Sans la loi 101 au cégep, Montréal continuera de s’angliciser

2021/11/17 | Par Maxime Laporte

L’auteur est avocat et président du Mouvement Québec français (MQF)
 

Monsieur le Premier ministre,

Le MQF, que j’ai l’honneur de présider, aura bientôt 50 ans. À sa fondation, je venais à peine de célébrer mes... moins 16 ans. J’en ai aujourd’hui +34. 

Cela fait environ une décennie et demie que je consacre ma jeunesse à l’avancement de notre langue nationale. Comme tous les acteurs sérieux de ce combat vital, j’ai réalisé tôt dans mon engagement que faute d’appliquer la loi 101 au cégep, le Québec français, comme pôle d’appartenance commune, est condamné d’avance à déchoir au profit de l’anglosphère.

Pendant longtemps, cette revendication fut reçue à la manière d’une idée suspecte, « radicale »...
 

Puis, vint le temps des bilans.

Les collèges de langue anglaise dans l’île de Montréal captent aujourd’hui la moitié (!) des effectifs préuniversitaires de la région et... 95 % (!!) de leur croissance. 

Certains auront trouvé astucieuses les dispositions du PL 96 visant le plafonnement de la clientèle du réseau anglais... Selon les projections, la méthode proposée n’apportera pourtant aucun changement tangible à la dynamique linguistique de l’éducation supérieure à Montréal, ni à court terme, ni même à long terme. 

Par ailleurs, on apprenait récemment que les collèges anglomontréalais servent désormais une majorité d’allophones. Or, rappelons que 72 % (!!!) des allophones fréquentant ce réseau feront ensuite profession dans la langue de Durham. Le PL 96 ne stoppera pas non plus ce phénomène. Et l’idée d’imposer l’épreuve de français aux finissants allos et francos des cégep anglais n’améliorera guère davantage, en soi, la vitalité institutionnelle de notre langue commune.
 

Puis, vint le temps du débat. 

Le dégivrage du débat sur langue, après des années d’hibernation, aura permis aux voix pro cégep français d’enfin se faire entendre plus clairement. Cela, au grand dam des partisans forcenés du statu quo.

Ainsi, contrairement aux inepties trop souvent entendues en la matière, 1) la majorité des cégépiens sont mineurs au moment de leur inscription. 2) La majorité des étudiants au cégep anglais sont déjà bilingues avant même d’y mettre les pieds, sans compter qu’ils ressortissent à l’une des populations les plus anglobilingues de la planète. 3) La question qui nous occupe n’est pas tant celle du « libre-choix », mais bien de savoir qui donc devrait acquitter la facture de ce « libre-choix » : la collectivité ou l’individu qui l’exerce ? 4) Dans l’écrasante majorité des sociétés linguistiquement normales, un tel « libre-choix », financé à 100 % par l’État, n’est tout simplement pas pensable, car l’instruction publique s’y offre, tout simplement, dans la langue nationale. 5) Ce n’est pas parce que la mondialisation se fait en anglais qu’il faut s’angliciser comme nation. 
 

Puis, vint le changement de paradigme que l’on connaît. 

On ne compte plus aujourd’hui les personnalités – et pas les moindres, s’étant déclarés pour la loi 101 au cégep. Aussi, un récent sondage a fait état d’une majorité de Québécois favorables à cette mesure, dont une majorité absolue de francophones. 

Le fruit est mûr. Cueillez-le donc, Monsieur Legault !

En son temps, René Lévesque n’était lui-même pas d’accord avec plusieurs des dispositions plus « costaudes » de la loi 101. Mais, il a eu la clairvoyance de faire confiance à son illustre ministre, Camille Laurin, pour l’essentiel de son programme. 

Puissiez-vous donc, Monsieur le Premier ministre, vous inspirer de cet exemple, en donnant le feu vert à votre ministre à vous, Simon Jolin-Barrette, dont on devine aisément la position pro cégep français. Cette décision nécessaire, courageuse, nationale, vous ne la regretterez jamais. 

 

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