Ottawa autorise le forage de 40 puits à Terre-Neuve

2020/11/06 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois

On apprenait récemment que le gouvernement libéral, malgré la pandémie qui rend difficile toute consultation publique, a décidé de finaliser l’évaluation environnementale de projets de forage de 40 puits en milieu marin à l’est de Terre-Neuve. Je ne peux que réagir à cette annonce sans toutefois être très surprise. Mais je suis certainement de plus en plus préoccupée par les actions de ce gouvernement en matière de lutte aux changements climatiques.

Dans un premier temps, le choix du gouvernement Trudeau, par l’entremise de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AECI), de « terminer en bloc la consultation publique pour ces projets » dans les circonstances actuelles ne surprend pas. Occultés de la scène politique fédérale depuis le mois de mars, les enjeux environnementaux sont malheureusement conjugués avec des mesures de déréglementation, au bénéfice du secteur des énergies fossiles.

Faire littéralement la promotion de projets qui sont en opposition complète avec les priorités exprimées dans le Discours du Trône est troublant. Il y a fort à parier que les actions gouvernementales en matière d’environnement, de surcroît en contexte de relance économique, devront être surveillées de très près.

Devons-nous rappeler que les deux principaux secteurs responsables de la production canadienne des gaz à effet de serre (GES) sont les énergies fossiles et les transports ? Pour avoir de réelles avancées en la matière, il faut agir sur ces secteurs.

Au printemps dernier, il y a eu d’autres travaux d’évaluation régionale dans le cas d’un projet de forage exploratoire de la compagnie BHP Petroleum (New Ventures) pour des puits extracôtiers près de Terre-Neuve. Nous savons que l’essentiel des travaux concernant l’évaluation régionale dans le cas du projet BHP a été effectué avec des délais, des ressources et des exigences qui étaient bien en deçà des normes en vigueur. À titre de porte-parole du Bloc Québécois en matière d’environnement, j’ai déposé un mémoire au printemps dernier au ministère de l’Environnement et des Changements climatiques. Nous avons exposé les manquements, les incongruences et le traitement inéquitable que le gouvernement a réservé à l’ensemble du processus qui a mené à l’exemption du projet BHP d’une évaluation d’impact en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE). Et nous sommes maintenant devant un autre projet.

Nous devons garder à l’esprit que ces explorations ont une fin : l’exploitation. Un seul puits de ce projet exploratoire produira l’équivalent de 71K tonnes/année de CO2. Le promoteur BHP projette vingt puits. Chevron projette 8 forages et Equinor 12 forages… La quantité de GES, ne serait-ce que pour 10 ans, donne le tournis.  

Si le gouvernement s’engage à respecter ses cibles de réduction de GES en vertu de l’Accord de Paris, comment peut-il soutenir de pareils projets ?

Les évaluations entourant ces projets ne font pas état des effets cumulatifs : CO2 généré sur la terre ferme, pollution sonore et lumineuse ayant des impacts considérables sur les espèces aquatiques et les espèces de volatiles propres à cette géographie. Le projet de BHP chevauche le plus important « refuge marin » de l’est du Canada (mis en place par le gouvernement Trudeau…), un secteur « protégé » en vertu d’engagements internationaux.

Collectivement, nous avons été sollicités et sensibilisés à l’environnement: compostage, recyclage, achat en vrac, achat local, etc. La population a développé des réflexes louables et une génération entière est mobilisée vers la protection de l’environnement. On en aura demandé beaucoup aux individus et les perceptions ont beaucoup évolué en quelques décennies. Qu’a-t-on exigé de l’industrie pétrolière ? À peu près rien.

Que fait le gouvernement devant l’urgence climatique ? Malgré un consensus scientifique et économique global voulant que nous devrions impérativement agir, M. Trudeau multiplie les déclarations publiques mettant de l’avant des plans et des projets qui laissent la population sous l’impression que les décisions gouvernementales iront dans ce sens… Que se passe-t-il réellement ? On propose de mièvres actions, tout en continuant de promouvoir l’industrie qui nous mène directement dans le mur.

Une timide politique sur l’interdiction de six produits de plastique qui n’a même pas prévu leur retrait progressif, avec un échéancier précis et un plan d’action crédible, ni de 2e et 3e liste de produits à bannir, ça nous mène où exactement ?

Un accès à des espaces verts et la plantation de deux milliards d’arbres ne protégeront pas les espèces déjà en péril, dont plusieurs sont censées être sous la protection du gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les espèces en péril, ni l’importante biodiversité marine qui sera assurément mise à mal par ces projets.

Les contradictions dans les propos, positions et actions du gouvernement fédéral sont inacceptables. Les milliards de dollars accordés sans vergogne à l’industrie pétrolière doivent être consacrés à d’autres fins, à commencer par des projets qui valorisent les énergies propres et favorisent le passage de la main-d’œuvre vers cet écosystème énergétique du 21e siècle.

Le Bloc Québécois poursuivra son travail de collaboration avec les nombreuses organisations partout au Canada qui soutiennent la science et la recherche, la mobilisation citoyenne et la dénonciation de mesures législatives qui ne soutiennent pas le bien commun.