Ne pas s’endormir avec Falardeau, même si le rêve est la préface de l’action

2022/01/26 | Par Simon Rainville

Je m’étais juré de ne pas parler de l’Album Falardeau qui relate à gros traits la vie de Pierre Falardeau. L’album vient de paraître grâce aux soins de sa conjointe Manon Leriche et de leur fils Jules. Si vous saviez l’effort que ça m’a demandé pour ne pas recenser son mémoire d’anthropologie À force de courage en ces pages il y a 2 ans. Le texte est écrit, sur de longues pages, mais je ne l’ai finalement pas publié. Je me suis dit que j’avais déjà trop souvent convoqué son œuvre et sa pensée, que je devais écrire sur un autre essai. Ce que j’ai fait.

Pour me faire accroire que cette fois encore j’étais sérieux, j’ai même écrit un texte plein de hargne contre la bêtise des bien-pensants qui regardent le passé par le prisme moralisateur du présent, thème finalement assez falardien.

Mais je suis revenu à Falardeau, un peu comme on retourne en soi par soir de tempête. C’est plus fort que moi. Il me fait du bien. Il m’éveille, me ravigote, me rassure sur ma folle rage pour l’indépendance et ma hargne contre la bêtise humaine. Écrire sur Falardeau, pour se sentir moins seul au sein de ce peuple terrible d’inexistence.

J’ai lu et relu tant de fois ses textes. J’ai vu et revu tant de fois ses films. J’ai écouté et réécouté tant de fois ses entrevues. Et pourtant, j’y découvre toujours quelque chose de nouveau, toujours un angle que je n’avais pas pleinement compris, toujours une preuve supplémentaire de son humanité profonde.

Jules dit qu’ils ont voulu faire ce livre afin de donner le goût de lire l’ensemble de ses écrits. Et Manon renchérit qu’il doit servir à ne pas laisser dormir son œuvre et sa pensée. J’ajouterais qu’il est peut-être encore davantage l’occasion de voir l’homme entier et conséquent derrière le pourfendeur du fédéralisme canadien, de ses valets québécois et de l’impérialisme américain.

 

L’attention aux détails, aux dominés et à la nature

Son fils et sa femme ont fait un travail d’archives remarquable. Le livre est beau et complet, même si les textes choisis pour commenter son œuvre et sa vie sont d’inégale valeur. On y découvre un photographe attentif aux détails, notamment par des portraits d’Autochtones du début des années 1970. À un journaliste qui lui demandait ce qu’il croyait qu’ils devraient faire pour améliorer leur sort, Falardeau a eu une réponse d’anthropologue, soucieux du respect des peuples qu’il gardera toute sa vie : « Il s’agit de savoir s’ils vont se fâcher, ou accepter. Cela dépend d’eux ».

Il rappellera d’ailleurs plus tard que si nous avons bien fait vivre du colonialisme aux Autochtones, l’essentiel des crimes a été commis par le gouvernement canadien qui en perpétrés des similaires contre nous :

« Ce n’est pas moi ni le peuple québécois qui avons voté ces lois génocidaires, c’est le parlement Canadian. Ce n’est pas moi ni le peuple québécois qui avons décidé des politiques d’extermination, mais les politiciens Canadian. Moi, leurs excuses, ils peuvent se les mettre où je pense. Moi, je me sens solidaire. Et surtout, je comprends. Je comprends très bien parce que ces hypocrites nous ont fait le même coup à nous, Québécois. Nous aussi, on nous a mis dans une réserve, une grosse réserve avec des pouvoirs municipaux, la Province of Quebec. Nous aussi, on a tenté de nous angliciser : Murray, Dorchester, Gosford, Durham, Colborne, ça vous rappelle quelque chose »?

Sa solidarité pour les peuples qui souffrent le menait naturellement à les respecter.

L’album rappelle aussi qu’il était attentif à la nature, qui lui permettait de se ressourcer et de s’éloigner de ces « trous de cul décadents » qui peuplent aussi malheureusement le monde. En primitif qu’il était, comme il le rappelait souvent, il aimait la chasse dont il assumait le geste « en même temps terrible et fascinant », en toute liberté et en toute responsabilité comme il le faisait pour tout le reste.

Mais la nature ne jouait pas qu’un rôle de répit dans sa vie médiatisée. Pour lui, la nature et la liberté étaient indissociables : « Le paradis, je te dis. Le paradis. Peut-être que c’est là que j’ai découvert la nature. Un endroit avec des arbres et sans aucun enculé d’être humain portant un costume et une cravate. Je pense que pour moi, ça a été la découverte de la liberté ».

Et comme toute personne vraiment éprise de la nature, il comprenait qu’il y a une distinction de ton plus qu’une distinction d’essence entre l’humain et les animaux : « Parfois je suis heureux lorsque je regarde les oies toutes ensemble formant un grand V et volant vers le sud. Mais je crois que c’est plus beau encore lorsqu’un peuple lève la tête, se redresse après 200 ans de peur, de misère, d’exploitation ».

Lorsque le livre aborde la vie privée, passage obligé pour un homme pour qui vie privée et vie publique ne faisaient qu’un, il sait s’arrêter à la juste limite du voyeurisme. Et il ne cherche pas à gommer les côtés plus complexes de Falardeau comme la haine qui l’habitait – et qu’il revendiquait comme le rappellent plusieurs passages. Le livre traite de son enfance, de sa découverte de Parti pris vers 15 ans, jusqu’à son affection pour sa famille élargie. Les photos de jeunesse me rappellent les tantes et les oncles que j’ai connus, même si j’ai 35 ans de moins que lui.

Où est passé ce monde canadien-français, fier de sa culture, même si elle n’est pas la plus riche; fier de son histoire, même si elle n’est pas faite de victoires; fier de se savoir en vie, toujours là, malgré tout, malgré que l’Histoire l’ait condamné tant de fois? La bonté et la joie de vivre de ses familles nous font paraître pour des individualistes blasés, toujours trop pressés, trop productifs, trop préoccupés à savoir si l'on blesse une susceptibilité, trop à la course dans nos dri-fit et nos merinos qui nous tiennent en santé, trop occupés à être occupés. Serions-nous devenus un peuple de « bourgeois petits », comme il le disait, insensibles à notre histoire, irredevables de ses ancêtres qui ont tenu le fort et nous ont permis de maintenir notre peuple en vie, incapables de nous reconnaître dans notre histoire de pauvreté qui avait aussi ses richesses ?

 

Instaurer la révolte dans la tragédie de la vie réprimée

Falardeau, s’il pouvait être intransigeant et agacé par son peuple trop endormi, l’aimait profondément. Et en tant qu’être hypersensible, il passait d’un extrême à l’autre, de la haine à l’amour, de la rage à la compassion, ce qui faisait de lui un artiste de grand niveau.

On a dit souvent qu’il était un provocateur, une grande gueule, ce qui était certainement une partie de sa personnalité publique. Mais elle n’était pas tout l’homme. Alexis Martin parle de Falardeau « l’écouteux », qui cherche l’humanité partout : « Ce souci d’exactitude, de vraisemblance; ce souci de faire advenir un témoignage qui sera le plus honnête possible. C’est peut-être le nom d’une autre forme de résistance, moins vocale, moins tonitruante, mais tout aussi agissante : rendre le témoignage possible, faire arriver la parole de ceux qui ont vécu les événements, faire entendre des voix, ces voix chères qui se sont tues ».

Il est vrai que son œuvre vise à donner une voix à ceux qui n’en ont plus, à faire advenir une résistance agissante dans le cœur de quiconque la regarde. C’est pourquoi l’histoire prenait une si grande place dans son œuvre et sa réflexion. Revoir l’histoire c’est le devoir des petits peuples, comme il le rappelait : « Parce que partout et toujours, ce sont les vainqueurs qui ont écrit l’histoire. Ce sont les maitres qui emprisonnent la mémoire des peuples dans leurs livres, leurs films, leurs statues. Alors, il faut renverser leurs monuments pour découvrir la pourriture cachée sous le bronze ou les feuilles d’or, pour renifler la puanteur de leurs gamiques, de leurs saloperies, de leurs tours de passe-passe comptables, pour voir les charognes rongées par les vers ». Revient à Falardeau le grand mérite d’avoir libéré une partie de notre mémoire.

Mais si le point de départ de son action et de son œuvre était ces charognes, l’aboutissement était toujours la vie enchaînée qui cherche à se libérer, la vie d’êtres humains qui cherchent la dignité et la liberté. « C’est ça qui me passionne : la vie réprimée, mais la vie, en même temps, plus forte que la répression. »

Et c’est ce que ses films historiques montrent : des héros à hauteur d’homme, mais qui n’acceptent pas leur sort, qui ne sont pas résignés. Si 15 février 1839 et Octobre sont si réussis, c’est qu’ils sont de vraies tragédies, au sens plein du terme. Le spectateur sait dès le commencement ce qu’il adviendra de ces êtres libres, mais enfermés. Mais ils vivent quand même, dignes, ce qu’ils doivent vivre. Ils deviennent les hommes qu’ils ont voulu être. Ils sont exactement où ils doivent être. À l’instar de Camus, qu’il citait souvent, Falardeau instaure la révolte dans la tragédie. Il insère la révolte québécoise dans la tragédie canadienne.

L’album permet d’ailleurs de redécouvrir la puissance des images de ses films. La superposition d’images et de textes rend plus fort les propos de Falardeau et montre l’unité de son œuvre et de sa vie, de sa vie publique et privée, de la cohérence de son discours sur quatre décennies. Et comme le livre suit son parcours public et privé, les citations qui y sont insérées sont éclairées d’un angle nouveau. Par exemple, une image d’Elvis Gratton XXX montrant Julien Poulin en nazi qui terrorise un journaliste pour qu’il dicte la parole officielle est accompagnée de cette citation : « Il n’y a pourtant aucune règle écrite, aucune liste, aucun complot. Il y a simplement le réel. Le réel de ce système pétainiste qui dure depuis maintenant 236 ans et où chacun apprend à se comporter correctement. »

 

La liberté, la solidarité et la responsabilité

Falardeau s’attaquait aux individus, mais c’était toujours pour ce qu’ils représentaient comme symbole. « Il ne s’agit pas de s’acharner sur les individus. Ici, les individus ne m’intéressent pas. Il s’agit de comprendre un système. » Il affirmera ailleurs, au sujet de Ryan qu’il avait traité de pourriture au lendemain de sa mort : « Mais même mort les câlisses, quand son fils fait l’éloge funèbre, il cite papa Ryan avec son fédéralisme. Ils font encore de la politique avec leurs morts puis nous il faudrait s’arrêter ? » Attentif au symbole, en bon anthropologue, il savait que rien n’est laissé au hasard dans une lutte politique, pas même la mort. C’est pourquoi il vilipendait les intellectuels frileux.

Il disait déjà, au début des années 1970, à un journaliste qui lui reprochait sa prise de position enthousiaste sur la cause autochtone qu’il documentait à titre d’étudiant : « Or, qui paie les savants? Ce sont de grandes fondations américaines, donc les compagnies. L’homme n’est pas un objet … » L’humain est subjectivé, et Falardeau l’assumait. Mais il demandait aussi à tous de mener une vie conséquente, engagée et pleine, sous peine de subir ses foudres. La cohérence et la responsabilité avant tout étaient des guides de sa vie.

Falardeau ne faisait pas de distinction entre sa vie et son œuvre et il cherchait dans sa vie à exemplifier ce qu’il dénonçait dans ses textes. La censure d’un peuple colonisé, il l’a fait apparaître dans les médias en rendant publics les nombreux refus de ses films, pas toujours pour des raisons artistiques. Dans un texte où il racontait qu’il allait présenter 15 février 1839 à Téléfilm Canada, il dira même qu’il a pris « cet ascenseur pour l’échafaud » afin d’aller voir ces messieurs, comme s’il était De Lorimier, comme si le Québec revivait toujours la même histoire. Il vivait ce qu’il écrivait et il écrivait ce qu’il vivait. Il n’y avait pas de distance entre son art et lui. Il mettait aussi en action sa pensée en participant à des manifestations et en démontrant une solidarité réelle.

C’est une vision exigeante de la vie qu’il mettait de l’avant, un besoin d’être entier et actif. « Chacun est responsable. Personnellement. Responsable de tous. Responsable de tout. Quelles que soient sa langue, son origine ethnique et la couleur de sa peau. Il y a un prix pour la victoire. Il y a un prix pour la défaite. Le moment venu, chacun devra rendre des comptes », écrivait-il à son fils Jérémie dans une lettre publique célèbre.

Le combat, au cœur de sa vie et de sa vision de la vie, devait être mené par tous les moyens. Lorsqu’il montait tranquillement les images qui deviendront Le temps des bouffons, il écrivit : « Continuer à intervenir à la mesure de mon impuissance. » L’impuissance, dans laquelle on se complait aujourd’hui, n’est pas une raison de ne rien faire. Au contraire - et en cela il était très camusien - il faut agir précisément parce que nous sommes impuissants.

Et lorsque venait le temps de parler de tous les torts subis dans notre histoire, il les vivait personnellement, dans sa chair : « Personnellement, je ne pardonnerai jamais aux bourreaux de notre peuple. Je plaide coupable. Je suis rempli de haine. Une haine dévorante, incommensurable. […] Et il y a aussi l’amour. L’amour ardent de mon peuple, le peuple québécois. L’amour de tous les peuples qui souffrent. L’amour des combattants, des résistants, de tous ceux qui refusent de s’agenouiller ».

Falardeau aimait autant les combattants de tous les pays dominés que les combattants du Québec. Déjà dans Pea Soup, il affirmait avec Poulin : « Nous voulons continuer à cerner la réalité de l’homme d’ici et d’ailleurs. Mais la liberté de création, c’est aussi la liberté de crever de faim. » La lutte devait être, même au prix de la pauvreté.

Son nationalisme était donc internationaliste, à mille lieues de la vision conservatrice d’aujourd’hui :

« La diversité culturelle de l’humanité est une richesse à protéger. Il faut résister au nivellement culturel que nous propose l’impérialisme, que cette entreprise d’homogénéisation de l’humanité se fasse par la gauche ou par la droite…. Il faut distinguer entre le nationalisme des grandes puissances et le nationalisme défensif des petits peuples. Nous sommes un petit peuple et nous ne sommes pas impérialistes. Vouloir posséder la terre que l’on travaille depuis 400 ans, ce n’est pas réactionnaire ».

Son œuvre, il l’espérait universelle, tout comme il voulait que le Québec participe à la célébration de l’humanité. « Plus humblement, il s’agit d’apporter notre pierre à la construction du monde : une simple pierre blanche dans le désert de l’oubli, pour rappeler le crime, pour entretenir la flamme de la mémoire. »

 

La société de consommation et la lutte populaire

Tout cela est vrai et fait déjà de Falardeau un être debout et passionnant. Mais il faut comprendre qu’il n’était pas qu’un décolonisateur. Il était un humaniste pour qui de vieilles valeurs, comme il le disait, comme la liberté, la dignité et la beauté avaient une valeur en soi. C’est pourquoi il était tout autant critique du capitalisme et de l’impérialisme qu’il l’était du colonialisme canadien et de toutes les formes de dominations nationales.

C’est à cette enseigne qu’il faut voir ses Gratton, tout autant qu’il affirmait que la série était en fait une version populaire du combat mené par les Pierre Perrault, Gaston Miron et compagnie. Pour lui, entre sa trilogie de la liberté et de l’enfermement et celle de Gratton, il n’y avait qu’une nuance de ton, pas de propos.

Mais les Gratton se voulaient aussi universels en ce sens qu’ils s’attaquaient à des mots planétaires. Il dira d’ailleurs que la perversion du langage est l’une des armes fondamentales du pouvoir : « La langue de bois du capitalisme à visage humain est une chape de plomb. » À la vulgarité du capitalisme, il opposait la vulgarité du langage et de l’action de Gratton.

Dans un monde qui « transforme l’art en marchandise », il rappelait qu’il faut toujours riposter : « Miracle à Memphis est un documentaire sur l’absurde et la manipulation. Une ode à la culture industrielle. Un poème à la culture préfabriquée, prédigérée et prémarketée. » En ce sens, il n’y avait pas de différence entre le documentaire et la fiction pour Falardeau. Les deux servaient à documenter l’inacceptable et à dénoncer les puissants. C’est pourquoi les Gratton sont très près des films et des réflexions de Pasolini pour qui il avait un grand respect : « Le vrai totalitarisme, il est dans la société bureaucratique de consommation dirigée, il est dans la pensée unique des médias. » Et cette société, il le voyait bien, ses contemporains la souhaitaient, l’épousaient, à son grand désarroi.

Falardeau vivait donc un paradoxe difficile : son peuple aimait ses Gratton sans trop comprendre ce qu’il essayait de leur dire à travers ce personnage comique. En dénonçant la bêtise colonisée et la société de consommation, il la prolongeait en quelque sorte. Plutôt que de provoquer l’aversion, Gratton suscitait l'adhésion. Falardeau aimait son peuple, mais je crois qu’il s’en sentait parfois un peu loin, qu’il se sentait un peu isolé, un peu dépourvu devant ce détournement. Gratton lui a complètement échappé et est devenu une série culte. Ultime difficulté pour un décolonisateur critique du capitalisme : se faire récupérer non pas par son ennemi, mais par ses amis.

Falardeau était toujours entre deux chaises, entre son statut d’artiste et d’intellectuel, et son amour du peuple, du vulgaire comme il le disait. Jules rappelle que s’il avait de grandes influences artistiques, il était aussi influencé par les gens qu’il rencontrait sur la rue, en bon anthropologue. Plusieurs de « ses » titres, rappelle son fils, sont en fait repris de conversations avec des inconnus. C’est que, pour lui, une bonne idée appartient à tout le monde. Ce qui compte, ce n’est pas Falardeau, mais la lutte pour le Québec. Il dira d’ailleurs toute sa vie qu’il ne fait que voler les idées des autres et qu’il espère que l’on en fera autant avec les siennes.

C’est pourquoi il avait la volonté d’aller vers son peuple, de dire simplement ce qu’il comprenait de son regard d’intellectuel à ceux qui n’avaient pas le temps ou l’intérêt pour lire des ouvrages réflexifs, se rappelant qu’ils ne sont pas moins importants que les autres, qu’ils ne sont pas moins intelligents que les autres. C’est ce qui explique aussi ses sorties publiques, son ton et son propos : interpeller et ameuter ceux qui sont trop souvent délaissés par les cercles intellectuels et la « colonie » artistique qui porte si bien son nom.

 

Continuons le combat à force de courage

L’Album Falardeau m’a permis de me rappeler tout cela, et de tellement plus. Mais il est encore plus intéressant parce qu’il nous redonne aussi du courage, comme Falardeau le faisait lui-même, tel un phare qui tient contre vent et marée. Et le livre nous donne maintenant l’occasion de poursuivre son travail pour notre pays.

Son fils écrit d’ailleurs, dans une langue qui montre que la pomme n’est pas tombée loin du pommier : « En boxe comme en montagne, comme dans le maquis ou simplement à travers les hauts et les bas d’une lutte de libération nationale, on se bat jusqu’au bout, avec courage, mais aussi avec intelligence. On garde en tête qu’on peut perdre parfois, et qu’on peut se replier pour refaire ses forces, mais que l’important, c’est de ne jamais abandonner définitivement. Ça, Pierre me l’a enseigné ».

Au-delà de la lucidité de ses propos, du courage de ses actes, de la valeur de son œuvre, de la combativité de sa prose, tous irremplaçables, ce qui nous manque, c’est son humanité. « En Falardeau, c’est l’homme qui est grand », disait Foglia. Et c’est cette grandeur qui était son plus beau message. Falardeau était le message. Il a montré la voie à suivre. Difficile, éreintante. Mais juste, nécessaire. « Nous aurons toute la mort pour dormir », disait-il.

Il faut se rappeler que l’indépendance, nous la devons davantage à des êtres humains qu’à de grands débats intellectuels entre une indépendance à droite, à gauche, au centre, à un nationalisme inclusif, à une lutte constitutionnelle, ou je ne sais quoi encore. L’indépendance, Falardeau le rappelait constamment, est une valeur en soi, une valeur de liberté pour tous : « Ma mère est devenue maitresse d’école à 45 ans, après avoir élevé quatre enfants. Elle m’aura appris, à sa façon, le désir. Le désir comme dans El Sur de Solanas. Le désir de liberté. Le désir comme preuve du vivant. Le désir de durer contre la génération des morts qui impose son pouvoir. Quand le désir s’émousse, c’est la défaite, la mort. La victoire est dans le désir. Durer. Toffer. Nous en sommes là. Le rêve est la préface de l’action. »

 

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