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Trudeau dénonce le racisme systémique. Legault non. Mais quand on demande à Trudeau s’il va donner suite au rapport du Conseil des droits humains de l’ONU de 2017, qui fait remonter la discrimination dont sont victimes aujourd’hui les Noirs au Canada à l’esclavage des années 1500 à 1834, il observe un silence de beaucoup plus que… 21 secondes.
Et qu’aurait valu sa parole s’il s’était engagé, au nom de son gouvernement, à présenter des excuses à la communauté noire et à mettre en application les recommandations du Conseil de l’ONU ? Car, au même moment, des représentants autochtones dénonçaient l’inaction de son gouvernement un an après la publication du Rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Trudeau, on s’en souviendra, avait versé une larme et avalisé le terme « génocide ». Alors, qu’est-ce qu’il lui en coûte aujourd’hui d’utiliser l’expression « racisme systémique » ?
La discrimination à la canadienne
Le Canada est une épopée de strates successives de conquêtes, de discriminations et d’injustices. Du génocide amérindien jusqu’à l’écrasement de la Rébellion des Métis, de la déportation des Acadiens à la Conquête de la Nouvelle-France, sans oublier les politiques d’exclusion et de ségrégation à l’égard des Juifs, des Noirs et d’autres minorités.
Aujourd’hui, un système juridique et politique extrêmement sophistiqué a remplacé le fusil et la baïonnette. Quand des groupes crient trop fort, on met sur pied des commissions d’enquête. Elles produisent des rapports qu’on s’empresse de tabletter. Au début des années 1960, c’était pour répondre au « What does Quebec want? ». Hier, au « What do Native people want? ». Demain, ce sera au « What do Black people want? », parce que, bien sûr, pour l’élite canadienne « Black Lives Matter »…
Le Canada s’est doté d’une politique multiculturelle qui permet de jouer un groupe « culturel » contre l’autre, tout en dissimulant les privilèges de la minorité blanche anglo-saxonne qui s’est évaporée comme par magie dans le Canada « postnational ».
L’élite canadienne est tellement fière de son fédéralisme multiculturel qu’elle charge des commis voyageurs (genre Stéphane Dion) de la vendre à des pays (l’Irak, par exemple) aux prises avec des conflits ethniques et communautaires.
La « petite loterie »
Historiquement, faute d’avoir pu nous assimiler, les Anglais ont dû faire des concessions. L’Acte de Québec (1774) pour nous empêcher de basculer dans le camp de la Révolution américaine. En 1867, une fédération plutôt qu’un État unitaire, à laquelle s’est greffé l’illusoire « Pacte entre deux nations » jusqu’au chimérique « french power ».
Pour rallier une partie de l’élite canadienne-française à ce maquignonnage, rien de plus efficace que la « petite loterie ». Cooptations au plus haut niveau, nominations prestigieuses, pots-de-vin, etc.
Avec les changements démographiques, la « petite loterie » s’est d’abord élargie aux représentants autoproclamés des communautés juive, italienne et grecque. Ils ont « livré la marchandise » aux référendums de 1980 et 1995.
Puis, avec l’augmentation de l’immigration, des représentants triés sur le volet d’autres communautés culturelles ont bénéficié de la « petite loterie ». La grande gagnante est sans aucun doute Michaëlle Jean, nommée gouverneure-générale, pour dédouaner le gouvernement canadien d’avoir trempé dans le coup d’État qui a chassé du pouvoir le président élu d’Haïti Jean-Bertrand Aristide.
Mais, attention, on ne participe pas à la « petite loterie » sans y avoir été invité. Encore moins si on est malpoli au point de vouloir usurper un poste détenu par un représentant d’une communauté possédant un droit d’aînesse. L’imam Hassan Guillet l’a appris à ses dépens lorsqu’il pensait avoir ravi la nomination libérale dans la circonscription de Saint-Léonard-Saint-Michel à un membre de la communauté italienne.
Aujourd’hui, à la faveur de la crise provoquée par la mort de George Floyd, Radio-Canada propulse au rang de « représentants » de leur communauté, en les invitant à commenter l’actualité, de jeunes membres de la communauté noire, qui ont tous pour caractéristique commune de s’être signalés par leur opposition radicale à la Loi 21 sur la laïcité du gouvernement Legault. Un d’entre eux a même comparé cette législation à la Loi sur les Indiens ! Rien de moins ! La « petite loterie » est toujours d’actualité.
La partition
Quand la « petite loterie » ne suffit pas, restent toujours le recours à l’armée (Crise de la conscription de 1917, Loi des mesures de guerre en 1970) et les menaces de partition du territoire québécois.
Dans les années 1960-1970, la partition évoquée était celle du West-Island. Cette « solution à l’irlandaise » avait le désavantage de braquer les projecteurs sur l’élite « coloniale » de Westmount que René Lévesque qualifiait de rhodésienne.
Mieux valait dissimuler ses sinistres desseins derrière un peuple opprimé, les Autochtones, et encourager la sécession du Nord-du-Québec, même si c’était au mépris du droit international.
Une autre gagnante de la « petite loterie », Valérie Plante, la mairesse anglophile de Montréal, aime bien rappeler subtilement cette menace en débutant tous ses discours par l’affirmation que Montréal est un « territoire autochtone non cédé », même si cela ne repose sur aucune base historique sérieuse.
Si Mme Plante avait tant à cœur le sort des Autochtones, si son intérêt dépassait la petite coterie qui l’entoure, elle se préoccuperait du sort de ces dizaines, voire centaines, d’Autochtones itinérants, hommes et femmes, qui font la manche sur les grandes artères de Montréal et dans les bouches du métro. Un spectacle affligeant digne du tiers-monde.
Dans un article-choc, le chef Pessamit Raphaël Picard dénonçait « le Jet Set Autochtone Urbain de Montréal qui n’a pas d’impact significatif sur nos vies dans nos communautés, qui sont aux prises avec de graves problèmes endémiques ». Il parlait « d’une fausse représentation et d’un vol collectif d’identités, qui étranglent les progrès de l’autodétermination de Nations autochtones et de leur identité ethnique » et déclarait que « cette diaspora autochtone urbaine est une aberration politique et administrative ».
Une stratégie à revoir
Le Québec a énormément changé depuis les années 1960. Le Rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme révélait alors, à partir de statistiques datant de 1961 sur le salaire moyen des hommes québécois classés selon l'origine ethnique, que tous les groupes ethniques étaient mieux payés que les francophones à l'exception des Québécois d'origine italienne et des Amérindiens. En 1962, le gouvernement Lesage nationalisait les compagnies hydro-électriques, qui étaient la propriété d’intérêts anglophones.
Depuis, de « nation-prolétaire » qu’il était, le Québec, bien que nation toujours dominée, a gravi des échelons dans l’échelle impérialiste. Hydro-Québec a érigé des barrages en territoire autochtone. La population québécoise s’est stratifiée et diversifiée. Les minorités visibles représentent un million de personnes, soit 11 % de la population du Québec, 20 % du Montréal métropolitain et 33 % de la ville de Montréal.
Cependant, à cause de son poids démographique, de la présence d’institutions étatiques et de son histoire de lutte pour son émancipation, le Québec demeure toujours la principale menace à l’unité canadienne entraînant une dynamique d’émancipation en mesure de remettre en cause les structures de domination de ce pays.
La classe dirigeante canadienne l’a pleinement réalisé en 1995. Elle a adopté une stratégie en conséquence sur les fronts constitutionnel (Loi sur la clarté), politique (menaces de partition), économique (démantèlement du Québec Inc.), populationnel (hausse de l’immigration) pour ne nommer que quelques aspects de cette offensive.
Malheureusement, plutôt que de prendre le taureau par les cornes et revoir sa stratégie en fonction de la nouvelle donne, le mouvement indépendantiste s’est réfugié dans le déni, la victimisation et le repli sur soi.
Revoir sa stratégie pourrait signifier de compléter la reconnaissance des nations autochtones par une offre de souveraineté-association dans une perspective de libération nationale commune.
Revoir sa stratégie devrait signifier une main tendue aux membres des minorités visibles accompagnée de la reconnaissance pleine et entière des discriminations spécifiques dont ils sont l’objet.
Cette offre d’alliance stratégique ne signifie nullement s’abstenir de riposter au « Québec bashing ». Au contraire. Les abonnés de la « petite loterie », à la solde du gouvernement fédéral ou du grand capital, doivent être dénoncés sur la place publique.
Mais la mesure la plus probante de notre bonne foi dans cette offre d’alliance stratégique serait d’augmenter significativement la représentativité des membres des communautés culturelles dans les sphères dirigeantes des organisations indépendantistes, mais aussi, et surtout dans les organisations qui constituent le fer de lance de notre combat, les syndicats et les groupes communautaires où, avouons-le, ils et elles sont dramatiquement absents dans les postes de direction.
La solidarité prendrait alors tout son sens. Car leur présence est essentielle pour que leur combat soit notre combat et notre combat leur combat !
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