Dysphorie du genre : Qui va prendre la défense des enfants et des adolescentes ?

2020/11/16 | Par PDF

Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec) 

Les gouvernements canadien et québécois s’apprêtent à voter en faveur de projets de loi interdisant les thérapies de conversion. Les projets de loi C-6 au fédéral et 70 au Québec ont comme principal objectif de protéger les personnes homosexuelles contre toute intervention visant à les faire changer d’orientation sexuelle, ce qui est souhaitable et déjà prévu dans le code des ordres professionnels des psychologues et des sexologues du Québec. Ces pratiques, de moins en moins exercées, sont souvent le fait de groupes religieux conservateurs.

Mais là où le bât blesse c’est qu’un deuxième volet de ces projets de loi touche l’identité de genre, alors qu’ils devraient plutôt aborder le problème sous l’angle de la dysphorie de genre (DG). Cette dernière se définit comme la souffrance ressentie par les personnes du fait d’une inadéquation entre l’expérience psychologique de soi-même en tant que fille ou garçon et les caractéristiques sexuelles de leur corps. C’est pourquoi des thérapies sont proposées et que les traitements sont couverts par les assurances-maladies. Contrairement à l’orientation sexuelle, la DG est un diagnostic de santé mentale.

Le nombre d’adolescents consultant pour la DG a littéralement bondi au cours des dernières années. Dans une seule clinique de la ville d’Ottawa spécialisée dans la DG, le nombre d’adolescents référencés est passé en dix ans de 2 à 189 par année. À Londres, ce nombre est passé de 39 en 2009 à 1497 en 2016. Depuis 2006, ce phénomène touche deux fois plus les jeunes filles à la puberté que les garçons, ce qui n’avait jamais été observé auparavant.

 

Deux approches thérapeutiques différentes

Pour diagnostiquer les causes et soigner la souffrance des enfants, deux approches thérapeutiques sont proposées.

La très grande majorité des enfants (80 à 85%) aux prises avec la DG se réconcilient avec leur corps, une fois passée l’adolescence. Une première approche psychothérapeutique qu’on pourrait nommer «attente vigilante» favorise une attitude prudente et aide les enfants à explorer les causes de leur souffrance. Elle évite les interventions invasives qui auraient des conséquences irréversibles.

La seconde approche thérapeutique, dite «affirmative», préconise que même des enfants relativement jeunes auraient la compétence pour consentir à des interventions et à de la médicalisation invasives. Certaines cliniques vont jusqu’à préconiser l’autodiagnostic par l’enfant et l’abaissement de l’âge du consentement à des interventions invasives.

Jusqu’à récemment, les bloqueurs de puberté étaient considérés comme sûrs et totalement réversibles, mais de nouvelles preuves de leurs effets néfastes sur la santé des os et du cerveau apparaissent aujourd’hui. De plus, une récente étude multidisciplinaire (2020) publiée au Royaume-Uni a démontré que la testostérone administrée à des jeunes filles avait augmenté leur souffrance psychologique plutôt que de la réduire.

Les thérapeutes appliquant cette approche peuvent commencer très tôt à intervenir en prescrivant à l’enfant une série de traitements. Généralement, ceux-ci s’amorcent avec la transition sociale (changer son prénom et son identité de genre), pour ensuite introduire des bloqueurs de puberté et puis la prise d’hormones du sexe opposé. Enfin, on peut même préparer l’adolescent à d’éventuelles opérations chirurgicales (mastectomie, ablation d’organes sexuels ou reconstruction de caractères sexuels de l’autre sexe). L’enfant est alors engagé dans une transition sociale et physique et il devient de plus en plus difficile de faire marche arrière.

Certains attendent d’être devenus adultes et entament une détransition, voire même des poursuites judiciaires comme présentement au Royaume-Uni. Ces détransitions interrogent la compétence de l’enfant à consentir à tous ces traitements alors que les recherches récentes révèlent que 52% des enfants qui consultent pour la DG présentent au moins un autre diagnostic de santé mentale (autisme, dépression, personnalité limite, TDAH, etc.).

 

La menace de criminalisation et le carcan du code des professions 

Les gouvernements s’insèrent dans un débat médical avec ces projets de loi : des thérapeutes pratiquant l’«attente vigilante» se sont fait accuser d’administrer des thérapies de conversion à leurs patients et l’un d’entre eux a vu sa clinique fermée à Toronto suite aux pressions de partisans des «thérapies affirmatives». Voilà pourquoi des féministes, des thérapeutes et des parents craignent les effets néfastes qu’aurait l’adoption de ces deux projets de loi sur les choix thérapeutiques des professionnels de la santé. Au Québec, le projet de loi 70 prévoit des modifications au code des professions qui pourraient contraindre les professionnels à adopter «l’approche affirmative», sous peine d’être accusés de faire des thérapies de conversion d’identité de genre, d’être poursuivis juridiquement et de payer des amendes faramineuses allant jusqu’à 50,000$.

Le projet de loi C-6 entrave encore davantage la liberté de pensée et d’intervention des professionnels en criminalisant toute thérapie de conversion.

Pour conclure, signalons le dangereux amalgame que font ces lois entre l’orientation sexuelle et l’identité de genre, deux notions distinctes qui doivent être traitées séparément au plan juridique. Alors qu’il n’y a pas de consensus dans le monde scientifique sur la meilleure approche thérapeutique pour traiter les enfants dysphoriques, les gouvernements semblent vouloir trancher un débat médical sans tenir compte des principes de précaution.