L’auteure est députée du Bloc Québécois
Lors du caucus estival du Bloc Québécois, j’ai tenu à dresser le bilan environnemental fort inquiétant des libéraux. J’ai pu démontrer aux membres du caucus que lorsque l’attention des Canadiens et des Québécois est rivée sur la crise sanitaire, le gouvernement Trudeau cède à la pression de différents lobbys, dont celui du secteur pétrolier et gazier.
Il faut savoir que la pandémie a occasionné de nombreux changements au Parlement canadien. Les périodes de questions étant ce qu’elles sont, des échanges sans de véritables débats, jumelées à l’absence d’activités du Comité ENVI ont fait en sorte que le gouvernement Trudeau a procédé à une multitude de déréglementations qui vont à l’encontre de la protection de l’environnement. Ces façons de faire qui se maintiennent encore aujourd’hui sont non seulement répréhensibles, mais elles risquent de s’accentuer d’ici la reprise des travaux le 23 septembre prochain.
Quelques unes des décisions préjudiciables à l’environnement
- Les forages en mer au large de Terre-Neuve exemptés d’une évaluation environnementale fédérale;
- Prêt de 500 millions $ pour Coastal GasLink;
- 2 milliards $ pour le secteur de l’énergie;
- Assouplissement des exigences de la norme sur les combustibles propres;
- Déréglementation sur le nucléaire;
- Report à une date indéterminée de l’application de la politique fédérale sur les plastiques;
Selon moi, la seule bonne nouvelle des derniers mois, c’est le recul du ministre Wilkinson qui a finalement décidé d’assujettir le projet d’agrandissement de la mine de charbon Vista Coalspur à une évaluation environnementale fédérale. Le ministre de l’Environnement aurait perdu toute crédibilité s’il avait maintenu sa décision de ne pas procéder à cette évaluation puisque le Canada se targue sur la scène internationale d’avoir mis en place l’Alliance contre le charbon en partenariat avec l’Angleterre.
Le gouvernement Trudeau a joué la carte verte aux élections fédérales de 2015 ainsi qu’en 2019. Après avoir avancé son agenda pétrolier pendant la pandémie et maintenant qu’il est empêtré dans le scandale WE Charity, il utilise la démission de son ministre des Finances pour dire qu’il pourra enfin présenter un budget vert lors de notre retour en Chambre. Pour moi, ce qu’il a fait pendant la crise parle de lui-même. Au-delà des mots vides lancés chaque fois que les électeurs sont appelés aux urnes, il y a les actions que l’on pose. Le vernis vert de Justin Trudeau ne colle pas. La population, si elle est informée, ne sera pas dupe.
Les forages en mer au large de Terre-Neuve
Jusqu’à maintenant, les projets de forages exploratoires étaient soumis à l’évaluation environnementale fédérale en vigueur. Maintenant, non.
Ce projet de règlement n’aurait jamais dû voir le jour; j’ai d’ailleurs écrit au ministre à ce sujet dès le mois d’avril. La quantité d’éléments qui ne seront pas évalués dépasse l’entendement : les impacts cumulatifs des GES, les impacts sur la biodiversité marine et les volatils, la pollution sonore et lumineuse, les impacts des déversements potentiels. La liste se précise et elle s’allonge!
Prêt de 500 millions $ pour Coastal GasLink
En pleine crise de la COVID-19, Exportation et développement Canada (EDC) a accordé un prêt pouvant atteindre 500 millions de dollars à la multinationale TC Energy pour l’aider à financer le gazoduc Coastal Gaslink.
C’est ce projet qui avait provoqué la crise nationale des blocages ferroviaires en soutien à la nation wet’suwet’en plus tôt cette année. Le gouvernement albertain est campé sur ses positions, allant même jusqu’à déclarer publiquement, en pleine pandémie que le moment était idéal pour relancer la construction d’oléoducs tandis que les manifestations sont interdites par la loi… Un gouvernement qui se dit vouloir faire un virage écologique et être respectueux de ses Premières Nations n’a-t-il pas perdu toute crédibilité dans un pareil contexte ?
Déréglementation sur le nucléaire
La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a émis dans un règlement « fleuve » une nouvelle définition de ce qui constitue des déchets de faible activité. Autrefois considérés comme des déchets manipulables à main nue, les déchets à faible activité incluront maintenant des substances 1000 fois plus toxiques, même si elles sont mortelles au contact!
La CCSN aurait pu créer une nouvelle catégorie de déchet, mais elle a fait le choix de créer la confusion. Un produit radioactif de forte activité selon la physique est maintenant un déchet de faible activité selon la nouvelle définition. Cette décision fait plaisir aux promoteurs, mais elle est lourde de conséquences puisque la Commission se prépare à approuver une installation de gestion de déchets près de la surface à Chalk River, à côté de la rivière des Outaouais, dont l’eau potable alimente Gatineau, Laval et Montréal.
Nous attendons toujours la décision finale dans ce dossier.
2 milliards $ pour le secteur de l’énergie
À la mi-avril, le gouvernement a annoncé l’octroi de 2 milliards de dollars à la Orphan Wells Association (OWA), un OBNL ayant pour mandat d’assurer le démantèlement sécuritaire des puits, oléoducs et installations de l’industrie pétrolière et gazière et de restaurer des lieux, au plus près possible de leur état d’origine. Son financement provient de l’industrie pétrolière.
Les valeurs et la philosophie de l’Alberta face aux enjeux climatiques ont cependant vite refait surface. Dès la fin mars, le premier ministre albertain Jason Kenney a rappelé la Chambre en urgence pour déposer et voter des amendements qui ont pour effet de donner plus de pouvoirs à l’OWA. Depuis l’OWA peut faire l’acquisition de puits et oléoducs qui sont toujours fonctionnels.
Ce qui est scandaleux dans cette affaire, c’est que l’OWA peut dorénavant utiliser son financement, c’est-à-dire l’argent des contribuables, pour effectuer le nettoyage et la décontamination de puits dont les installations sont défectueuses, les puits n’ont plus à être abandonnés. Le fédéral a donc donné un cadeau de deux milliards à l’industrie pétrolière qui a été présenté dans un bel emballage vert.
Assouplissement des exigences de la norme sur les combustibles propres
L’ancienne norme proposait que l’intensité en carbone soit réduite de 4 % à partir de 2022 et de 11 % en 2030. La nouvelle proposition ramène la première baisse à 2,6 % en 2022, mais d’ici 2030, les entreprises devront réduire l’intensité des émissions de 13 %.
Réduire certaines normes, c’est ouvrir la porte à des agissements allant à l’encontre des engagements internationaux en matière d’environnement, c’est établir des précédents préjudiciables pour l’environnement, qui pourraient perdurer et devenir permanents. Ce n’est pas rien.
Report de l’application de la politique fédérale sur les plastiques
Le gouvernement fédéral a aussi reporté la mise en application de son programme pour bannir les plastiques à usage unique : le gouvernement parle de 2022 (au lieu de 2021), sans donner de période précise.
Ottawa et l’Alberta signent un accord réduisant la surveillance environnementale
Une entente fédérale-provinciale a eu pour effet de réduite de façon significative les mécanismes de surveillance environnementale en Alberta.
Signée le 7 juillet, cette entente réduit de 25% le programme de surveillance environnementale, qui passe de 58 millions à 44 millions $.
Le programme stipule qu’aucune étude ne sera effectuée le long de la rivière Athabaska pour les zones humides ou pour les populations de poissons et d’insectes et ce, alors même que la province considère autoriser l’écoulement des eaux issues des sables bitumineux vers la rivière.
De plus, les mesures d’évaluation de la qualité des eaux dans le parc national Wood Buffalo, qui faisaient partie d’une réponse aux préoccupations internationales sur la dégradation de ce site du patrimoine mondial de l’UNESCO, n’existent plus.
La surveillance des amphibiens, des oiseaux et des mammifères disparait alors que les sables bitumineux constituent le principal problème de contamination de l’environnement et de l’eau.
La surveillance environnementale des sables bitumineux a été réduite considérablement pendant la crise sanitaire. Décidément la pandémie a le dos large.
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