Plaidoyer pour les centrales syndicales

2021/08/20 | Par Luc Allaire

« À quoi ça sert une centrale syndicale ? » La question est brutale, mais c’est la question qu’a posée Éric Gingras, lors de son premier discours à titre de président nouvellement élu de la Centrale des syndicats du Québec le 30 juin dernier.

Cette question est cruciale au moment où les syndicats indépendants semblent avoir le vent dans les voiles. Selon Éric Gingras, « ce développement fait l’affaire du gouvernement, car c’est beaucoup plus simple pour lui de cantonner les syndicats dans un rôle de relations de travail en leur donnant un peu de bonbons ».

À l’opposé, une centrale syndicale est un acteur social et un contre-pouvoir nécessaire. Le message qu’il lance au gouvernement est le suivant : « Arrêtons de faire semblant que les valeurs, les orientations, les batailles que mènent les centrales syndicales ne sont pas au diapason des valeurs de la population. Ce n’est pas vrai. La population partage majoritairement les valeurs que prône le mouvement syndical. Et si le gouvernement prend des mauvaises décisions, on sera sur son chemin pour le lui rappeler. »

« La CSQ est une organisation qui défend les services publics dans le réseau de la santé et du communautaire avec un socle important dans l’éducation de la petite enfance jusqu’au réseau collégial et universitaire. Il faut assumer ce rôle de défense des services publics. »

Pour favoriser l’unité et la solidarité de l’ensemble des membres de la CSQ, Éric Gingras affirme que la CSQ doit être plus près de ses membres. Pour ce faire, il sera nécessaire d’utiliser davantage tous les moyens de communication disponibles, dont les réseaux sociaux, les balados, etc. en tout temps.
 

Négocier sur la place publique, pourquoi pas?

Ainsi, Éric Gingras s’oppose au concept selon lequel on ne négocie pas sur la place publique. « Le gouvernement, dit-il, ne se gêne pas pour négocier sur la place publique lors de déclarations aux médias ou en achetant de l’espace publicitaire. Nous devons faire la même chose en informant régulièrement nos membres et en expliquant les enjeux. Par exemple, le gouvernement a tort quand il prétend que le personnel enseignant est heureux de l’issue de la dernière négociation en raison des augmentations de salaire obtenues. Nos membres souhaitaient une amélioration de leurs conditions de travail, mais le gouvernement n’a rien offert pour contrer l’alourdissement de la tâche. »

La stratégie du gouvernement Legault était claire : diviser le mouvement syndical en offrant plus au personnel enseignant, aux infirmières et aux préposées aux bénéficiaires, comme si les emplois du personnel professionnel et de soutien n’étaient pas nécessaires à la qualité de l’éducation et du réseau de la santé. « Une réflexion sera nécessaire quant à la relance du front commun », affirme-t-il.
 

L’environnement, la question autochtone et l’immigration

Dans le livre qu’il a publié au printemps, Plaidoyer pour un syndicalisme actuel, Éric Gingras dit souhaiter que la Centrale intervienne davantage sur différents enjeux sociaux comme l’environnement, la question autochtone et l’immigration.

Cela s’inscrit dans les actions entreprises récemment par la CSQ. Ainsi, le réseau des établissements verts Brundtland est devenu le mouvement ACTES pour « Actions collectives en transition environnementale et sociale ». « Pendant longtemps, notre rôle s’est cantonné dans les petits gestes comme la récupération en milieu scolaire, affirme Éric Gingras. Ce n’est pas mauvais, mais il est nécessaire d’en faire plus et de jouer notre rôle d’acteur social pour favoriser une transition juste. »

La question autochtone s’est aussi imposée lors du congrès de la CSQ. Les congressistes ont en effet adopté une résolution afin de joindre leur voix à celle des communautés autochtones pour demander au gouvernement fédéral de mettre fin immédiatement à sa bataille juridique contre les enfants autochtones et de respecter ses engagements à l’égard des peuples autochtones en accordant de toute urgence la priorité aux 94 appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation. Ils exigent également du gouvernement fédéral qu’il débloque des fonds immédiatement pour lancer des enquêtes sur tous les sites d’anciens pensionnats.
 

L’équité

La question de l’équité constitue également une priorité pour le nouveau président de la CSQ. C’était d’ailleurs le premier thème qui a été abordé lors du congrès de la CSQ.

La pandémie de COVID-19 a suscité une prise de conscience collective sans précédent : les personnes salariées travaillant dans les services jugés essentiels (éducation, enseignement supérieur, santé et services sociaux, services de garde, secteur communautaire) se sont avérées des actrices indispensables pour affronter la crise sanitaire qui touche le Québec et la planète tout entière.

La pandémie a aussi révélé au grand jour l’importance de tous ces métiers qui participent du prendre-soin et de l’accompagnement pour la bonne marche de la société ainsi que la fragilité des gains obtenus par les femmes au cours des dernières décennies. En effet, les femmes ont été plus nombreuses à perdre leur emploi et la reprise dans les secteurs d’activité à prédominance féminine se fait beaucoup plus lentement.

En matière d’équité salariale, les femmes peinent encore aujourd’hui à faire respecter leurs droits et doivent multiplier les plaintes. Pour le secteur parapublic, non seulement les milliers de plaintes déposées lors des évaluations de maintien de 2010 et de 2015 sont toujours en traitement, mais en plus, le gouvernement employeur refuse d’accorder à ces femmes le correctif rétroactif auquel elles devraient avoir droit à la suite du gain majeur fait devant la Cour suprême du Canada en 2018.

Une révision de la Loi sur l’équité salariale s’impose donc à la fois pour corriger cette situation inéquitable. Maintenant que la société reconnaît que les services publics et les emplois dits qui participent du prendre-soin et de l’accompagnement sont essentiels à la société québécoise, il est essentiel de faire reconnaître la réelle valeur du travail des emplois à prédominance féminine ainsi que leur importance pour l’ensemble de la société québécoise.

 

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