Revue de presse 10-14 juin

2019/06/14 | Par Pierre Dubuc

Journaliste ou plutôt propagandiste recherché

Nous avons reçu d’un de nos lecteurs, André Cloutier, cette information. Dans son infolettre du 6 juin 2019, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), sous la rubrique « Offres d'emploi »,  mentionne un emploi de la Société Histoire Canada destiné à un « stagiaire en rédaction bilingue ».

Lorsque l'on consulte le site Internet bilingue de « Canada's History / Histoire Canada » (sic), nous constatons que cette société est une officine propagandiste du fédéralisme canadien. Sur les 14 membres du conseil d'administration, il n'y a qu'une seule personne francophone : Michèle Dagenais, Historien (sic), Montréal. Parmi la direction et le personnel, il y a une seule personne francophone : Danielle Chartier... qui vient du secteur bancaire.   

Parmi les donateurs et commanditaires de la « Society », nous retrouvons : RBC Foundation, Bank of Montreal, Deloitte, Heritage Nova Scotia Trust, The North West Company, Province of Manitoba, etc.

Sur les centaines de donateurs.trices nous retrouvons de rares noms à consonance francophone : Michele (sic) Lacombe, Marcel Martel, Manon Vennat, Armand Beaudoin, Robert Bedard (sic), J. Bergevin-Vollebekk, Susan (sic) Brazeau, Michele (sic) Dagenais, Marion Dubuc, Joyce (sic) Gauthier, Marcel Giroux, M. Moule, A. Pepin, Shelly (sic) Robichaud et Paul Taillefer.

Le logo de cette société est semblable aux logos du gouvernement canadien, comme pour donner à cette machine de propagande fédéraliste une quelconque crédibilité ou «objectivité ».

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Silence intriguant des trotskistes

Dans son édition du mercredi, 5 juin 2019, le journal français, Le Canard enchaîné fait une recension du livre Les petits matins rouges. Récit d’une trahison (Éditions de l’Observatoire), dans lequel l’auteur, Laurent-David Samama raconte le délitement de la pensée trotskiste.

L’auteur rappelle les empoignades au sein des groupes trotskistes français  qui, « à force de couper les cheveux en quatre et de multiplier les motions », en venaient à « s’écharper sur un mot, une ligne d’un texte pas vraiment fondamental sur lequel ils étaient pourtant d’accord à 95% ».

Selon l’auteur, une école trotskiste pour la formation des militants ressemblait à ce lieu où s’enseigne le Talmud, autour du concept hébraïque de pilpoul, entendu comme « questionnement infini d’un texte sacré et de la norme qui en découle ».

Impossible de l’affirmer avec certitude, mais il se pourrait que les trotskistes québécois regroupés dans le site Internet Presse-toi à gauche, proche de Québec Solidaire, soient pris, eux aussi, d’un « questionnement infini » devant le projet de loi sur la laïcité de l’État de la CAQ, car ils n’ont pas publié de texte sur le sujet depuis que Québec Solidaire a tranché en rejetant le compromis Bouchard-Taylor et en se prononçant contre toute interdiction de signes religieux.

Vivement le retour de la lutte des classes !

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La Presse et les attentats en mer d’Oman : pas encore de fake news, mais ça s’en vient

Dans son édition du 14 juin 2019, La Presse + relate les événements entourant l’attaque de deux pétroliers circulant à proximité du détroit d’Ormuz. Après les sections de texte coiffées des sous-titres : « Que s’est-il passé en mer d’Oman? »; « Qui est responsable de l’attaque? » (L’Iran, selon les États-Unis); « Comment a réagi le régime iranien? » (En niant les accusations américaines), le journaliste Marc Thibodeau pose la question : « Les démentis iraniens sont-ils crédibles? »

Eh ! bien ! Pourquoi la question n’est-elle pas plutôt : « Les prétentions de l’administration Trump sont-elles crédibles? », quand nous savons tous que Donald est un fieffé menteur. Pourquoi une approche aussi biaisée? Pour préparer les fake news à venir?

En fait, la question à poser est : « À qui profite le crime? » On ne voit pas l’intérêt de l’Iran dans cette affaire, mais très bien l’intérêt des producteurs pétroliers des États-Unis et de l’Alberta. Une crise au Moyen-Orient aurait pour effet de faire monter le prix du baril de pétrole. Les États-Unis peuvent se permettre une telle crise depuis qu’ils sont autosuffisants en hydrocarbures. Mais La Presse préfère relayer le message de l’administration américaine et des pétrolières.

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La Presse ne fait pas confiance à ses lecteurs et veut plus d’argent de l’État

Pour venir en aide aux médias frappés par la migration des revenus publicitaires vers le GAFAM, le gouvernement Trudeau a proposé un crédit d’impôt sur la masse salariale remboursable de 25% assujetti à un plafond de 55 000 $ soit, en termes clairs, une subvention de 13 750 $ par employé.  À cela s’ajoute une enveloppe de 235 millions $ pour des crédits d’impôt aux abonnements numériques et les dons à des fondations créées par les médias. Autrement dit, des subventions aux lecteurs de ces journaux.

Mais la direction de La Presse n’est pas satisfaite. Elle le fait savoir par l’entremise d’un comité du Sénat. (Même si son nom n’est pas mentionné, l’ancien rédacteur en chef de La Presse André Pratte a de toute évidence mis la main à la pâte.)

Le comité sénatorial propose d’augmenter le plafond salarial admissible au crédit d’impôt et le pourcentage des crédits d’impôt sur la masse salariale.

Le président de La Presse, Pierre-Elliott Levasseur croit que le comité sénatorial a « mis le doigt sur le bobo » et prône un « rééquilibrage », soit plus d’argent versé directement par le gouvernement. De toute évidence, il ne croit pas beaucoup aux dons du public et aux abonnements numériques pour remplir la caisse.

La Fédération nationale des communications chiffre la demande. Elle réclame un crédit d’impôt de 35% et une hausse du plafond salarial à 85 000 $. Le gouvernement paierait pratiquement le tiers des salaires des journalistes.

Une solution plus simple – et qui garantirait l’indépendance de la presse – serait de taxer les GAFAM et de dédier l’argent recueilli aux médias. Mais à quoi doit-on s’attendre d’un gouvernement qui a déjà capitulé devant Netflix ?

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La liberté de presse a un prix !

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Recherché : Constitution pour se prémunir de la tyrannie de la majorité

Dans son édition du 1er au 7 juin, le magazine britannique The Economist consacre sa page frontispice et son éditorial à la crise du Brexit sous le titre : « Next to blow : Britain’s constitution ».

Le magazine rappelle que les Anglais se sont toujours félicités de ne pas avoir de constitution écrite. La vie politique est régie par un Parlement souverain avec ses traditions et ses multiples conventions constitutionnelles. Mais là, avec le Brexit, le magazine avertit les Britanniques que la constitution informelle dont ils vénéraient les capacités d’adaptation et la robustesse peut, dans les faits, amplifier le chaos, la division et menacer l’union.

Le magazine craint la sortie de l’Union européenne sans entente avec un Boris Johnson, qui pourrait se retrouver à la tête du gouvernement d’un pays de 66 millions d’habitants, élu par seulement les quelque 124 000 membres du Parti conservateur. Les conventions constitutionnelles, pleines de contradictions, ne précisent pas qui aurait le mot final entre l’exécutif et le Parlement. Et The Economist ne fait pas confiance au Speaker de la Chambre des communes pour clarifier la situation.

On n’aurait pas non plus mesuré les conséquences de la dévolution de pouvoirs par le Parlement de Westminster – et l’autorisation de la tenue de référendums – à l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord, sous Tony Blair et David Cameron.

Le magazine s’inquiète du fait qu’aux élections européennes, les nationalistes écossais ont amélioré leur score, amplifiant la possibilité d’un nouveau référendum en faveur de l’indépendance de l’Écosse. Comme il n’y a rien de prévu pour un processus de sécession, The Economist évoque une situation cauchemardesque.

Actuellement, la protection des droits des citoyens britanniques tombe relève de la Charte des droits fondamentaux européenne.  Avec le Brexit, celle-ci ne chapeautera plus les cours de justice britanniques.

Enfin, le magazine craint que ce qui sert de constitution puisse facilement être amendé par les méchants gauchistes du Parti travailliste de Jeremy Corbin.

La crise politique risque donc, selon The Economist, de se transformer en une crise constitutionnelle, à laquelle la Grande-Bretagne n’est pas préparée.

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Retour de la police des mœurs sur la main?

« Les boissons alcoolisées doivent être consommées sur les terrasses avec licence », peut-on lire sur des bannières lors de la vente trottoir sur la rue Saint-Laurent, à Montréal, à l’occasion du Grand Prix.

En fait, le texte est une traduction littérale de l’anglais qui parle de « licensed terraces ». Elle rappelle ces restaurants qui, dans les années 60 et 70, affichaient « licences complètes », au grand étonnement des touristes français, qui y flairaient une odeur de luxure.

Bon, mais, peut-être bien que « terrasses avec licence » n’était pas une erreur de traduction, mais une volonté de mettre les visiteurs dans l’esprit du Grand Prix…