Des enseignants déterminés à faire reculer les inégalités

2021/12/15 | Par Luc Allaire

« La France est une société profondément inégalitaire, elle est la championne des inégalités sur le plan de l’éducation. » C’est sur ces termes que la secrétaire générale adjointe de l’UNSA-Éducation, Morgane Verviers, a lancé les débats d’une table ronde sur le thème « Déterminés à faire reculer les inégalités » lors du Congrès de cette organisation syndicale à Poitiers, en France, en novembre dernier.

« Les enquêtes internationales démontrent en effet que la France est l’un des pays où il y a le plus de ségrégation scolaire parmi les pays de l’OCDE, et cette ségrégation scolaire est en lien avec la ségrégation sociale », a poursuivi Étienne Butzbach, coordonnateur du réseau Mixité à l’école pour le Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO).

« La pandémie a été un révélateur de cette société inégalitaire et fragmentée », a souligné Joanie Cayouette-Remblière, auteure d’un ouvrage paru récemment, L’explosion des inégalités / Classes, genre et générations face à la crise sanitaire (Éditions de l’Aube), « mais les inégalités ne sont pas apparues avec la crise sanitaire ». Cette explosion des inégalités a touché particulièrement les jeunes de 18 à 24 ans, les employés et ouvriers, et les femmes, démontre son enquête par portraits sociologiques.

Devant cette situation, que peuvent faire les organisations syndicales ?

« Nous avons une structure solide et précieuse, cet appareil syndical, qui s’inscrit dans la durée, qui a une histoire, un socle qui porte fièrement les valeurs républicaines, la laïcité, l’humanisme, la clarté de notre opposition à l’extrême droite et à tous les fondamentalismes et extrémismes religieux et politiques, la lutte contre toutes les discriminations et pour l’égalité », répond Frédéric Marchand, secrétaire général de l’UNSA Éducation.

Cependant, ajoute-t-il, le syndicalisme en France est menacé par la transformation de la fonction publique et l’affaiblissement des commissions administratives paritaires, et il risque de se fragiliser davantage s’il ne prend pas la mesure de la situation.

 

Un contexte politique et social fracturant

En 2017, l’élection présidentielle a fait exploser le paysage politique, rappelle Frédéric Marchand. Cette fragmentation du paysage politique et de la société est toujours présente. Elle guide l’action publique, les positionnements politiques, les mouvements sociaux. Elle pèse sur la vie sociale dans son ensemble. « La crise des gilets jaunes de fin 2018 s’inscrit dans un mouvement de remise en cause exceptionnelle de toutes les élites. On le sentait déjà dans le dégagisme de la Présidentielle », précise-t-il.

Puis, est arrivée la crise sanitaire.

« Toute cette période laisse une société fracturée, morcelée et un terreau fertile pour l’extrême droite. Et comme si le Rassemblement national ne suffisait pas, il y a eu l’apparition d’une nouvelle offre d’extrême droite nauséabonde autour du polémiste Éric Zemmour. Un cumul de 35 % des intentions de vote dans les sondages », explique Frédéric Marchand.

Il poursuit : « Ce qui est sans doute le plus dur, c’est de voir le débat politique se focaliser sur les questions d’immigration et les questions identitaires sans que les sujets majeurs du pouvoir d’achat, de l’éducation, de la justice sociale, de l’égalité des droits ne parviennent à émerger. Et pourtant ce Monsieur Zemmour rythme les débats. Non il ne pose pas les bonnes questions. Non l’immigré n’est pas l’ennemi. Non il n’y a pas de grand remplacement. Non Pétain n’a pas protégé les juifs. Non l’Aide Médicale d’État n’est pas un coût insupportable. Non la Laïcité ce n’est pas la neutralité de la Rue… Et pourtant il parle à une partie de la population avec des propos relayés comme des évidences par certains médias. »

 

Selon l’UNSA Éducation, ces débats sont insupportables. Elle appelle à un réveil des masses silencieuses et que la voix de celles et ceux qui ont la volonté d’une république unie et sociale se fasse entendre. « Arrêtons de stigmatiser les immigrés, les pauvres, des femmes et des hommes en raison de leur identité sexuelle, de leur origine ou de leur condition », affirme Frédéric Marchand.

Le secrétaire général de l’UNSA Éducation rappelle qu’il a signé une tribune avec d’autres organisations syndicales « pour la clarté sur notre positionnement vis-à-vis de l’extrême droite qui est une constante et qui doit se poursuivre ». Il réaffirme que son organisation sera clairement dans le camp des républicains et fera front face à l’extrême droite. « Nous nous opposerons aussi à toutes celles et tous ceux qui attaquent la République. Toutes celles et tous ceux qui s’en prennent à l’universalisme républicain. Ne laissons pas l’obscurantisme progresser. »

Le secrétaire général demande aussi qu’on arrête de faire croire que le wokisme est le sujet le plus important du moment, alors que personne ne sait de quoi on parle. « Ce terme, qui devient présent dans les débats publics, a une définition si floue qu’il ne peut entraîner que des confusions. »

« Il serait bien qu’on se questionne d’abord sur la justice sociale, enchaîne Frédéric Marchand, la lutte contre le racisme et toutes les discriminations, la mixité sociale et la réduction des inégalités. »

Il recommande de se préoccuper des conditions de travail et de la considération des personnels du service public qui agissent au quotidien pour permettre le « vivre ensemble » et qui portent les valeurs de la République notamment dans l’éducation, la justice, la santé, la sécurité, les transports. « Sans angélisme et avec une vision universaliste et républicaine assumée, nous serons dans l’action pour la réduction des inégalités sociales, pour favoriser plus de mixité sociale », conclut-il.