La destruction du Technoparc Montréal est un non-sens

2022/01/28 | Par Monique Pauzé

L’autrice est députée du Bloc Québécois
 

Près de l’aéroport à Dorval, le deuxième poumon vert de Montréal, qui appartient en partie au gouvernement fédéral, vient d’être sauvé d’une destruction presque certaine – du moins pour l’instant – grâce à l’intervention de plusieurs citoyennes et citoyens qui se sont mobilisés pour préserver marais, étangs, champs et forêts, des milieux riches en biodiversité.

Connu sous le nom de TechnoparcOiseaux, ce regroupement d’amoureux de la nature a su attirer l’attention des médias et de politiciens sensibles à leur cause, comme ceux et celles du Bloc Québécois, et il a prouvé encore une fois qu’une mobilisation citoyenne efficace peut faire bouger des montagnes.

Couvrant 215 hectares, le milieu naturel dont il est question est aussi grand que le parc du Mont-Royal et il est sans doute le dernier grand espace vert de l’île de Montréal. Sa destruction serait un non-sens.  Sur ce terrain, 150 hectares appartiennent à Transports Canada et comportent un écosystème essentiel de zones humides, aussi connu sous le nom de Champ des monarques. En tant que propriétaire de cette vaste superficie, le gouvernement fédéral l’a louée à Aéroport de Montréal (ADM), qui souhaite y faire du développement industriel.

C’est donc à cet endroit que Médicom, une compagnie qui fabrique des filtres pour masques chirurgicaux, désirait s’installer avec la bénédiction d’ADM. Finalement, devant le tollé provoqué par la destruction programmé de ce champ, la compagnie a été amené à y renoncer, ce que les groupes écologiques saluent en félicitant l’entreprise d’avoir eu cette sensibilité écologique.

C’est un grand pas pour la protection de ce grand terrain.  Il y a lieu de se réjouir de la décision de l’entreprise. Par contre, mon inquiétude demeure au sujet de ce terrain. Qui sera le prochain entrepreneur à vouloir y construire quelque chose ? Médicom se désiste, mais le terrain est-il vraiment protégé ?
 

La complaisance de Transports Canada

Le moment est donc tout indiqué pour le protéger définitivement avant qu’un d’autres projets de développement ne se mettent en branle. Les membres de TechnoparcOiseaux se penchent déjà sur les prochaines actions à entreprendre, car ils savent qu’ils ne sont pas au bout de leur peine. Il faut dire que tout au long de ce litige, Transports Canada a été particulièrement complaisant envers son locataire ADM en refusant de se mêler du dossier.

Pourtant, en vertu du bail à long terme qu’ils ont signé, Transports Canada demeure propriétaire du terrain. Imaginez-vous propriétaire d’un immeuble avec terrain, en laissant le locataire détruire votre beau terrain ? Cela n’a aucun sens ! D’autant plus que le champ des monarques abrite, en plus d’une grande variété d'oiseaux, le papillon monarque, une espèce considérée en péril par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).

Nous sommes tous au fait qu’avec les changements climatiques, les grands centres urbains feront face à des canicules sans précédent. Il est donc de notre devoir de citoyennes et de citoyens de mettre tout en œuvre pour atténuer les impacts du réchauffement planétaire.  Protéger les espaces verts, les boisés, les milieux humides, leur faune et leur flore est essentiel dans la lutte aux changements climatiques.  Malheureusement, certains politiciens semblent oublier que c’est aussi leur devoir.
 

La mobilisation citoyenne doit continuer

Dans ce dossier, il en aura fallu des actions, des recherches, des consultations, des écrits pour prouver que les visées de développement d’ADM étaient fondées sur des données incomplètes. D’ailleurs, c’est finalement l’entreprise qui a eu le bon sens de se retirer. Le gouvernement fédéral et ADM n’y sont pour rien.

Être capable de se mobiliser sur des enjeux précis, bien ciblés est la façon la plus efficace de faire des gains.  Du même coup, en fédérant plusieurs personnes d’horizons différents, on fait de l’éducation sociale et politique, car l’action permet d’en apprendre davantage tout en cheminant vers nos objectifs. C’est ce que la Coalition verte dans laquelle plus de 60 groupes citoyens à travers la grande région métropolitaine de Montréal a réalisé. TechnoparcOiseaux, fort de plus de 4000 membres, a dû se démener afin de préserver cet espace vert. Indignés face au peu de professionnalisme d’ADM, indigné de ce qui se passait sur ces terres riches en biodiversité, ils se sont mobilisés pour la conservation de ce site.

Un mémoire a été déposé en août dernier pour contredire les explications boiteuses d’ADM. Il était illustré et développait un argumentaire appuyé sur des observations, des recherches approfondies, avec de nombreuses références.  Je veux saluer le travail colossal des membres de TechnoparcOiseaux. Ils ont travaillé avec des gens d’horizons différents, des doctorants, des retraités, des gens en architecture, des biologistes, etc.
 

S’indigner

L’Indignation conduit à deux chemins : celui du découragement ou celui de l’action.  Le premier chemin ne nous permettra jamais d’atteindre notre objectif, c’est certain.  Le deuxième nous amène à canaliser nos énergies et nous donne l’assurance de gagner quelque chose, aussi petit que ce soit.

Le succès d’une telle mobilisation, et des autres à venir, consiste à identifier la bonne cible, interpeller les bonnes personnes pour que chaque étape puisse mener à de grandes victoires. Plus il y a de gens autour d’une idée, plus d’idées fusionnent, cela crée un bouquet de talents capables de faire changer les choses. Il faut de bons communicateurs certes, mais aussi des experts, des gens d’expérience comme des gens désireux d’apprendre, d’essayer, tout en reconnaissant la possibilité d’échecs. Il faut alors se relever, apprendre de nos erreurs et recommencer.  Il ne faut jamais perdre de vue notre possibilité d’améliorer notre environnement.

D’autres mobilisations ont amené des victoires : je pense à la mobilisation autour de la rainette faux-grillon à Longueuil, qui a donné une avancée importante pour la protection des espèces menacées.  On peut aussi citer la sauvegarde du boisé des Hirondelles à Saint-Bruno-de-Montarville qui a fait l’objet d’une véritable saga pendant plus de 30 ans.  Dans ce cas aussi, citoyens, scientifiques, groupes environnementaux, journalistes et élus locaux se sont relayés pour demander un statut de conservation pour cet écosystème exceptionnel, statut qu’ils ont obtenu en 2020.

Les villes sont au cœur de la lutte aux changements climatiques.  Les élus municipaux sont bien placés pour comprendre, car c’est eux qui doivent, par exemple, s’assurer que leurs citoyens aient de l’eau potable, malgré les périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes.

Avec les récentes élections municipales, il semble que plusieurs nouvelles personnes élues sont prêtes à aborder tous les aspects de la lutte contre les changements climatiques.  Ce sera sans doute à ce niveau-là qu’il faudra intensifier les mobilisations, car les villes peuvent livrer la marchandise, plus rapidement et plus efficacement que les grands États.

D’ailleurs, un dossier à surveiller en ce moment est celui de la préservation du parc récréoforestier de Saint-Mathieu-du-Parc où le gouvernement de François Legault a décidé d’autoriser une entreprise privée à faire des coupes forestières.  Il sera intéressant de voir si le gouvernement caquiste écoutera les doléances des citoyennes et citoyens de la municipalité de Saint-Mathieu-du-Parc et de la Ville de Shawinigan qui souhaitent tous conserver cet espace vert.

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