a vu aux Golden Globe Awards le 6 janvier avec 50 kilos en moins à nouveau et tous ses cheveux (voir les 2 photos incroyables du même acteur ci-dessous à trois mois d’intervalle!). On a particulièrement apprécié ce que les journalistes commentant le gala ont passé sous silence : ses cyniques remerciements à Satan pour lui avoir inspiré son interprétation fabuleuse de Dick Cheney, en effet pas mal plus diabolique que les plus sombres incarnations de Batman, même mises en scène par Christopher Nolan.
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