L’article ci-dessus se veut une réplique au texte Le Bloc, rempart contre la vague conservatrice de Pierre Dubuc
Abandonner l’indépendance n’est pas anodin dans le contexte de la mondialisation et avoir à choisir entre la gauche et la droite pourrait bien mener au fédéralisme tout simplement puisqu’il y a un parti fédéraliste qui offre cette option, le NPD.
Devant la montée de la droite, doit-on se réfugier dans d’éternelles positions sociales-démocrates, et même dans le libéralisme contre l’extrême-droite, ou développer ses propres alternatives ?
Ça fait penser à ceux qui en France exigent toujours un vote libéral contre le Front National plutôt que de développer une alternative au capitalisme qui offre aux travailleurs une option véritable de libération socialiste.
Ça pose l’éternelle question de la voie pour l’indépendance et le socialisme qui est liée comme le sont la fin du salariat et celle de l’exploitation.
Qui veut sortir du Canada ? Le Bloc y est intégré jusqu’à entretenir l’illusion que ce pays est un choix pour les Québécois et qu’il constitue « l’avenue prometteuse » que Legault attribue aux Conservateurs. Alors qui fait le jeu des Conservateurs ? Le Bloc qui se colle à la CAQ fédéraliste s’en fait le promoteur avoué.
Comment sans renoncer à son âme propre d’indépendantiste en allant si loin dans la conciliation avec un Canada mondialisé à l’extrême qui s’est levé contre l’indépendance même du Venezuela et tergiverse avec les États-Unis sur l’indépendance de Cuba qu’il n’affirme même pas comme une de ses positions politiques.
Se positionner sur l’indépendance définit si on appartient ou non au mouvement indépendantiste contre le Canada. Car il faut bien être clair sur cela : on ne peut participer au parlement canadien que pour y promouvoir l’indépendance du Québec sinon on y joue le jeu de l’adversaire et on cautionne cette institution comme celle de la couronne britannique en prêtant serment d’allégeance à la reine. Le texte de Vadeboncoeur, qui a disparu curieusement des pages de L’aut’journal (je voulais le citer, mais ne le retrouve plus) le démontrait clairement et il faisait référence à la Révolution française et à celle de 1917 pour montrer que la dépendance au vote pour acquérir l’indépendance était du fétichisme électoral.
On doit relancer le mouvement indépendantiste et le Bloc n’y contribue plus. C’est un fait indéniable. Alors, il faut s’en démarquer pour ne pas entretenir l’illusion CAQiste, … et de droite, du fédéralisme canadien comme une voie de sortie pour le Québec avec des millions en taxe qui ne nous reviennent jamais complètement sinon par de petites brides de la richesse canadienne que l’impérialisme veut bien concéder à sa colonie en veines promesses électorales.
Ça pose la question d’aller chercher en grappillant des pouvoirs partiels qui nous maintiennent assujettis au lieu de se libérer. Il n’y a que l’indépendance qui peut le faire. Et qui plus est, le Bloc l’a abandonné pour la carrière politique de son chef comme représentant illusoire des Québécois. À vrai dire, par son programme édulcoré, qui a abandonné toutes les avancées de la Refondation, Blanchet ne l’est pas plus que Trudeau, « fier Québécois ».
C’est grave de faire croire que la participation, sans une affirmation forte de l’indépendance, au Parlement canadien est une alternative pour les Québécois quand on s’affirme indépendantiste. C’est dorénavant renoncer à tout un pan du projet qui consiste à en promouvoir l’objectif jusqu’à ce qu’il soit réalisé comme changement profond dans les structures de pouvoir au Canada. C’est entretenir une illusion maladive sur ce pouvoir comme pouvant un jour coopter les Québécois jusqu’à un statut de liberté et d’égalité dans la confédération actuelle comme le font tous les fédéralistes. C’est empêcher, par son obstination à collaborer au parlementarisme canadien, à relancer l’indépendance comme courant fort dans l’opinion québécoise.
L’abstention a pour but de ne plus considérer que le Parlement canadien, par la voix d’un Bloc y renonçant, peut être une option pour la promotion de l’indépendance puisqu’il y ne le fait plus. Vaut mieux revenir à ce qu’était le mouvement au début, c.-à-d. un boycottage du parlement canadien jusqu’à ce que les indépendantistes à Ottawa, s’ils veulent y être, soient des indépendantistes conséquents.
Réponse de Pierre Dubuc
Donc, si je comprends bien les propos de Guy Roy, vaut mieux à cette élection-ci s’abstenir de voter et boycotter le parlement canadien. Je constate aussi, sur le site du Parti communiste du Québec dont Guy Roy est le co-porte-parole, que c’est aussi la position de son collègue André Parizeau.
C’est curieux, il y a quelques semaines à peine, le même André Parizeau était prêt à porter les couleurs du Bloc dans la circonscription d’Ahuntsic-Cartierville, comme il l’a fait en 2019 ! Je déplore avec lui que la direction du Bloc Québécois ait décidé de ne pas tenir d’assemblée d’investiture et, ce faisant, de l’écarter, mais est-ce là une raison valable pour changer la position du PCQ par rapport à l’élection de 2019 ? Le Bloc n’a-t-il pas le même chef et la même orientation qu’en 2019 ?
Je m’étonne également que Guy Roy lève le nez sur la nécessité « d’aller chercher en grappillant des pouvoirs partiels », alors qu’il a consacré de multiples articles – publiés sur notre site – à revendiquer des contrats pour la survie du Chantier naval de la Davie. (Voir un échantillon de ces articles ci-dessous.) Et qu’il a félicité à maintes reprises le Bloc – qu’il appelait « notre allié » – pour son action dans ce dossier. Est-ce qu’il croit qu’il serait mieux servi avec des députés conservateurs ou libéraux dans la région de Québec? Faut-il lui remémorer son article Chantier de la Davie : Où sont les députés libéraux fédéraux?
Je comprends leur frustration devant le fait qu’André Parizeau n’ait pu obtenir une assemblée d’investiture et que l’indépendance ne soit pas au menu de cette campagne électorale. Le SPQ Libre, dont j’étais le secrétaire, a été illégalement exclu du Parti Québécois et j’ai critiqué à plusieurs reprises Mme Marois et Jean-François Lisée pour avoir mis l’indépendance au rancart. Mais le SPQ Libre n’a pas appelé à boycotter l’élection québécoise et j’ai toujours ma carte de membre du Parti Québécois (de même que celle du Bloc).
Je réitère la conclusion de mon article. S’abstenir, c’est ouvrir toute grande la porte aux deux grands partis de la bourgeoisie canadienne. S’abstenir, c’est appeler à la liquidation de la principale base à partir de laquelle on peut reconstruire le mouvement indépendantiste. S’abstenir, ce n’est pas tenir compte des leçons de l’histoire de la Chute du Mur de Berlin et du coup d’État au Chili, comme je le mentionne dans mon article. Imaginez un instant ce qu’aurait été la campagne électorale et les débats sans la présence du Bloc.
Je vous invite donc à vous resaisir et à revoir votre position que votre tradition idéologique qualifierait de gauchiste.
Amicalement,
Pierre Dubuc
P.-S. Le texte de Pierre Vadeboncoeur a toujours été sur notre site. Pensez-vous sérieusement que son texte peut cautionner un appel à boycotter l’élection? Croyez-vous que Pierre Vadeboncoeur aurait appelé à boycotter cette élection? Je vous invite à le relire.
Vadeboncoeur affirme que, par sa seule existence, le Bloc a pour effet de « fausser le jeu du fédéralisme et brouiller les cartes des deux partis traditionnels, introduire dans la politique québécoise et canadienne une dynamique que le système ne peut assimiler ». Il ajoute qu’« il trompe les calculs de l’ordre établi. Il dérange. Il fausse l’institution » qu’il s’inscrit dans « une constante historique », dont « il faut en faire ressortir la logique, qui est celle de la résistance ».
Il ajoute : « Il pose le problème du Québec, qui est sans solution si ce n’est celle de l’indépendance. Il ne le résout pas. Qui en effet peut le résoudre au sein du fédéralisme ? Le Bloc fait face à un mur. C’est ce que ce parti démontre par sa propre existence. Une importante partie des Québécois le soutient et c’est parce qu’elle vit la même expérience que lui : pas d’issue, un mur. Celui-ci s’appelle le Canada ».
Nos lecteurs peuvent constater l’appui passé de Guy Roy au Bloc à la lecture des articles suivants :