L’auteure est députée du Bloc Québécois
En ce moment, le Québec, le Canada et le reste du monde traversent une crise sans précédent qui pourrait nous faire oublier des enjeux très importants dont ceux relatifs à l’environnement.
Cette année, le 22 avril 2020, marque le 50ième anniversaire du Jour de la Terre. Plusieurs d’entre nous étaient pressés de célébrer cet anniversaire. C’était l’occasion rêvée de faire la promotion d’une transition énergétique nécessaire, de dénoncer des pratiques néfastes des industries polluantes qui nuisent à l’environnement et la biodiversité, c’était une occasion de revendiquer des actions concrètes des décideurs et de continuer à conscientiser les gens à l’importance de lutter contre les changements climatiques. Des tonnes d’activités étaient prévues, mais elles ne verront jamais le jour.
Le jour de la Terre, c’est un événement mondial et habituellement plusieurs manifestations se tiennent partout dans le monde pour la protection de l’environnement. Il y une espèce de solidarité internationale qui a pris une toute autre tournure avec la pandémie.
C’est un sénateur américain – autre temps, autre mœurs – qui encouragea les jeunes à créer des projets de sensibilisation à l’environnement. Depuis ce temps, l’UNESCO, le GIEC produisent, année après année, des rapports toujours plus accablants sur les écosystèmes terrestres et marins, sur la biodiversité, sur tous les impacts des activités humaines sur les ressources limitées de la planète.
Les derniers rapports du GIEC démontrent même que c’est l’avenir de l’espèce humaine qui est en jeu.
Malheureusement, alors que l’incertitude économique ronge bon nombre de citoyennes et de citoyens sur une base individuelle, que certains peinent à payer leur loyer ou même manger, les lobbys du pétrole profitent de la crise du COVID-19 pour faire avancer leur agenda. L’Association canadienne des produits pétroliers (ACPP), un lobby très puissant, a acheminé au ministre Seamus O’Reagan, ministre des Ressources naturelles, une note secrète, datée du 27 mars, qui est proprement odieuse. Cette note révèle la tentative de l’industrie pétrolière d’exploiter la crise de la COVID-19 pour atteindre ses propres objectifs.
Voici quelques exemples de ce qu’ils demandent. :
- Ne plus respecter les limites pour les émissions de carbone;
- Ne pas limiter la pollution causée par les véhicules;
- Remettre à plus tard les règlements fédéraux sur le méthane et faire en sorte que là où des lois provinciales moins sévères existent, que ces lois priment sur les lois fédérales;
- Ne pas respecter la Déclaration de l’ONU sur les Droits des peuples autochtones;
- Avoir un délai pour la taxe sur le carbone et surtout ne pas l’augmenter;
- Ne plus inspecter les explorations pétrolières actuelles;
- Être exemptée de l’obligation de faire rapport sur ses activités de lobbying;
- Repousser la mise en œuvre des règlements concernant le transport de pétrole sur rail. (Mégantic ça vous dit quelque chose?)
Et j’en passe
On peut s’attendre à ce que l’ACPP évoque ce précédent pour que toute cette dérèglementation perdure dans le futur.
Le gouvernement fédéral doit défendre l’eau, la végétation, la faune, les humains; le gouvernement fédéral doit respecter ses obligations internationales pour lutter contre les changements climatiques; le gouvernement fédéral doit rejeter publiquement et dénoncer les efforts de l’industrie pétrolière et gazière de saper les progrès et les politiques de transparence qui existent déjà.
Il y a plusieurs années de ça j’avais lu le livre de Naomie Klein intitulé La Stratégie du choc. Elle y décrit comment des entreprises utilisent des crises pour faire avancer leurs objectifs. Des politiques qui généralement approfondissent les inégalités, musèlent les citoyens, enrichissent leurs actionnaires.
Pendant que tout le monde se concentre sur les points de presse des élus, pendant que tout le monde s’inquiète de leur avenir proche, pendant que des gens craignent de mourir ou encore se demandent s’ils auront de la nourriture à la fin de l’année, l’ACPP comprend qu’il faut profiter du fait que notre attention n’est pas sur l’environnement pour faire reculer les idées progressistes, mises de l’avant depuis plusieurs années par des organisations environnementales et par certaines formations politiques pour sauver leur industrie qui était déjà en décroissance et à qui la guerre du pétrole entre l’Arabie Saoudite et la Russie venait de porter un autre coup dur.
Je ne décolère pas d’entendre certains commentateurs qui reprochent au mouvement environnementaliste de profiter de cette crise pour mettre de l’avant des mesures et des idées pour une économie axée sur les énergies renouvelables afin qu’après la crise de la COVID-19, on soit en mouvement pour combattre la crise environnementale.
Ça va bien aller si nous ne lâchons pas nos efforts pour la vie sur terre et disons que le 50e anniversaire du Jour de la Terre n’est malheureusement pas ce qu’il aurait dû être.
Crédit photo : canva.com
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