Le sondage qui a précipité le départ d’Arruda

2022/01/12 | Par Pierre Dubuc

Au début de chaque année, le Journal de Montréal publie un sondage sur la popularité des différentes personnalités québécoises. L’an dernier, le Dr Arruda était bien installé en deuxième place juste derrière François Legault. Cette année, il n’apparaissait même pas dans le palmarès des 25 personnalités recensées par le journal !

Les chroniqueurs du Journal et de La Presse ont vite enregistré le message. Ils savaient, eux qui l’avaient tellement trouvé rigolo avec ses simagrées et ses tartelettes portugaises, que le gouvernement Legault, qui ne fonctionne qu’aux sondages, s’apprêtait à actionner la guillotine. Il n’y avait alors aucun danger à demander sa tête. Elle était déjà presque rendue dans le panier.

Pour justifier la demande de son départ, les chroniqueurs énumèrent la longue liste de ses inepties sur l’utilité du port des masques, les masques N-95, le couvre-feu, les porteurs asymptomatiques, les aérosols, la transmission aérienne, les tests rapides, les purificateurs d’air, l’importance d’administrer rapidement la troisième dose, etc., etc.

Dans son enfilade de tweets, le journaliste André Noël en a établi la liste. De plus, il signale un fait jusqu’ici peu ou pas mentionné dans les médias traditionnels, soit que « le nombre de travailleurs de la santé infectés à la C-19 est deux fois plus élevé au Québec que dans le reste du Canada. En juin, on en avait compté 45 320 au Québec, contre 23 557 en Ontario (et 94 873 dans l'ensemble du Canada). Or, la proportion de travailleurs infectés vs le nombre total de cas de C-19 est déjà plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, qu'en France et qu'en Allemagne. Cela signifie que la proportion de travailleurs de la santé infectés par la C-19 est TRÈS élevée au Québec ».

Sous la gouverne en santé publique du Dr Arruda, le Québec possède un des pires bilans lors de la première vague et termine avec, à nouveau, un des pires scores avec la cinquième vague. La boucle est bouclée.

Cela nous amène à un des phénomènes les plus intrigants de la pandémie, soit cette popularité du gouvernement Legault et du Dr Arruda. Pourtant, dès le départ, l’état d’impréparation du gouvernement et la désinvolture du Dr Arruda étaient manifestes. Arruda se prélassait au début du mois de mars sur les plages du Maroc – il est revenu au Québec le 8 mars – pendant que son homologue de la Colombie-Britannique prenait dès le 7 mars des mesures drastiques pour protéger les résidences pour aînés.

Dès le 22 avril 2020, il nous apparaissant évident, comme nous l’écrivions alors, qu’il fallait « remplacer le ‘‘bon’’ Dr Arruda par quelqu’un comme la Dre Joanne Liu, qui a l’expérience des épidémies en tant que présidente de Médecins sans frontières, ayant été au front au Yémen où il y a eu un million de cas de choléra et en Afrique de l’Ouest, où l’Ebola a emporté 11 000 personnes ».

Cela nous a valu une volée de bois vert de la part des membres de son fan club. Encore aujourd’hui, il s’en trouve pour le défendre. Même Lise Bissonnette, dont nous apprécions beaucoup les analyses par ailleurs, lui trouve des circonstances atténuantes, parce qu’il a dû gérer, au cours de la dernière décennie, la décroissance du budget de la santé publique. Ce qui, pourrions-nous lui faire remarquer, ne l’a pas empêché de gérer la croissance de sa rémunération, qu’il vient tout juste de renégocier pour un salaire annuel indexé de 305 000 $ plus un 17 000 $ d’allocation d’hébergement.

Que la popularité de Legault et d’Arruda se soit maintenue malgré cette gestion bancale de la pandémie ne prouve qu’une chose : l’excellence de son équipe de communications. Que certains continuent à les appuyer ne prouve qu’une chose : un aveuglement volontaire allant de pair avec le refus bien québécois de tenir les dirigeants responsables de leurs actes. « On veut pas leur faire de pé-peine. »