Un an après que l’Organisation mondiale de la santé ait déclaré que l’on faisait face à une pandémie de COVID-19, le Centre des travailleuses et travailleurs immigrants, la Coalition pour la régularisation (Association Québécoise des Avocats et Avocates en droit de l’immigration, Le Québec c’est nous aussi, Comité d’Action des Personnes Sans Statut, le Centre justice et foi et Amnistie internationale Canada francophone), Lutte Commune, Montreal Teachers 4 Change, Riposte Socialiste, Association québécoise des infirmières et infirmiers (AQII-QNA), RECIFS, Syndicat des travailleuses et travailleurs en intervention communautaire (CSN), IWW-Montréal, le Syndicat des travailleuses et travailleurs de l’Accueil Bonneau, la Fédération des Syndicats de l’Enseignement (CSQ), le service d’Action terrain CSQ, Solidarité Sans Frontière, le Centre des femmes de Laval et Travailleuses et travailleurs progressistes de l’éducation (TTPE) se sont rassemblés afin d’exiger dès maintenant des conditions de travail à la hauteur du qualificatif « essentiel.le.s » dont on les a affublé.e.s.
Depuis le 12 mars 2020, le Québec comme le reste du monde fait face à la pandémie de la Covid-19, un événement qui a des impacts dévastateurs pour le réseau de la santé et l’ensemble des secteurs de première ligne, des secteurs déjà hypothéqués par des années de sous-financement, ce qui a exacerbé les impacts de la pandémie sur la population. Face à cette crise unique, la société québécoise a bénéficié de l’apport d’un large groupe de travailleuses et travailleurs dit « essentiel.les », c’est-à-dire des personnes dont l’emploi est jugé essentiel au bon fonctionnement de la société, pandémie ou pas.
Or, dans la plupart des domaines jugés essentiels, les conditions de travail, notamment les salaires, mais aussi les normes de santé et de sécurité, ne reflètent pas l’importance de leur rôle pour assurer la protection de la population dans la gestion de la pandémie. Actuellement, le secteur public, qui rassemble un grand nombre de ces emplois essentiels, peine à négocier le renouvellement des conventions collectives : « En enseignement, les négos sont au point mort et le gouvernement a le culot de proposer une baisse de salaire! En même temps, on insiste sur l’importance de maintenir les écoles ouvertes, coûte que coûte, et le personnel enseignant a fait preuve de beaucoup de flexibilité depuis le début de la pandémie. On ne se sent tout simplement pas respecté.e.s! », s’insurge Félix Germain, enseignant à Montréal. Le ras-le-bol est généralisé alors que de plus en plus de travailleur.se.s du secteur public démissionnent afin d’exprimer leur refus de travailler dans des conditions qui compromettent leur santé physique et mentale. En santé, on connaît une réelle hémorragie: plus de 1700 infirmières ont quitté leur emploi entre la mi-mars et août. « Stress, heures supplémentaires, manque de personnel, épuisement : les conditions de travail difficiles dans lesquelles doivent évoluer les infirmières et les préposé.e.s aux bénéficiaires, notamment, sont dénoncées depuis de très nombreuses années et sont des facteurs de fuite des professionnels, mais aussi des étudiants, sur lesquels on compte pour assurer la relève. En un an de pandémie, pas moins de 18 travailleurs de la santé ont été emportés par la COVID-19 au Québec et plus de 41 000 ont été infectés par le coronavirus.», rapporte Eve-Lyne Clusiault, vice présidente aux communications de l'AQII.
Même son de cloche du côté des organismes communautaires. La fréquentation des banques alimentaires, des refuges et des répits pour personnes itinérantes a explosé. Des personnes vulnérables sont encore plus isolées et on constate une forte augmentation des surdoses. Les évictions se poursuivent et on se trouve dans une crise du logement à la grandeur du Québec. « Les mesures mises en place pour combattre la pandémie ont malheureusement des impacts graves pour des milliers de personnes et ce sont les travailleur.se.s de proximité, dans les organismes, dans la rue, dans les centres d’injections supervisées, qui sont là pour les soutenir et rapiécer les trous. Mais on n’a pas plus de bras, pas plus de financement, même si les défis sont encore plus importants qu’avant la pandémie… », dénonce Alastriona Nesbitt, une intervenante psychosociale membre du Syndicat des Travailleuses et Travailleurs en Intervention Communautaire (CSN).
La ronde des remerciements et des discours sur « nos anges gardiens » n’a pas d’impact concret sur les conditions de travail, alors que les milieux de travail sont les principaux lieux d’éclosion du coronavirus. Dans les entrepôts et les abattoirs, dans les champs, dans les CHSLD, des travailleuses et travailleurs tombent malades et meurent. On a reconnu que ces emplois sont principalement occupés par des personnes migrantes, souvent à statut précaire et plus particulièrement par des femmes racisé.e.s. Ces personnes aux premières lignes, leur famille et leur communauté, sont plus exposées au virus. Malgré cela, le gouvernement Legault et le gouvernement fédéral se montrent peu enclins à régulariser leur situation.
Le programme de régularisation du statut des « anges gardiens » ne concerne qu’une infime partie des personnes qui œuvrent dans le réseau de la santé. Malgré le lancement de cette initiative, des milliers de personnes sans statut ou à statut précaire vivent toujours dans la crainte d’être emprisonnées et déportées. Et les prisons, notamment le centre de détention pour migrant.e.s de Laval, sont eux aussi d’importants foyers d’éclosion. Des personnes détenues ont récemment fait une grève de la faim à Laval (c’est la deuxième depuis le début de la pandémie) suite à une éclosion de COVID. Pour Samira de Solidarité Sans Frontière, « il est inconcevable qu’on ne régularise pas le statut de toutes les personnes migrantes en plein cœur d’une pandémie : comment peut-on continuer à enfermer des personnes dans des prisons? Comment peut-on encore déporter des personnes? Comment peut-on encore insister sur l’importance du statut d’une personne alors que nous combattons une pandémie à l’échelle mondiale? »
Le patronat et les gouvernements ont toujours utilisé la catégorie du « travail essentiel » pour contrôler les travailleuses et les travailleurs, notamment en limitant leur droit de grève. Et c’est encore dans cette optique qu’il en fait l’usage dans le contexte de la pandémie.
Après 1 an de négligence, le collectif des Travailleuses et Travailleurs Progressistes de l’Éducation sonne l’alarme : Il faut exiger mieux. Maintenant.
Nos 5 revendications principales envers le gouvernement Legault se lisent comme suit :
– Reconnaître que le démantèlement néolibéral des services publics a amplifié la gravité de la crise et réinvestir massivement dans ces services.
– Redresser de façon significative, à l’aide de la CNESST, les standards de santé & sécurité dans tous les milieux de travail.
– Améliorer de façon significative les conditions de travail et le salaire des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs publics et parapublics qui négocient présentement leur convention collective.
– Régulariser rapidement le statut de toutes et tous, peu importe leur occupation.
– Protéger et améliorer les balises régissant le droit de refus des travailleuses et travailleurs lorsque celles-ci/ceux-ci jugent que leur milieu de travail n’est pas suffisamment sécuritaire.
*Cet événement se tiendra dans le respect des règles sanitaires, avec autant de distanciation que possible. Le port du masque est obligatoire.
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