Personnes âgées : un biais statistique?

2020/04/27 | Par Germain Dallaire

La semaine dernière, la responsable de la santé publique pour la région de Montréal s'est exprimée en disant: « Si on enlève le biais des CHSLD... ». Aussi la semaine dernière, le docteur Arruda a présenté deux courbes: une pour l'ensemble des décès et une autre en excluant les décès en Résidences pour Personnes Âgées (RPA).

Message pas du tout subliminal: si on exclut les décès en résidences pour personnes âgés (RPA), tout va bien ! Voilà où nous en sommes, les décès en RPA sont présentés comme un biais statistique.

À la limite, parce qu'on a affaire à des gens au crépuscule de leur vie, on oserait presque dire des décès normaux... dans l'ordre des choses quoi !

Cette vision exprimée par nos responsables de la santé publique pourrait être vue comme maladroite, comme un accident de parcours si ce n'était qu'elle se situe en cohérence avec les actions posées par les autorités publiques depuis le début de l'épidémie.

À cet égard, comme disent les anglais, les faits sont têtus. Qu'on en juge.

La Presse+ du 18 avril dernier nous apprenait que, d'octobre dernier à avril, on avait diminué le nombre de patient(e)s en centre hospitalier et en attente d'une place en RPA de 500 à 170.

330 personnes diront certains, ce n'est pas beaucoup voire insignifiant compte tenu de l'immensité du réseau de la santé.

Ce ne l'est pas dans la mesure où, selon un expert cité dans l'article de La Presse+, ce chiffre de 500 est résolument constant depuis des années. C’est d’ailleurs de ces gens dont on parle pour expliquer l’éternel embourbement des urgences.

Pour réduire ce chiffre de 500, il a donc fallu utiliser les forceps et surtaxer (le mot est faible) un réseau de RPA connu depuis plusieurs années comme étant à bout de souffle. Le point de rupture semble bel et bien avoir été atteint.

Naturellement, pour les dirigeants du Ministère, il était impossible de reconnaître que le réseau des RPA était dans un état lamentable.

Pour juger de leur incroyable insensibilité (encore là le mot est faible), on n'a qu'à rappeler qu'il y a environ trois semaines, ils ont envoyé une directive aux RPA les enjoignant à revoir les dispositions de fin de vie de chacun des résident(e)s. Comme dirait l'autre: dur, dur!

J’ajoute un autre élément qui démontre à quel point cette hécatombe de personnes âgées fait un peu partie des plus et des moins pour des hauts gestionnaires.

Mardi, le 14 avril, La Presse+, deux docteures occupant des postes importants (Doris Clerc et Marie-Jeanne Kergoat) publiaient une lettre ouverte. Je prends la peine de vous citer intégralement le dernier paragraphe parce que personnellement, je le trouve sidérant:

« Nous vivons une situation inouïe et inimaginable. Dans notre cœur et notre âme, la pensée qui nous taraude est que les personnes âgées des CHSLD, durant cette pandémie, ont donné leur vie pour que notre système de santé puisse survivre et pour sauver le plus grand nombre de personnes, nos plus jeunes, et notre avenir. Nous leur rendons hommage et nous les en remercions humblement. »

On le sait, le fait de côtoyer quotidiennement la maladie et la mort rend un peu, beaucoup insensible. Cela fait partie d'un réflexe de survie. Cette conclusion l'illustre parfaitement. Même les regrets sont d'une froideur à donner des frissons dans le dos.

 

 

Crédit photo : Le CHSLD Herron - Josie Desmarais - Métro