L’auteur est membre du Comité pour la protection de l'environnement maskoutain
« Canada is back » clamait le nouveau Premier ministre Trudeau après les élections de 2015. Et il s'empressait de signer l'Accord de Paris en promettant de réduire nos GES (émissions de gaz à effet de serre). Mais depuis, quelle déception! Une dernière tuile vient de tomber sur la tête de ceux qui ont cru en ce prétendu gourou de l'environnement : son ministre des Finances, M. Morneau, vient tout juste d'annoncer que les coûts pour tripler la capacité de l'oléoduc Trans Mountain vont exploser jusqu'à 12,6 milliards de dollars.[1]
Pourtant, il prétendait réduire nos GES pour devenir carboneutre d'ici 2050! Bien sûr, il faudrait d'abord définir ce que carboneutre veut dire![2]. Comme on peut le lire dans La Presse : « Lors de l'accord de Paris en 2015, le Canada a réaffirmé ses cibles de réduction des gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d'ici 2030, et de 80 % d'ici 2050. Cela signifie que le pays ne peut plus émettre que 168 mégatonnes de GES par an d'ici à 2050. »[3]
Dans la lutte pour réduire nos émissions de GES, les scientifiques du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) essaient d'être objectifs et ils sont prudents, peut-être trop prudents, face aux cris stridents des climatonégationnistes.[4] Même si la logique exige de réduire notre utilisation des carburants fossiles, M. Trudeau fait la promotion de grands pipelines dont le seul résultat évident sera de faire augmenter significativement nos GES pendant des décennies. C’est le cas du projet de gazoduc Coastal GasLink vers le Pacifique, et du projet de gazoduc Énergie Saguenay de GNL Québec, deux gazoducs qui permettraient d'exporter du gaz de schiste produit dans le nord de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.
Il a également autorisé la reconstruction de la ligne 3 d'Enbridge vers le Wisconsin et il ne s’oppose pas au projet d’oléoduc Keystone XL vers le sud des États-Unis. Ajoutez à cela l'achat de l'oléoduc Trans Mountain avec les deniers publics pour 4,5 milliards et, pour couronner le tout, l’engagement de M Trudeau à dépenser un autre 12,6 milliards de nos taxes pour en tripler la capacité.[5] Enfin, pour comble d’illogisme, le cabinet Trudeau se prépare à approuver le méga-projet de sables bitumineux Teck Frontier d'ici la fin de février.[6]
Même le parti conservateur n'aurait pas osé acheter Trans Mountain. Les conservateurs sont favorables à l'industrie pétrolière, mais ils sont opposés à l'idée que ce soient les contribuables qui doivent payer pour ce pipeline. Mais pourquoi acheter ce pipeline si l'industrie privée a des doutes au sujet de la viabilité économique de Trans Mountain? L'article précité de La Presse [3] et l'article de l'économiste Robyn Allan[7] sont extrêmement critiques à l’égard de l'aspect économique de Trans Mountain et de Teck Frontier, tout comme nombre d’autres articles.[8]
Comment M. Trudeau et son conseil des ministres peuvent-ils s’engager réellement dans la lutte aux changements climatiques s'ils sont incapables de faire face au chantage de Jason Kenney?[9] Les artifices du langage et les tours de passe-passe en relations publiques ne peuvent transformer la réalité. Dans une opinion du National Observer, le chroniqueur Gerald Kutney rapporte que selon un journal de Calgary, M. Kenney se serait transformé en politicien « vert ». Il aurait dit :« Je veux que l'Alberta soit considérée comme le leader mondial en matière d'écologisation des énergies non renouvelables, tout en constatant une croissance des formes d'énergie renouvelables. » Et le chroniqueur de lui répondre ainsi : « Désolé, M. Kenney, "écologiser l'énergie non renouvelable" (code pour l'écologisation du pétrole), ne suffit pas. La seule couleur du pétrole que j'aie vue est le noir, et le noir n'est pas le nouveau vert. » [10]
On peut rire de ces jeux de mots burlesques. Le temps des atermoiements doit prendre fin : Coastal GasLink, Trans Mountain et Teck Frontier ne seront jamais des projets « verts ». Le roi de la déception doit se faire greffer une colonne vertébrale et choisir son camp : ou il enfonce le Canada dans la vieille économie du pétrole, ou il combat les changements climatiques.
1] https://www.theglobeandmail.com/canada/alberta/article-trans-mountain-ex...
4] https://reporterre.net/Valerie-Masson-Delmotte-Nous-les-scientifiques-avons-ete-trop-prudents
10] https://www.nationalobserver.com/2020/02/11/opinion/kenney-hardly-going-green?
“I want Alberta to be considered the global leader on greening non-renewable energy, while also seeing a growth in renewable forms of energy.” Sorry Mr. Kenney, “greening non-renewable energy” (code for greening oil), does not cut it. The only colour of oil that I have seen is black, and black is not the new green.
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