Laïcité : l’angle mort du PLQ

2022/08/26 | Par Marie-Claude Girard

L'autrice est retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne
 

Deux partis politiques ont fait connaître leur position au sujet de la laïcité de l’État avant le déclenchement des élections de cette année au Québec, soit le Parti libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire (QS). Voici une courte analyse de la position du PLQ à cet égard. L'article sur QS paraîtra la semaine prochaine.

Le 11 juin dernier, le PLQ annonçait qu’un gouvernement libéral abolirait, dès son arrivée au pouvoir, l’interdiction des signes religieux pour les enseignantes et enseignants et qu’il ne renouvellerait pas la clause dérogatoire de la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21), laissant ainsi aux autres fonctionnaires en position d’autorité visés par la Loi (dont les policiers et les procureurs) le loisir de la contester. Pour ce parti, « il est fondamental de s’assurer que les actions du gouvernement n’entraîneront pas de restrictions injustifiées des libertés individuelles. Toute limitation de ces libertés, pour être acceptable, doit être justifiée par un bien supérieur, lequel doit être établi de manière concluante. »

Or, ce faisant, le PLQ néglige de tenir compte de l’impact de sa proposition sur la liberté de conscience des citoyens qui sont desservis par les fonctionnaires de l’État en position d’autorité, liberté actuellement protégée par la loi 21. Aucune justification « par un bien supérieur, établi de manière concluante », n’est donnée pour justifier cet abandon, ce recul pour la liberté de conscience des citoyens. Il s’agit d’un angle mort du PLQ en matière de laïcité.
 

Éléments de réflexion

La liberté de conscience est « le droit accordé à une personne d'avoir les valeurs, les principes, les opinions, les religions et les croyances qu'elle veut1. » La liberté de conscience fait partie des libertés individuelles protégées par les Chartes canadienne et québécoise des droits de la personne.

Les citoyens de partout au pays font pression pour faire respecter ce droit. Ce fût notamment le cas des Québécois dans la célèbre cause de la prière au conseil municipal de Saguenay qui avait été amenée devant la Cour suprême, laquelle avait jugé que la récitation de la prière et l’exposition de symboles religieux par un représentant de l’État portait effectivement atteinte à la liberté de conscience et de religion des citoyens et contrevenait ainsi à l’obligation de neutralité de l’État2. Aujourd’hui c’est l’Association des humanistes de Colombie-Britannique qui agit pour que l’ensemble des municipalités canadiennes soient tenues de respecter ce jugement3.

C’est aussi le leitmotiv des parents qui sont venus témoigner à la Cour supérieure lors de la contestation de la loi 21. Ils ont appuyé la laïcité de l’État afin que la liberté de conscience de leurs enfants puisse être respectée. Ils sont d’avis que l’État doit s’abstenir de véhiculer un modèle religieux, par l’entremise d’un ou d’une enseignante qu’il admire, quant à la façon doit il faut se vêtir ou se comporter pour être un ou une bonne catholique, musulmane ou juive. Ils ont aussi expliqué pourquoi le signe religieux porté par l’enseignante de leur enfant, brimait tout autant leur propre liberté de conscience puisqu’ils devaient taire leurs convictions à propos des valeurs sexistes véhiculées par certains signes religieux, pour ne pas nuire à la relation de leur enfant avec son enseignant. La loi 21 est venue corriger cette situation. La loi 21 rappelle, en quelque sorte, le devoir de réserve et de neutralité demandé aux représentantes et représentants de l’État.

Aucun droit n’est absolu, y compris l’expression de sa religion. Le respect de la liberté de conscience de tous les citoyens, ainsi que l’égalité de garantie des droits entre les sexes doivent aussi être respectés. Il est clair, dans ce contexte, que la proposition du PLQ brimerait les droits nouvellement protégés.
 

Réactions possibles

Que fera le Parti libéral lorsque des citoyens réclameront le respect de leur droit à la liberté de conscience, à la suite de l’abolition de la clause de la loi 21 sur le port de signes religieux pour les enseignantes et enseignants ? Quelle sera sa justification ? Que la liberté d’expression des enseignants est plus importante que la liberté de conscience des élèves et de leurs parents ? C’est une question à laquelle il devra répondre avant les élections de l’automne.

De plus, en accordant aux employés de l’État la primauté au droit à l’expression de la religion, le Parti libéral risque de susciter de l’animosité à l’égard des groupes religieux pour les privilèges accordés. Il s’agit d’un impact négatif potentiel important dans un contexte où l’on tente de contenir les propos haineux dans les médias sociaux et de maintenir un consensus social. Une proposition qui offrirait un juste équilibre des droits n'est-elle pas toujours préférable ?