Vieillir sur place

2021/05/28 | Par L’aut’journal

Quelqu’un a un jour demandé à la légendaire urbaniste Jane Jacobs où les personnes âgées devraient vivre. Sa réponde fut laconique : « Partout. » Mme Jacobs s’est vigoureusement attachée à promouvoir l’idée que les villes et les lieux où vivent les gens (maisons, foyers, appartements, coopératives d’habitation, institutions) devraient être inclusifs, agréables et surtout adaptés aux besoins des résidants et non le contraire. Elle croyait aussi en la nature organique des communautés, que celles qui fonctionnent le mieux sont auto-organisées et quelque peu chaotiques et non plus stériles et planifiées.

Janet Torge, une cinéaste montréalaise de 76 ans, pense que c’est exactement la philosophie qu’il nous faut adopter pour réinventer les soins aux aînés. « Il est tristement clair que nous avons besoin de meilleures options de logement, en particulier pour les aînés », estime-t-elle. Depuis des années, Mme Torge se fait la promotrice d’une approche qu’elle appelle « Radical Resthomes » (maisons de repos radicales) ou « Houses with Purpose » (maisons avec un but), des environnements multigénérationnels, où les gens choisissent avec qui ils vivent et établissent leurs propres règles, « plutôt que d’être abandonnés avec une bande d’étrangers dans un immeuble qui pue l’urine ».

Mme Torge affirme qu’elle a développé une passion pour l’amélioration du logement des aînés en voyant ses parents et ceux de ses amis aboutir en soins institutionnels pour y mourir dans la tristesse.  Non seulement elle et ses pairs étaient-ils accablés de culpabilité, mais ils étaient aussi déterminés à ne pas subir le même sort. Mme Torge a perdu sa mère alors qu’elle était en bas âge, mais son père a terminé ses jours dans un foyer de soins qu’elle décrit comme une prison où on enfermait les vieilles personnes.

Le concept de Radical Resthomes est assez simple. Il s’agit d’une combinaison de coopérative et de maison de retraite, assortie de quelques éléments supplémentaires. Mme Torge explique que la clé consiste à réunir des gens, jeunes et vieux, ayant des champs d’intérêt et des valeurs semblables. Les plus âgés pourraient jouer un rôle de mentor auprès des plus jeunes résidants, ce qui en retour serait susceptible de dynamiser la vie des aînés et d’atténuer les effets de la solitude qui afflige un si grand nombre d’entre eux.

André Picard, Les grands oubliés. Repenser les soins de nos aînés. Les Éditions de L’Homme

 

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