Chronique d’une hécatombe annoncée?

2020/04/10 | Par Germain Dallaire

J’écris ce que je n’aurais jamais voulu écrire mais je ne peux m’empêcher de voir se dessiner un scénario catastrophique. Je souhaite me tromper mais tout pointe dans la même direction.

À la base, cette fameuse volonté qui me semble commune à tous les pays : aplatir la courbe. On cherche à le faire pour éviter un pic trop important qui dépasserait la capacité du réseau de santé. On sait depuis longtemps que notre réseau de soins pour les personnes âgées est dans un très mauvais état. Les 40 ans de néo-libéralisme et de désengagement de l’État ont fait leur œuvre. Les salaires y sont trop bas, il manque de personnel et ceux et celles qui restent sont débordé(e)s, à bout de souffle. L’année dernière, on même vu un propriétaire de résidence pour personnes âgées de Laval barrer la porte de la résidence à minuit pour empêcher le préposé de sortir après son quart de travail. Il n’avait personne pour le remplacer.

Cette pénurie de personnel ne pouvait faire autrement qu’être dramatique dans la crise actuelle. Dès le début, on entendait parler de préposé mis en quarantaine mais obligé de revenir prématurément à cause du manque de personnel. En langage bureaucratique, on appelle ça la rupture de service.

La semaine dernière, pour préserver le système hospitalier, la ministre McCann demandait aux résidences pour personnes âgées de garder chez eux leurs résidents problématiques. La Presse+ nous apprenait même cette directive incroyable (j’oserais dire surréaliste) du Ministère demandant aux directions de mettre à jour les niveaux de soins souhaités par leurs patients.

En langage ordinaire, cela signifie jusqu’où on va dans les manœuvres en cas d’état critique. J’imagine le patient alité, un peu fiévreux, bien au courant de la situation actuelle, à qui on vient poser ces questions. J’écris ces lignes et j’en frémis. Comme dirait l’autre, c’est fort le ketchup!

Est arrivé ce qui devait arriver. Le nombre d’infections dans les résidences a explosé et à certains endroits (Ste-Dorothée), c’est la catastrophe sanitaire. Mardi, la ministre annonçait l’envoi de renforts de personnel hospitalier dans les CHSLD. C'est un peu beaucoup le monde à l'envers.

Quand c'est critique, c'est à l'hôpital que ça doit se passer. C'est là et seulement là qu'on a le personnel suffisamment formé, les lieux physiques et l'équipement nécessaires.

Mais voilà, on est dans l'aberration, on préserve le taux d'hospitalisation. Voilà comment se développe un scénario catastrophe. Tout est en place pour une crise majeure... j'oserais dire honteuse. On a favorisé la multiplication des cas dans les endroits abritant nos ainé(e)s les plus vulnérables. Mais encore une fois, j'espère me tromper.