Le recyclage : est-ce que nous serions vraiment des criminels?

2022/02/18 | Par Gaston Michaud

Pour le comité OPÉRATION VERRE-VERT

Nous nous posons la question et nous vous la posons aussi parce qu’un inspecteur en exportation des matières recyclables dans un port de Hollande a bien déclaré : « Quelqu’un qui vend ce papier comme du papier normal, c’est un crime ». Le conteneur de papier soi-disant recyclé provenait de Montréal. Et l’inspecteur a retourné ce conteneur à son point de départ.

La quantité de papier déposé dans les bacs de recyclage au Québec tourne autour du million de tonnes. 10 % de ce papier est réutilisé ici et les papetières qui utilisent du papier recyclé doivent en importer d’ailleurs. Cascades a affirmé qu’elle pourrait utiliser tout le papier du Québec, s’il était bien recyclé.

Tout le reste du papier qui passe par les centres de tri est exporté vers l’étranger. Jusqu’en 2018, l’exportation était dirigée vers la Chine. Mais cette année-là, l’Agence France-Presse titrait : « La Chine ferme sa poubelle, panique dans les pays riches ». Il y avait à ce moment une belle opportunité de renouveler les méthodes de recyclage. Mais nos responsables ont cherché et trouvé d’autres poubelles : l’Inde et l’Indonésie.

Dans l’émission Enquête du jeudi 3 février, Radio-Canada nous montre les impacts catastrophiques de notre papier soi-disant recyclé sur les populations où ce soi-disant papier aboutit. Des femmes qui fouillent pour faire le tri du papier acceptable pour les industries locales. Des femmes au salaire de famine qui isolent le plastique pour qu’il soit brulé un peu partout. Avec le smog de plastique qui envahira de grandes régions et qui rendra les gens malades. Car le papier recyclé contient une grande quantité de plastique. Pour que le papier recyclé soit acceptable, il ne doit pas contenir plus de 2 % de matières étrangères alors que la proportion de ces matières dans les ballots tourne autour de 25 %.

En plus, il faut payer pour expédier le papier recyclé. Aux dernières nouvelles, autour de 19 $ la tonne. Alors que le papier propre peut valoir plus de 174 $ la tonne. Mais nos méthodes de cueillette et de recyclage sont si inefficaces qu’il vaut mieux payer pour s’en débarrasser que de l’accumuler ici. Mais combien de temps l’Inde et l’Indonésie accepteront-elles de nous servir encore de poubelle ?

Devant le cul-de-sac dans lequel nous sommes et celui encore pire vers lequel nous nous dirigeons, il nous faut absolument changer d’approche. Question simple : pourquoi faut-il tout mêler dans le bac de recyclage pour être obligé, à grands frais et avec un succès très aléatoire, de démêler ensuite ?

L’expérience de la cueillette du verre par conteneurs peut nous fournir une piste intéressante. Jusqu’il y a quelques années, tout le verre (excepté les bouteilles de bière) servait de recouvrement dans les sites d’enfouissement. Il retournait donc au dépotoir. Maintenant, dans 15 MRC et 155 municipalités, on a installé des conteneurs dans lesquels les citoyens peuvent déposer leur verre. Les citoyens embarquent dans le projet, les conteneurs s’emplissent à une vitesse surprenante et les industriels du verre, au Québec, peuvent avoir accès à du verre propre, sans avoir à le trier, sans avoir à l’importer, comme cela se faisait auparavant. Le verre commence à devenir un gisement accessible ici, comme l’eau, le bois, etc. Avec un impact écologique important, avec un impact économique important.

Et puis, constat lié à l’expérience : si les consignes sont claires, si les citoyens sont assurés qu’ils ne travaillent pas pour rien, s’ils développent la fierté d’un travail bien fait, s’ils sont assurés qu’ils vont en profiter au niveau économique et écologique, s’ils sont assurés de ne plus avoir honte de ce qui se passe en Inde et en Indonésie, ils vont embarquer. Comme ils le font pour le verre.

Petite question très méchante : À qui profite le gaspillage de nos matières recyclables?