Amir Attaran et le retour de l’esprit colonial britannique

2021/03/28 | Par Robin Philpot

Amir Attaran et le retour de l’esprit colonial britannique

Presque tous les premiers ministres du Québec, de Maurice Duplessis à François Legault, en passant par Jean Lesage et René Lévesque, ont été comparés aux Nazis ou au KKK

Les préjugés anti-français sont dans l’ADN du Canada, hérité de la Conquête du colonialisme et britanniques de 1760. Rien de nouveau sous le soleil, sauf peut-être que ceux et celles qui l’expriment aujourd’hui sont parfois venus d’ailleurs ou sont issus de minorités. Mais ils ont bien humé l’air ambiant.

Comme tout préjugé colonial, il s’accompagne de l’idée que le colonialiste doit élever le pauvre peuple colonisé vers la civilisation, vers la lumière, vers une société juste, vers le progrès.

La Conquête n’était-elle pas providentielle pour le peuple canadien (français) conquis, jusque-là tyrannisé par un despote français et des papistes de Rome, idée qui a dominé l’historiographie canadienne (et même québécoise) pendant longtemps. (Les mêmes colonialistes se sont convaincus de la nature providentielle de leur « œuvre » coloniale auprès des Autochtones visant à « tuer l’Indien » en eux.)

Même scénario après la répression des Patriotes de 1837-38: le libéral Durham souhaitait libérer ce peuple « sans histoire ni littérature » en les assimilant à la grande civilisation anglaise. Adam Thom, rédacteur d’une partie de son fameux rapport, en parlait en 1836 :

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« En se rapportant à la France, les promoteurs des célèbres résolutions [les 92 résolutions des Patriotes] firent preuve de très peu d’intelligence, si ce n’est de reconnaissance. Ils avaient sans doute oublié, les pauvres, qu’à titre de sujets britanniques ils sont les libres descendants de serfs français ; aussi étaient-ils trop bêtes ou trop imbus de préjugés pour comprendre que tout lien avec la France despotique transformerait le joug anglais, qui n’existait d’ailleurs que dans leur folle imagination, en domination terrifiante et convulsive sous un scorpion français. » (Lettres anti-françaises – p. 61, Septentrion 2019)

Trop occupé à se donner des accolades, le colonialiste ne regarde jamais dans sa propre cour; bien sûr, tout n’est pas parfait, mais « on est en train de travailler fort » comme dirait un certain Justin.

Les avatars de cet esprit colonial sont parfois étonnants, mais à bien regarder, on y voit revenir l’idée d’une supériorité culturelle et sociale. Il faut montrer le bon chemin à ce peuple arriéré, même si ça fait mal. C’est en ce sens-là qu’il faut voir le cas du professeur Amir Attaran.

Aujourd’hui, on se drape d’une perception de la diversité, de l’inclusion et de multiculturalisme de la société anglo-canadienne – perception qui n’a rien à voir avec la réalité canadienne – pour outrager, salir, excommunier tout un peuple.

 

Un Québec, maître de son destin

Car au fond, ce qui dérange les bien-pensants d’aujourd’hui comme ceux d’hier, c’est la volonté du Québec d’être maître de son destin, plutôt que de se faire dicter sa conduite par des dirigeants qui répondent à une autre majorité, qui ne parlent pas sa langue, qui ne connaissent pas sa culture – et la méprisent – et qui ont d’autres priorités économiques, sociales, culturelles et politiques.

Une erreur, un crime, une bavure au Québec connaîtra une amplitude qu’on ne voit jamais ailleurs; tous les bien pensants s’indigneront, eux qui s’aveuglent aux erreurs, crimes et bavures qui se passent chez eux. Les accusations, qui fuseront, iront au-delà des individus pour s’étendre à tout le peuple québécois.

 

Le prof Attaran fait du plagiat

Aux applaudissements d’un député du NPD et de la cheffe du Parti Vert, Amir Attiran a comparé le Québec à l’Alabama. C’est insultant, grossier, mais pas nouveau. C’est même du plagiat.

Pendant la crise d’Oka, le Québec était « Canada’s own Mississippi » (Michelle Landsberg, NPD), « resembles Alabama in the 1969s » (Michael Valpy), sort tout droit de Mississippi Burning (Jack Todd), selon ces chroniqueurs vedettes du Toronto Star, du Globe & Mail, de The Gazette, lesquels fermaient les yeux sur les Warriors armés de Kalachnikov.

Ces mêmes chroniqueurs n’ont pas invectivé l’Ontario de la sorte lorsque des policiers de l’OPP ont tué Dudley George pendant l’occupation pacifique du Parc Ipperwash (6 septembre 1995). Le premier ministre Mike Harris aurait demandé au chef de l’OPP: « I want the fucking Indians out of the park », selon l’ancien ministre de la Justice Charles Harnick. Pas de généralisations sur une culture raciste du Canada anglais ou des Ontariens.

Presque tous les premiers ministres du Québec, de Maurice Duplessis à François Legault, en passant par Jean Lesage et René Lévesque, ont été comparés aux Nazis ou au KKK, parfois aux deux. Or, le KKK a bien eu pignon sur rue au Canada, soit en Ontario et en Saskatchewan. Parmi leurs cibles : les Canadiens français. Ces succursales canadiennes du KKK poussaient dans le terreau fertile du Loyal Order of Orange, les Orangistes.

Voici ce qu’en dit l’autrice canadienne Candace Savage dans un livre qui vient de paraître chez Québec-Amérique, Des inconnus sous mon toit (p 146) :

« On n’avait pas à être irlandais ou même britannique, pour se joindre au mouvement [orangiste] : il suffisait d’être loyal au roi et au pays, et fièrement protestant. (…)  dès 1905, les loges orangistes au Canada et à Terre-Neuve étaient plus nombreuses qu’en Ulster (le bercail de l’idéologie), et le nombre d’adhérents canadiens-anglais allait augmenter pendant les vingt années suivantes, pour finir par représenter 60 pour cent des effectifs mondiaux. Dans certaines régions de l’Ontario, pratiquement toute la population adulte masculine était composée de partisans orangistes. »

Aujourd’hui le Loyal Order disparu, c’est une certaine gauche qui, sans l’avouer, reprend leur flambeau. Leur objectif : faire semblant de combattre le racisme en mobilisant les plus chauvins des Canadiens anti-québécois.

Après tout, c’est plus facile et moins risqué que de s’attaquer au racisme du Canada anglais.