Les impacts climatiques du confinement

2020/06/09 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois

Venise retrouve la beauté de ses canaux, les montagnes près de Wuhan sont enfin visibles, en Grèce l’acropole d’Athènes s’élève avec clarté au-dessus de la mer, l’air des villes est moins pollué. Mais tout cela risque d’être de courte durée et cette baisse des GES n’influencera probablement pas l’ampleur de la crise climatique. Comme disent des experts : « Ce n’est pas une diminution temporaire des émissions qui compte, mais une diminution continue et durable ».

Ce sont les plans de relance qui vont faire la différence. De nombreuses personnes et organismes témoignent presque quotidiennement dans les journaux de la nécessité d’une relance verte. Voici quelques exemples…

Baisse de la pollution

Nature Climate change, revue scientifique rédigée par le groupe de presse britannique Nature a produit une étude : Carbon global project et a conclu que l’année 2020 devrait être marquée par une baisse historique des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais qui aura sans doute peu d’incidences sur la crise climatique.

La climatologue Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le Climat (HCC), ainsi que les auteurs de cette étude, se sont livré à plusieurs calculs pour estimer l’ampleur de la baisse des émissions de gaz à effet de serre.

D’après cette étude, les mesures de confinement, la fermeture des frontières et l’arrêt de nombreuses activités économiques, la diminution du transport routier ont mené à une baisse de 17 % des émissions mondiales quotidiennes de CO2 au début du mois d’avril, par rapport à leur niveau de 2019.

L’année 2020 se finira sans doute avec une baisse d’au moins 4 % des émissions de gaz à effet de serre. Pour respecter l’Accord de Paris sur le climat, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) devraient plutôt diminuer chaque année de 7,6 % entre 2020 et 2030. Et si le but est d’arriver à zéro émission en 2050, la baisse devrait être de plus de 3 % chaque année.

Santé et environnement

Les oxydes d’azote, émis par la moitié des véhicules et dont l’impact est néfaste sur la santé ont chuté ces derniers jours. Le niveau d’exposition de la population diminue puisque le trafic routier lui-même diminue. L’exposition de la majorité de la population des grandes agglomérations au dioxyde d’azote baisse de 10 à 25 % et est même davantage près des grandes autoroutes.

14 000 personnes au Canada et 9 millions dans le monde meurent chaque année prématurément à cause de la pollution atmosphérique.  Mathieu-Robert Sauvé de l’Université de Montréal rappelle que la pollution fait plus de victimes que les virus.

Dans ce même esprit, on pouvait lire dans un article de La Presse canadienne que 40 millions de professionnels de la santé demandent au G20 de lier santé publique et environnement.

L’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME), l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) et l’Association médicale canadienne (AMC) font partie des 40 millions de professionnels de la santé provenant de 90 pays qui demandent de mettre la santé publique et l’environnement au cœur de la reprise économique

Tous ces professionnels plaident pour des investissements dans des énergies renouvelables, le transport en commun et la conservation de la nature.

Économie et environnement

Saadia Zahidi, économiste et membre du Comité exécutif du Forum économique mondial a dit : « Nous avons maintenant une occasion unique d’utiliser cette crise pour faire les choses différemment et reconstruire de meilleures économies plus durables, résilientes et inclusives ».

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) a publié une feuille de route pour une relance économique sécuritaire et durable. Des dirigeants d’associations et d’organismes à but non lucratif représentant le secteur de l’énergie propre au pays — qui comprend l’électricité renouvelable, l’efficacité énergétique, les technologies propres, les biocarburants avancés et l’électrification des transports — ont envoyé au premier ministre Justin Trudeau une lettre ouverte. Ils demandent de mettre en place des mesures de relance économique axées sur les énergies propres pour bâtir une économie dynamique et résiliente.

Voici trois de leurs recommandations : promouvoir le maintien et la bonification des politiques climatiques. Investir dans des mesures de relance suffisantes, soutenues et durables. Agir rapidement au profit des solutions d’énergie propre, de l’innovation en technologies propres et des entreprises de ce secteur en élargissant les initiatives et programmes existants.

Des économistes de l’université d’Oxford, dans une vaste étude publiée par l’Oxford Review of Economic Policy le mardi 5 mai, et soutenue par Joseph Stiglitz, assurent que le meilleur chemin pour garantir que la reprise soit bien au rendez-vous après le choc pandémique, est de se mettre « au vert ».

Kristalina Georgieva directrice générale du FMI demande une reprise économique « verte ». Lorsque les gouvernements fournissent des bouées de sauvetage financières aux entreprises à forte intensité de carbone, ils devraient exiger des engagements de réduction des émissions de carbone

Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, propose les actions suivantes : investissements publics accélérés dans la « décarbonisation » de l’économie, fin des subventions aux énergies fossiles, imposition d’un prix sur les émissions de gaz à effet de serre, rejet de plans de sauvetage pour les industries polluantes et prise en compte des « risques climatiques » dans les investissements en infrastructures.

Hausse des températures

Malgré les milliards de personnes confinées sur la planète, la hausse des températures se poursuit. Une équipe de la NASA et de l’Université Columbia de New York a publié, le lundi 13 avril, une analyse des températures planétaires durant le mois de mars 2020. Malgré la Covid-19, le mois de mars 2020 a été l’un des plus chauds que la planète ait connu. Avec un écart de 1,18°C, la température de la planète est dangereusement élevée.

Des écologistes, des banquiers, des climatologues, des scientifiques, des citoyennes et citoyens écrivent, proposent, discutent d’une reprise verte. Bref, nous sommes plusieurs à nous entendre sur le fait que ce sont les plans de relance des gouvernements qui donneront la mesure de ce qui nous attend pour les prochaines décennies.

Il serait temps que le gouvernement Trudeau entende raison, mais ça ne semble pas demain la veille. Sa récente décision d’autoriser des forages en mer sans même faire d’évaluation environnementale sur la question en est un bon exemple.

D’autres décisions sont aussi déplorables : annulation des relevés sous-marins pour les populations de hareng en déclin en Colombie-Britannique ; prolongation du délai accordé à l’industrie pour déclarer ses GES ; même chose pour la pollution par l’industrie; report de la mise en œuvre de la norme sur les carburants propres jusqu’à une date non précisée. Or, cette norme sur les carburants propres est un élément majeur de la stratégie climatique du Canada. Retard aussi d’une interdiction prévue pour les plastiques.

Nous sommes en pandémie.  Les gens sont distraits par des préoccupations fondamentales : leur santé, leur travail, leur salaire. Et maintenant on voit les véritables convictions de ce gouvernement. Il faudra une pression populaire pour amener les libéraux à se lancer dans une relance verte plutôt que brune.

Crédit photo : canva.com