Les cibles de réduction de GES et la contribution des États

2021/02/02 | Par IREC

Extraits de la note d’intervention numéro 72 de l’IRÉC, disponible en ligne : https://irec.quebec/ressources/publications/Note-72.-Les-cibles-de-reduction-de-GES.pdf.  

C’est un sujet pour les décrypteurs : éclairer le débat sur les cibles de réduction de GES proposées par le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C.

Depuis la parution, en octobre 2018, d’un important rapport du GIEC sur le climat, dans lequel les scientifiques proposent une trajectoire de réduction pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C, les médias et les intervenants intéressés par le sujet sèment la confusion quant à la hauteur véritable de la cible proposée par le GIEC.

Ils brouillent également les choses en se trompant sur le type d’émission à laquelle la réduction devrait s’appliquer (sur le carbone ou sur l’ensemble des GES). Pour démêler tout ça, la nouvelle note de l’IREC prend la peine de faire un bref retour en arrière sur les négociations climatiques pour comprendre les raisons de cette confusion.

La progression des travaux du GIEC ayant pu provoquer des glissements d’interprétation au fil du temps, la note reconstitue les moments de cette progression et établie la véritable cible du GIEC, pour l’ensemble des GES, sur l’horizon de 2030, notant au passage le problème posé par le changement des années de référence utilisées pour fixer ces cibles.

 

Année de référence et duperie des pays complaisants

Une question se pose : en choisissant une nouvelle référence unique de 2010 pour tous les pays signataires de l’Accord de Paris, le GIEC ne fait-il pas le jeu des pays industrialisés irresponsables qui, comme l’Australie, le Canada et les États-Unis, ont profité de la flambée des prix des ressources énergétiques en étant complaisants envers les entreprises fortement émettrices, alors que d’autres pays leur serraient la vis ?

Dans tous les cas, on peut affirmer sans trop se tromper que ces États ont largement profité, voire dans plusieurs cas entretenus, le flou entourant l’identité des cibles et des dates de référence qui sont apparues depuis quelques années.

Pour illustrer ce problème, la note utilise les cas du Québec et du Canada pour comparer correctement les efforts des uns et des autres, en les ramenant à des années de référence communes.

D’une part par rapport à 1990, la référence généralement utilisée depuis la signature du Protocole de Kyoto ; d’autre part par rapport à 2010, la nouvelle référence utilisée par le rapport du GIEC de 2018. La comparaison est très significative : on constate que les ambitions actuelles du Canada étaient trompeuses et qu’en vérité elles étaient ridiculement basses.

La note établie par ailleurs que les nouvelles cibles proposées récemment par le gouvernement canadien lui permettrait de se rapprocher du scénario du GIEC seulement parce que la nouvelle année de référence du GIEC favorise injustement les pays qui ont été complaisants avec les pollueurs.

 

Cibles de réduction : relever les ambitions du Québec

La note d’intervention relève par ailleurs que le Québec est également loin du compte avec sa cible de réduction de GES de -37,5% par rapport à 1990 sur l’horizon de 2030. D’autant plus que nous apprenions récemment, avec le dévoilement en décembre dernier de l’inventaire des émissions québécoises de 2018, que la trajectoire que nous suivons nous éloigne de nos cibles de réduction.

En fait, le bilan du Québec dépend de l’inventaire auquel nous faisons référence. Selon l’inventaire québécois, les émissions de GES auraient baissé d’à peu près 100 000 tonnes en 2018, mais après avoir connu une hausse de 2,4 millions de tonnes en 2017.

L’inventaire du fédéral signale plutôt pour le Québec une hausse de 1,9 million de tonnes en 2017 suivie par une augmentation de 2,2 millions de tonnes en 2018. Néanmoins, dans les deux cas, la réduction des GES par rapport à 1990 régresse de plusieurs points de % entre 2016 et aujourd’hui. Pourtant, le Québec a amplement les moyens de faire mieux.

Sur la base des propositions inventoriées depuis quelques années par les rapports de recherche sur la transition énergétique produits par l’IREC, la note d’intervention suggère que le gouvernement du Québec rehausse ses engagements sur une fourchette de cibles de réduction des GES pour 2030 : un niveau de réduction minimal à atteindre de 40% par rapport à 1990, mais en poursuivant les efforts pour aboutir à un niveau plus ambitieux de réduction de 45% par rapport à 1990. La borne supérieure de cette fourchette, proposée par l’IREC, permettrait au Québec de se placer sur la trajectoire du GIEC pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C. 

 

Conclusion

À l’occasion de la COP26 qui se tiendra à Glasgow, en Écosse, en novembre prochain, les Parties à l’Accord de Paris auront l’obligation de réaliser une mise à jour de leur contribution nationale, qui devra représenter une progression par rapport à leur cible antérieure.

Si le Canada confirme à cette occasion sa nouvelle fourchette de cible de diminution de 32 % à 40 % des émissions de GES par rapport à 2005 en 2030, cela voudrait dire qu’il devra diminuer ses émissions de 291 millions de tonnes de GES entre 2018 et 2030, alors qu’entre 2005 et 2018 ses émissions ont baissé de … 1 million de tonnes

 S’il veut réaliser ses engagements, le Canada devra donc, dès cette année, mettre fin au développement des énergies fossiles, de manière à ce que les provinces productrices d’énergies fossiles cessent d’annuler les efforts de réduction des autres provinces. C’est ici que les contradictions entre le discours et les mesures réelles de lutte aux GES au Canada sont les plus évidentes.

Quant au Québec, nous avons montré dans nos recherches que les technologies actuelles et que nos capacités socioéconomiques rendent tout à fait possible de revoir à la hausse nos ambitions de réduction de GES. D’autant plus que les acteurs sociaux québécois recommandaient au ministre Charrette des mesures beaucoup plus ambitieuses que celles que l’on retrouve dans le Plan pour une économie verte (PEV).

S’il reste à ce gouvernement le minimum de volonté à assumer ses responsabilités face à la crise climatique, il comprendra qu’il est temps de refaire ses devoirs et de rehausser ses ambitions. Sa lenteur et son manque d’audace vont nous priver de la prospérité durable que rendrait possible l’immense potentiel de notre portefeuille d’énergie renouvelable non encore exploitée. C’est aussi exposer toute notre économie à subir la concurrence des pays qui auront misé sur le changement de paradigme. Nous n’avons pas les moyens d’un tel gaspillage.