Participation syndicale à l’OCDE

2022/06/15 | Par Luc Allaire

Des ministres des Finances, de l’Économie, des Affaires étrangères et du Commerce des pays membres et partenaires de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ainsi que des représentants des organisations syndicales et du patronat ont convergé dans les bureaux de l’OCDE du 7 au 10 juin à Paris pour la réunion ministérielle annuelle qui se tenait en présence après deux ans de réunions virtuelles. Je faisais partie de la délégation syndicale.

L’OCDE comprend en effet deux commissions consultatives, l’une pour les syndicats (la Commission syndicale consultative mieux connue sous son acronyme anglais, TUAC) et, l’autre, les entreprises (Business at OECD, BIAC).

 

Rappel historique

Le Plan Marshall, qui a joué un rôle crucial dans la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, est à l’origine de l’OCDE. En effet, l’OCDE a été créée en 1961 après la dissolution du Plan Marshall. Pour démontrer à l’URSS et au Bloc de l’Est que les travailleuses et travailleurs étaient mieux traités que dans les pays communistes, le Plan Marshall avait accordé une place importante aux organisations syndicales au sein du FTUAC pour Free Trade-Union Advisory Committee.

Cette tradition s’est perpétuée avec la création du TUAC au sein de l’OCDE. Toutefois, l’OCDE n’est pas une véritable organisation tripartite (gouvernements, syndicat et patronat) comme l’Organisation Internationale du Travail, où les décisions doivent être prises par consensus de ces trois composantes. À l’OCDE, les syndicats et les entreprises sont consultés bien sûr, mais les gouvernements sont tout à fait libres de tenir compte de leurs avis ou pas.

C’est ainsi que le secrétariat général de l’OCDE a admis la Colombie comme pays membre malgré l’avis des syndicats du TUAC qui affirmaient que la Colombie ne se conformait pas aux règles et normes établies par l’OCDE en matière de respect des droits humains et des droits des travailleuses et travailleurs.

Cette année, l’OCDE a adopté les Feuilles de route pour l’adhésion de cinq nouveaux pays, le Brésil, la Bulgarie, la Croatie, le Pérou et la Roumanie. Nous verrons si les avis du TUAC seront entendus.

La réunion ministérielle de juin 2022

Cette année, la délégation syndicale à la réunion ministérielle était composée de trois personnes : la secrétaire générale par intérim, Veronica Nillson, l’économiste de la principale organisation syndicale étasunienne, AFL-CIO, William Spriggs, et le responsable des relations internationales de la CSQ, l’auteur de ces lignes.

Lors de cette réunion annuelle du Conseil de l’OCDE au niveau ministériel, les ministres ont adopté une déclaration commune autour du thème « L’avenir que nous voulons : des politiques meilleures pour la génération à venir et pour une transition durable ».

Cette déclaration comprend le lancement d’un Forum inclusif sur les approches d’atténuation des émissions de carbone. Le communiqué de presse publié par l’OCDE décrit ainsi ce forum : « Cette nouvelle initiative importante a pour but de faciliter un échange d’informations multilatéral fondé sur des données factuelles concernant les différentes stratégies adoptées à travers le monde pour atteindre la neutralité en gaz à effet de serre. À terme, l’amélioration du partage de données et d’informations et la mise en commun des bonnes pratiques en vue de parvenir à la neutralité en gaz à effet de serre contribueront à étayer la prise de décisions plus éclairées partout dans le monde. »

Lors des discussions qui ont précédé l’adoption de cette initiative, le ministre représentant le Brésil a présenté son pays comme un champion des économies vertes. La forêt amazonienne est grande comme le Portugal, l’Espagne, la France, les Pays-Bas et la Belgique réunis, a-t-il dit, faisant du Brésil le pays le plus vert au monde. Toutefois, il n’a pas dit un mot sur la déforestation de l’Amazonie qui est le résultat de la politique du président Jair Bolsonaro. Pas un mot sur le fait qu’en 2021, 13 000 km2 de forêt tropicale ont disparu en un an, un record.

Étrangement ou diplomatie oblige, aucun ministre n’a remis en question l’entreprise de green washing du gouvernement brésilien, qui dit aujourd’hui vouloir agir pour la protection de l’Amazonie, alors que son bilan en matière environnementale parle contre lui.

COVID, guerre et marché du travail

La réunion ministérielle de l’OCDE a aussi été l’occasion d’adopter une résolution sur le fonctionnement du marché du travail, qui fait face à de nombreux défis causés par la crise de la COVID-19 et la guerre d’agression que la Russie mène contre l’Ukraine.

La déclaration adoptée par l’OCDE précise que leur objectif est « de rebâtir dans nos pays un marché du travail inclusif, capable d’offrir à tous des emplois plus durables, gratifiants et de bonne qualité ».

La ministre représentant les États-Unis est intervenue à plusieurs reprises sur l’importance pour les pays de l’OCDE d’implanter des réglementations favorables à la syndicalisation et à la négociation collective. Elle a cité la décision prise par l’administration Biden visant à permettre aux personnes exclues de rejoindre le marché du travail. Elle a aussi salué les efforts faits par le syndicat AFL-CIO qui tente de syndiquer les travailleurs indépendants et ceux des secteurs informels. Elle répondait alors à une attaque de la ministre des Pays-Bas qui disait que les syndicats ne défendaient que les travailleurs âgés et blancs.

Le ministre représentant l’Italie a insisté sur la nécessaire augmentation des salaires pour couvrir l’inflation, notamment par une hausse du salaire minimum. « La crise en Ukraine ne doit pas être une excuse pour ralentir nos efforts sur la question de la lutte aux changements climatiques », a-t-il ajouté.

Enfin, les ministres ont adopté des Recommandations sur l’amélioration des perspectives offertes aux jeunes, les dix principes mondiaux pour lutter contre la délinquance fiscale, l’économie sociale et solidaire et l’innovation sociale, les qualités de l’investissement direct étranger au service du développement durable.

De belles paroles ! Reste à savoir si elles se traduiront par des gestes concrets.