Basel, jeune Québécois d’origine syrienne, patine seul sur une glace extérieure de la ville de Montréal. Le bruit de ses patins fendant la glace et celui de la rondelle sur son bâton de hockey se mélangent au son d’un hélicoptère qui sillonne le ciel. L’image est belle. Touchante. Symbole de l’intégration d’un jeune homme à sa société d’accueil. Mais, étrangement, c’est le poids de la solitude qui s’impose dans cette scène. Et cette image me hante depuis que j’ai vu Loin de Bachar, un très beau film du documentariste Pascal Sanchez.
Basel est l’aîné de la famille al-Mahamid. Son père Adnan al-Mhamied a dû fuir la Syrie en 2014, pour échapper au régime de Bachar al-Assad. Établi à Montréal avec Basmah, sa femme, et leurs quatre enfants, Adman tente de se rebâtir une vie, loin des affres de la guerre. Pourtant, malgré l’apparente tranquillité de la maisonnée, le conflit syrien hante toujours le quotidien de la famille. Inquiets pour leurs parents et amis demeurés en Syrie, les al-Mahamid sont à l’affût des dernières informations, scrutant régulièrement les réseaux sociaux dans l’espoir d’obtenir des nouvelles de leurs proches. Un quotidien se déroulant entre l’espoir de les savoir vivants et la culpabilité de les avoir abandonnés.
Loin de Bachar est un film très touchant. Un portrait sensible de ces réfugiés que Pascal Sanchez a suivi pendant plus d’une année. La caméra du cinéaste, patiente, à l’écoute et respectueuse, nous offre un accès privilégié à cette famille. Observant avec beaucoup de dignité les activités quotidiennes de ces parents aimants, qui ont tout laissé derrière eux afin d’offrir un ailleurs meilleur à leurs enfants.
C’est d’abord sous le mode de la confidence que se livrent peu à peu Adnan et Basmah. Adman, père affectueux, plein de tendresse pour ses enfants, a repris des études en travail social à l’Université McGill dès son arrivée au Québec. Il a quitté son pays d’origine pour échapper à la police de Bachar al-Assad. Depuis, trois de ses frères ont été tués par le régime ou sont disparus sans laisser de trace. Malgré les tourments qui s’installent certains jours, le père de famille se tient fièrement debout et garde espoir pour l’avenir.
Pour Basmah, l’adaptation semble plus difficile. Son visage impassible témoigne de grandes douleurs, d’inquiétude quant au sort de ses proches restés au pays. Accrochée à son cellulaire, elle semble vivre au rythme du drame syrien, faisant au quotidien le décompte des morts et cherchant à contacter ses proches quand les réseaux de transmissions sont accessibles. Mais malgré tout, cette mère attentionnée qui a choisi de vivre en français, accompagne ses enfants, Ali, Basel, Raniah et Saja, dans le tourbillon journalier, s’efforçant à encourager les siens à mordre pleinement dans cette nouvelle vie au Québec.
Maintenant loin du régime tortionnaire de Bachar al-Assad, les al-Mahamid poursuivent leur route, s’efforçant à la fois de soutenir leurs proches demeurés en Syrie et cherchant à s’intégrer doucement à leur communauté d’accueil. À travers cette très belle réalisation, Pascal Sanchez, nous fait découvrir une famille unie qui nous a bien humblement ouvert sa porte, offrant son quotidien comme une invitation au dialogue. À nous maintenant d’ouvrir la nôtre, de tendre la main pour vaincre cette solitude apparente et de les inviter à s’installer paisiblement à demeure.
Loin de Bachar, réalisation Pascal Sanchez, 73 minutes, 2020
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