Liberté, un concept bien galvaudé

2022/02/02 | Par Gaston Michaud

L’auteur habite Racine
 

Il y a eu presque 6,000,000 de morts de la Covid dans le monde.  Ceux qui sont recensés.  Aux États-Unis, 900,000.  Au Canada, 33,000.  Au Québec, 13,000.  Ça fait quand même pas mal de monde sous terre.  Pas mal de monde qui ont pleuré aussi.

La plupart des pays du monde ont réagi en prenant les actions qu’ils pensaient les meilleures pour restreindre la mortalité et les maladies dues au virus.  Confinement, masques et autres restrictions.  Certains pays ont été débordés, l’Italie par exemple.  Pendant la première vague, on a dû choisir entre ceux qu’on soignerait et ceux qu’on laisserait mourir.  Le Québec a eu, récemment, une certaine crainte d’en arriver là.  Rapidement, les laboratoires ont développé des vaccins pour ralentir la propagation.  Si nous n’avions pas eu ces vaccins, très probablement que les cas se seraient multipliés de façon vertigineuse.  Surtout avec la contagiosité du variant Omicron. 

Je n’aurais pas voulu être un chef d’État depuis le début de la pandémie.  La gravité de la situation était difficile à soupeser, la contagion pratiquement impossible à prévoir et les humeurs de la population très variables.  La peur de la contagion et la volonté de faire plaisir à la population se sont avérés en équilibre précaire.  En fonction d’une pandémie éventuelle, il n’y avait pas de réserves d’hôpitaux, pas de réserves de travailleurs en santé,  pas de médicaments en surplus et pas d’échangeurs d’air pour la contagion en aérosol.  Les dirigeants ont fait ce qu’ils ont pu et leur marge d’erreur était grande.

Heureusement, une très forte proportion de la population, au Canada et au Québec, a suivi les consignes. Trop nombreuses et sévères aux yeux de certains. 90% de la population a été vaccinée.  Les masques étaient portés par tous et partout où ils étaient exigés.  10% résistent, pour diverses raisons.  J’ai de la misère à les comprendre car ils doivent bien savoir qu’ils occupent 50% des lits pour les soins intensifs, qu’ils sont un foyer important d’éclosion, que le nombre de morts continue d’être significatif et surtout qu’un grand nombre de malades doivent attendre pour se faire soigner.  Les lits et les médecins sont occupés par les malades de la covid.  Avec le stress et l’inquiétude qui découlent chez les malades qui attendent.

J’ai entendu beaucoup de monde se plaindre des restrictions dues à la pandémie, des propriétaires de bars, de restaurants, de quincailleries, etc.  Je les comprends, leur situation est difficile, parfois même sans issue.  J’espère toujours cependant que quelqu’un parmi eux mettra sa situation en équilibre avec le nombre de morts, de malades à long terme, de milliers de personnes dont les opérations et les soins sont retardés, parfois pour plus d’un an.  J’attends toujours.

Ces jours-ci, des camions lourds, en grande quantité, occupent Ottawa et plusieurs villes canadiennes.  Je les comprends aussi, même si un changement de règlement canadien ne leur permettrait pas plus de traverser aux États-Unis parce que les lois américaines ne le permettent pas non plus. 

Des individus et des groupes se sont joints à leur mouvement.  Les images télévisées en montrent un certain nombre, dans les rues d’Ottawa et sur les viaducs d’autoroute.  On peut croire que c’est un très grand nombre mais la population canadienne compte 38,000,000 de personnes.  Les non vaccinés, 10% de la population, forment donc un groupe disparate de 3,800,000 personnes.  Alors, proportionnellement, les manifestants ne sont pas si nombreux que les images peuvent le laisser croire.  Comment la manifestation se terminera-t-elle, je n’en sais rien!

Le thème principal de cette manifestation : liberté, on veut notre liberté!  Je poserais quelques questions à ces camionneurs défenseurs de notre soi-disant liberté.  Est-ce qu’ils ont respecté les limites de vitesse pendant leur parcours?  Est-ce que leurs lumières de camion étaient toutes fonctionnelles? Est-ce qu’ils ont conduit à l’intérieur des heures permises?  Est-ce que le poids de leur charge respectait la limite permise?  Et nous tous, est-ce que nous pouvons fumer dans les lieux publics, acheter des cigarettes de contrebande?  Est-ce que nous pouvons rouler l’hiver avec des pneus d’été?  Est-ce que nous pouvons nous promener nus dans la rue? 

La liberté n’est donc pas un absolu, n’est donc pas réservée à une minorité.  Elle a des limites, des balises, partout dans le monde et depuis le début de l’histoire.  Notre code civil codifie, à coup de mille pages, les limites de notre liberté.  Parce que nous vivons en société, que notre liberté arrête là où celle des autres commence.

Heureusement, nous avons la chance de vivre en démocratie.  Elle a des limites elle aussi, cette démocratie, mais c’est sans doute une des grandes avancées de l’histoire humaine.  Est-ce que nous devrions opter pour la dictature d’une minorité?  Parce que cette minorité n’a aucun doute sur ses convictions.  L’unanimité des scientifiques, l’unanimité des pouvoirs politiques, la très grande majorité des populations ne font pas le poids face à ces convictions.

Je suis à peu près certain qu’ils ne me liront pas!

Gaston Michaud. 
Racine, 30 janvier 2022

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