Laïcité : les volte-face de Québec solidaire

2022/08/31 | Par Marie-Claude Girard

L’autrice est retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne
 

Deux partis politiques ont fait connaître leur position au sujet de la laïcité de l’État au Québec avant le déclenchement des élections de cette année au Québec, soit Québec solidaire (QS) et le Parti libéral du Québec (PLQ). Voici une courte analyse de la position de QS à cet égard.

Lors de la campagne électorale de 2018, Québec solidaire (QS) réitéra son appui à l’interdiction du port de signes religieux pour les employés de l’État en position d’autorité, comme le recommandait le rapport Bouchard-Taylor. Néanmoins, au lendemain du dépôt du projet de loi sur la laïcité de l’État (Loi 21), QS reniait cette position et rejetait toute interdiction de signes religieux, exception faite de certaines balises pour ceux qui couvrent le visage. Pour eux, c'est l'État qui est laïc, non les individus1.

Par la suite, QS annonçait que sa plateforme électorale en vue des élections 2022 serait muette au sujet de la laïcité de l’État2. Gabriel Nadeau-Dubois a toutefois précisé qu’advenant que QS prenne le pouvoir, la loi 21 serait amendée afin de « permettre le port de signes religieux pour que tout le monde puisse travailler au Québec, peu importe ses croyances3. » Il convient de noter ici que la loi 21 n’empêche personne d’aller travailler, dans la mesure où le code vestimentaire prescrit est respecté.

Les volte-face de QS en matière de laïcité laissent perplexes, d’autant plus que le parti semble s’éloigner aussi de ses principes fondateurs que sont la lutte contre le patriarcat religieux, la solidarité internationale, le droit des femmes à l’égalité et la défense des droits individuels et collectifs4.
 

Le rejet du patriarcat

QS a toujours reconnu que « les inégalités vécues par les femmes sont le résultat d’un système d’oppression, le patriarcat. Ces inégalités viennent des rôles sociaux et culturels attribués aux femmes qui sont considérés inférieurs par rapport aux rôles des hommes5.»  

Or, l’infériorisation des femmes par le patriarcat religieux est toujours présente au Canada, comme en fait foi l’expérience de la canadienne Yasmine Mohammed, forcée de porter le voile islamique, malgré les lois canadiennes6. Il est donc étonnant de voir aujourd’hui QS se détourner de cet enjeu pour soutenir des pratiques patriarcales religieuses sexistes.
 

Solidarité internationale

Selon ses principes fondateurs, QS soutient « les luttes féministes, ici et ailleurs » et, en tant que parti « altermondialiste » s’engage à « prêter main-forte aux mouvements de solidarité avec les peuples en lutte contre des situations d’oppression » dont les « femmes exploitées et opprimées à travers le monde ».

Or, en défendant le port de signes religieux dans le contexte de la laïcité de l’État, QS se montre sourd aux appels des Afghanes, des Iraniennes, des Saoudiennes et de nombreuses autres, dont nombre de Québécoises, à une plus grande solidarité pour défendre leurs droits. En refusant l’établissement de lieux communs libres de toutes influences religieuses, telles les écoles publiques, QS se désolidarise du combat des femmes dans le monde.
 

Droit des femmes à l’égalité

En interdisant l’affichage de signes religieux par les employés de l’État en position d’autorité, la loi 21 fait en sorte d’éviter que des signes sexistes, contraires à l’égalité entre les femmes et les hommes, ne soient véhiculés par les représentants de l’État en position d’autorité.

Mais, selon QS, la loi 21 « pénalise » davantage les femmes de culture musulmane que les hommes. Or, si la loi peut potentiellement entrainer des répercussions différentes pour chacun des sexes, force est de constater que cet impact est davantage attribuable à la disparité du port de signes religieux entre les sexes, inhérents aux différentes religions, entre homme et femmes. Ce n’est donc pas la loi qui discrimine, mais bien les exigences religieuses sexistes.

Ce n’est évidemment pas le rôle de l’État de réguler les pratiques religieuses sexistes. Mais c’est néanmoins son devoir de veiller à ce que ses institutions soient exemptes de sexisme puisque contraire à l’atteinte de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes. En ce sens, la loi 21 répond aux principes de lutte au patriarcat et d’égalité entre les sexes promus par QS.
 

Droits individuels et collectifs

Françoise David déposait, en 2013, la « Charte de la laïcité de l’État québécois », dont un des principes était « le respect de la liberté de croyance ou d’incroyance et de la liberté de conscience7

Qu’est-il arrivé pour que QS choisisse d’abandonner sa volonté d’associer un régime de laïcité de l’État à la protection de la liberté de conscience des citoyens ? Il s’agit là d’une volte-face majeure mettant à mal ses principes fondateurs à l’égard de la défense des droits individuels et collectifs.

Il serait éminemment souhaitable que QS définisse de façon plus transparente et pérenne sa position à l’égard de la laïcité de l’État. Il s’agit sans conteste d’une étape essentielle pour un parti visant à convaincre les électeurs de le choisir lors de la prochaine élection.

 

1 Crête, Mylène; Québec solidaire abandonne le compromis Bouchard-Taylor; Le Devoir; 31 mars 2019; https://www.ledevoir.com/politique/quebec/551098/conseil-national-quebec-solidaire-vote-sur-la-laicite

6 Yasmine MOHAMMED; Unveiled; Copyrighted Material; 2019.