« Et si, en définitive, cette mythique langue de "l’ouverture sur le monde" n’était autre que "celle de Lord Durham"? » Voilà comment Virginie Hébert conclut son nouveau livre L'Anglais en débat au Québec, Mythes et cadrages, un livre majeur qui vient de paraître chez les Presses de l'université Laval.
Partant du constat d'un changement dans le rapport collectif des Québécois à l'anglais, elle remonte à des moments clés de notre histoire depuis la Conquête britannique où on a débattu de la place de l'anglais surtout dans l'enseignement. Elle relève une constante dans l’histoire du Québec, soit la présence récurrente du mythe de l’anglais, « langue universelle ».
Elle démontre que cette idée, très présente au 19e siècle, s'inspirait du modèle d'un Thomas Babington Macauley appliqué en Inde: soit qu'il fallait que tous se mettent à l'anglais, que c'est dans leur intérêt que tous soient assimilés à l'anglais, langue supérieure et universelle qui offrait l'accès à la civilisation et à la connaissance. Les langues dites nationales n'avaient aucune utilité.
Cet impérialisme linguistique inspirait également Lord Durham dans la rédaction de son fameux rapport déposé dans la foulée de la répression des Patriotes.
Elle note aussi que la période de 1960 à 1990, les Québécois ont rejeté ce cadre imposé dans un élan de décolonisation linguistique aboutissant en 1977 par l'adoption de la Charte de la langue française.
Elle souligne que le cadre imposé définit les limites du débat et nous empêche de voir d'autres modèles.
Virginie Hébert fait remarquer aussi les nombreux pays (Pays-bas, France, Italie et ailleurs) où on commence à remettre en question le mantra selon laquelle l'anglais est la langue universelle.
Son livre est très important aujourd'hui car il démontre que le discours, qu'on entend dans la bouche de nos élites politiques et intellectuelles, sur la nécessité de l'anglais pour tous est aussi vieux que le Lord Durham lui-même.
Pour écouter l’entrevue, cliquez ici.
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Mères porteuses et PL2: Québec prend la mauvaise voie : Entrevue avec Maria De Koninck
Sur la question des mères porteuses le « Gouvernement du Québec prend la mauvaise avenue » selon Maria De Koninck, autrice de Maternité dérobée, Mère porteuse et enfant sur commande (Multimondes 2019), professeure émérite au Département de médecine de l'Université Laval et première titulaire de la Chaire d'étude sur la condition des femmes, à Laval.
Selon Mme De Koninck, bien que le projet de loi tente de protéger les droits de la femme et de l'enfant à naître, le Gouvernement du Québec aurait pu décider simplement de proscrire la pratique des mères porteuses, qui si elle est permise et encadrée, elle ouvrira la porte à une éventuelle marchandisation, qu'on le veuille ou non.
« Légaliser une pratique qui soumet certaines femmes à une fonction de reproduction pour la seule fin de combler le désir de commanditaires est dans ce contexte inacceptable, et l’argumentation voulant qu’un cadre légal les protégera mieux ne change rien à ce caractère. »
Elle note que le projet de loi fait disparaître l'expression « mère porteuse », évacuant ainsi toute référence à la maternité. Elle maintient que cette pratique va à l'encontre des mouvements des années 60 et 70 qui demandaient une plus grande humanisation de la maternité et de l'accouchement et constitue un recul important des droits des femmes.
Elle s'inquiète aussi des droits de l'enfant à naître qui ferait l'objet d'un contrat exigeant son abandon avant même qu'il soit conçu.
Il semble que le « désir » d’avoir un enfant l’emporte sur le droit de l'enfant à naître par rapport à sa mère.
Elle suggère que, à l'instar des CPE et d'autres politiques sociales, le Québec pourrait être exemplaire en cette matière et ne pas suivre la voie tracée notamment par les États-Unis où, capitalisme oblige, une industrie de la reproduction foisonne avec tous les dérapages qu'on peut imaginer.
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