Dans Marie-Victorin, un enfant sur trois vit sous le seuil de la pauvreté

2022/04/07 | Par Orian Dorais

Cela fait plus d'un an que l'on parle d'une élection partielle dans Marie-Victorin et des implications nationales de ce scrutin. Pour les oppositions, cette campagne représente l'occasion d'envoyer un avertissement au gouvernement quant à sa gestion brouillonne de la crise sanitaire. Pour la CAQ, une percée dans ce château fort péquiste viendrait confirmer la popularité de François Legault auprès de l'électorat en vue de l'élection d'octobre.

C'est dans ce but que la CAQ a multiplié les tactiques électorales douteuses, notamment en refusant, sous des prétextes peu crédibles, de déclencher l'élection avant le budget et en frôlant l'infraction à la loi électorale. Mais le candidat du Parti Québécois, Pierre Nantel, ne se laisse pas intimider par les manoeuvres gouvernementales. Pour lui, bien qu'il soit conscient de l'importance nationale de cette course, les enjeux locaux de la circonscription priment sur tout. Selon Nantel, la fine connaissance des besoins de la Marie-Victorin représente la clé de la victoire. Et c'est là que le CAQ révèle ses lacunes.  
 

O. : D'abord, Pierre, en écoutant les débats, j'ai eu l'impression qu'un enjeu majeur dans Marie-Victorin, plus que dans d'autres comtés, est le logement. La question de l'habitation a même éclipsé les incontournables que sont d'habitude la santé et l'éducation. Pourquoi ?

P.N. : Bien, c'est très simple, dans Marie-Victorin les deux tiers des habitants du comté sont locataires. C'est énorme ! Les citoyens consacrent une part énorme de leur revenu au loyer. Donc, tu peux être certain que la crise du logement, c'est un problème majeur ici. On la vit aussi durement qu'à Montréal. En fait, j'ai passé la moitié de ma vie dans Longueuil et on n'a jamais réussi à endiguer la pénurie de logements. Déjà, en 1998, quand j'ai emménagé ici, j'habitais à côté d'un HLM et la liste d'attente pour y avoir accès était longue. Aujourd'hui, on calcule qu'il manque 1500 logements sociaux dans l'agglomération.

Aussi, l'autre jour, une dame m'a vu me stationner devant chez elle et elle est sortie sur son balcon pour me dire que les propriétaires arrêtent pas de la harceler, elle et ses voisins, qu'ils veulent racheter leurs logements pour construire des condos. La disparition des logements locatifs est endémique dans Marie-Victorin, et ça provoque une hausse de l'ordre de 30% sur le prix des loyers. Je rappelle qu'un enfant sur trois vit dans une famille sous le seuil de la pauvreté dans Longueuil. Comment ces familles-là peuvent-elles survivre, nourrir leurs enfants, devant une hausse de 30% !?! C'est rendu qu’il y a des affiches dans les rues qui disent : « On rachète vos maisons, comptant ». D'abord ça me semble pas très transparent comme manière de racheter, mais surtout c'est la définition même de la spéculation immobilière. Mais pour régler le problème, faudrait que M. Legault commence par le reconnaitre.

Au PQ, on dit que ça peut pas continuer comme ça. Si je suis élu, je m'engage à déposer un projet de loi pour créer un registre des loyers. Ça permettrait de savoir qui loue le logement et, surtout, à quel prix. Donc, s'il y a une hausse délirante du loyer, les locataires et les autorités compétentes vont pouvoir le savoir rapidement, en consultant le registre. Sinon, peut-être dans la même loi, on devrait abolir la clause « F », qui permet à un promoteur d'augmenter les prix à sa guise, durant les cinq premières années suivant la construction d'une nouvelle unité d'habitation.

O. : On sait que les organismes communautaires sont toujours à l'avant-plan de la lutte pour le logement et contre la précarité. Comment décrirais-tu ta relation avec ces organismes ? J'ai entendu dire que toutes les directions d'OSBL de Longueuil ont ton numéro personnel.

P. N. : (Rires) Bien, c'est certain que j'ai toujours eu une bonne relation avec eux, mais j'insiste qu'ils ne font pas de politique partisane. Et, oui, ce sont eux les plus qualifiés pour répondre aux problèmes sociaux. Je prends l'exemple d’Habitation Communautaire Longueuil (HCL), qui gère les logements des Terrasses Mousseau et des Habitations Paul-Pratt. Les gens de cet organisme auraient les solutions nécessaires pour endiguer la crise du logement. Je les ai visités, il n’y a pas longtemps, avec Véronique Hivon et elle était impressionnée par leur expertise.

Bien, justement, HCL a soumis deux projets d'immeubles à logements sociaux – Repas du Passant et 1023 Taschereau – au ministère de l'Habitation, mais ces projets-là ont été mis sur la glace pour on sait pas combien de temps par la ministre Laforest. Faut toujours tordre le bras aux ministres caquistes pour financer les organismes communautaires et le logement. Mais, si je suis élu, je compte maintenir la pression sur eux et être un allié des groupes communautaires, les aider le plus possible à développer des projets structurants. En ça, je vais marcher dans les traces des anciens députés péquistes de Marie-Victorin, comme Pierre Marois, Cécile Vermette et Catherine Fournier, qui reste proche du monde communautaire depuis qu'elle est mairesse.

O. : À part le logement, un sujet qui est revenu fréquemment durant la campagne, n'en déplaise à Anne Casabonne, est l'environnement. Comment cela affecte Longueuil en particulier ?

P. N. : Moi, j'ai souvent fait du nettoyage des berges du Saint-Laurent et je peux te dire qu'à chaque fois qu'il y a une grosse pluie, les égouts débordent et finissent dans le fleuve. C'est dégueulasse ! Longueuil est une des villes les moins favorisées en termes de traitement des eaux usées. Je veux bien que ce soit pas « sexy » de parler de projets d'infrastructures pour les eaux usées, mais les Longueuillois méritent un député qui va se lever à l'Assemblée pour réclamer des infrastructures dignes du XXIe siècle. Aussi, moi je crois qu'au Québec on devrait avoir un politique de l'eau, pour imposer des normes de protection des nos cours d'eau, incluant le fleuve. En tant qu'élu, je me pencherais sur la question.

Je mentionne aussi que les citoyens défavorisés de Marie-Victorin ont pas accès à des piscines ou à des chalets dans le Nord, en temps de canicule. Si on pouvait favoriser un accès au fleuve et aux loisirs nautiques pour les habitants de la ville, ce serait merveilleux. Et ce serait bien pour le tissu social. Imagine un ou une jeune immigrant.e dont les parents parlent pas français. Le fleuve peut créer un premier lien identitaire avec le Québec, avec son territoire.

Je tiens aussi à dire que quand je parle d'un accès au fleuve, ça inclut les transports en commun. Mais, bon, c'est certain que le transport, ç'a pas été la grande force du gouvernement Legault... Moi, député, je serais un allié indéfectible de la mairesse Fournier dans ses demandes en transports collectifs, parce que je pense que les gouvernements municipaux sont les plus à même de gérer le transport. Je rappelle que Mme Fournier et moi avons été membres de la Coalition électrique, dont j'étais un membre fondateur, qui visait à faire de Longueuil une capitale des transports électriques.

O. : Dernière question, je sais que tu es issu du monde des arts et des médias. Est-ce que la question culturelle s'est pointée dans l'élection ?

P. N. : En tous cas, j'ai essayé de faire en sorte que oui, parce que ça fait dur en Montérégie. En termes de financement culturel, on est la région la moins favorisée. On reçoit 24$ par habitant en subvention culturelle, alors que la moyenne c'est de 200$ par habitant de subventions pour une région donnée. Le pire, c'est que la ministre de la Culture, Nathalie Roy, vient de Montarville ! Je veux pas lui prêter des mauvaises intentions, mais pour moi cette ministre-là n'a pas l'oreille du premier ministre. Et c'est très dommage pour la région.

Sinon, y a beaucoup de gens qui sont impressionnées par Pablo Rodriguez, avec ses projets de loi C-11 et C-18, qui doivent faire en sorte que les géants du Web financent l'industrie culturelle canadienne et les médias papiers. Faut pas se laisser berner, ces lois sont assez minimales et le fédéral n'ose même pas créer de « taxe Netflix ».

Je dis qu'il faut des lois québécoises pour encadrer les géants numériques, des lois qui prennent en compte la fragilité culturelle du Québec et, donc, qui auraient beaucoup plus de mordant. J'ai été député fédéral pendant huit ans et mon principal cheval de bataille a été la protection de notre culture. Je me suis toujours heurté à des portes closes, donc je suis bien placé pour savoir qu'Ottawa est pas intéressé à préserver l'unicité québécoise. Pour Rodriguez et son gouvernement, l'encadrement de Netflix et compagnie, c'est une question fiscale, mais au Québec c'est une question de survie, donc il faut que cette question-là se règle à Québec, le seul endroit où on a du pouvoir. On charge déjà la TVQ à Netflix, c'est un bon début.

 Aussi, j'insiste que le Québec devrait avoir l'intégralité de ses pouvoirs en immigration et qu'il nous faudrait une cérémonie d'accueil québécoise pour les nouveaux citoyens. Si la CAQ est « nationaliste », comme elle aime bien le prétendre, elle devrait être intéressée par ces idées. En tous cas, moi, si je suis revenu en politique, c'est pour contrer notre perte de contrôle en immigration et en culture.