Dans son livre « La doctrine du choc », publié en 2007, l’essayiste Noami Klein développe une thèse à l’effet que certaines politiques néolibérales impopulaires ont été implantées dans des pays du tiers-monde en profitant de crises systémiques : désastres naturels, chocs pétroliers, effondrements monétaires, etc. Ce cadre d’analyse est fécond; les crises sont en effet des moments propices pour implanter des changements désirés par certaines élites et refusés par le peuple; ce livre a eu un certain retentissement.
La mairesse Valérie Plante a-t-elle décidé de s’inspirer de cette auteure fétiche d’une certaine gauche pour faire avancer un vieux rêve de tous ceux qui sont en guerre avec le « français langue commune » : celui de la bilinguisation de la Société de transport de Montréal (STM)?
On se rappellera que la STM était un des derniers bastions du « français, langue commune » dans les services publics à Montréal et était régulièrement conspuée par les médias anglophones et une partie de notre élite servile. Rappelons-nous le « STM, are you hearing? », lancé par le ministre alors responsable de Montréal en 2013, M. Jean-François Lisée, en pleine entrevue dans un média anglophone alors que le sujet était l’anglicisation (souhaitée) de l’offre de services de la STM. M. Lisée jugeait que la STM devait devenir intégralement bilingue. Un des prétextes employés était la nécessité de servir les touristes dans la langue « de leur choix », c’est-à-dire l’anglais (jamais de mentions d’autres langues?).
Dans le débat en anglais (un signe qui ne ment pas du déclin du statut du français à Montréal) des candidats à la mairie de Montréal en 2017, Mme Plante avait affirmé que « pour la sécurité publique, il serait important qu’il y ait des messages bilingues ».
Outre son inconfort avec la Charte de la langue française, Mme Plante a aussi démontré à maintes reprises son inconfort avec les symboles du Québec français. Rappelons-nous qu’il avait fallu une mise en demeure et une intervention du gouvernement de la CAQ pour que le drapeau du Québec fasse son apparition dans le protocole de la Ville de Montréal. Mme Plante se croyait-elle mairesse d’une cité-état n’ayant de comptes à rendre qu’à Ottawa? Soulignons, parce que cela est pertinent, que la matrice idéologique de Mme Plante est le NPD canadien. Encore aujourd’hui, le site web de l’Institut Broadbent, le think-tank du NPD, fait référence à Mme Plante comme membre de l’institut.
Mme Plante fait incontestablement partie des opposantes idéologiques à la Charte de la langue française et à sa conception du « français, langue commune ». Plusieurs opposants à la Charte tiennent d’ailleurs simultanément deux discours qui s’annihilent mutuellement. D’un côté l’on soutient que tous les anglophones sont bilingues et ont accepté de bon cœur le français langue commune (et alors quelle nécessité d’angliciser les services?), de l’autre l’on soutient que l’anglicisation est une question de sécurité (ce qui indique qu’ils ne sont pas bilingues).
Il faudrait choisir : soit les anglophones sont massivement bilingues, soit ils ne le sont pas.
Quoi qu’il en soit, la crise de la covid-19 se révèle un terrain propice pour faire avancer ce vieux rêve libéral et canadian. Depuis peu, certains messages publics se font en anglais dans le métro de Montréal, comme en témoigne la vidéo suivante, enregistré à Berri-UQAM le 10 avril 2020.
Notons que le prétexte d’assurer la sécurité des touristes ne tient pas : ils sont tous rentrés chez eux à cause de la pandémie. Les messages publics en anglais sont donc au bénéfice des Québécois.
Pour l’instant, les messages en anglais semblent concerner seulement la covid-19. Mais ne doutons pas qu’il s’agit d’un ballon d’essai : on teste les eaux et on jauge les réactions. Une fois la glace cassée et le principe du bilinguisme accepté, la portée va s’étendre et se généraliser : le vieux rêve de certains, d’une STM intégralement bilingue, va se concrétiser rapidement.
Le ministre responsable de la Charte va-t-il rappeler Mme Plante et la STM à l’ordre?
Cela s’impose.