Son cœur bat toujours. Il respire. Ses membres s’activent. Mais certains, comme Nicolas Marceau, dans son livre Une fois le Québec souverain (vlb éditeur), ont déjà prononcé l’oraison funèbre du Parti Québécois.
Le livre de l’ex-ministre des Finances du gouvernement Marois n’est pas sans intérêt. Loin de là. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Mais, attardons-nous à sa thèse principale. L’auteur propose la création d’un rassemblement de souverainistes ayant pour unique objectif de réaliser la souveraineté populaire. Le nouveau parti – puisque c’est de cela qu’il s’agit – n’associerait aucun projet de société particulier à la souveraineté. Il éviterait de se prononcer sur des sujets litigieux. Il se contenterait de faire la promotion de ce que l’auteur appelle « l’édification nationale », c’est-à-dire des domaines qui seraient, selon lui, consensuels parmi les souverainistes.
Il en énumère une douzaine, dont la langue, les télécommunications, les institutions démocratiques, etc. Mais sa liste comprend aussi les relations avec les nations autochtones, l’environnement, les relations internationales, où le consensus fait manifestement défaut. Marceau est conscient que, sur les sujets non consensuels, il y aura un coût médiatique à ne pas trancher.
Il réalise aussi qu’il ne pourra empêcher, à l’heure des réseaux sociaux, les membres de son rassemblement de se prononcer sur l’actualité en fonction de leurs orientations politiques. Aussi, prévoit-il des espaces décentralisés pour que les différents groupes puissent s’exprimer, mais sans chercher à imposer leurs vues au rassemblement. Bonne chance !
Une attaque contre la gauche
En fait, sous couvert de recherche de consensus, on assiste à une attaque en règle contre la gauche indépendantiste. « Le temps est donc venu, écrit-il, de se questionner sur l’association historique et automatique du mouvement souverainiste avec la gauche ». Il estime que « le mouvement souverainiste doit repenser son positionnement sur l’axe socio-économique ». En clair, il faut arrêter de promettre « plus d’État » et faire plutôt miroiter qu’un Québec indépendant permettrait… des baisses d’impôt ! Exactement ce que nous proposent aujourd’hui la CAQ et le PLQ… à l’intérieur du Canada !
Marceau reconnaît l’héritage social-démocrate du Parti Québécois des années 1960 et 1970, mais le « grand rattrapage » aurait eu lieu et il faut désormais s’adapter à l’air du temps, c’est-à-dire « à l’individualisme et au désir de consommer » de nos concitoyens. La social-démocratie est en panne, capitulons devant le néolibéralisme !
Sa thèse voulant que le Parti Québécois se serait entêté au cours des dernières décennies, pour son plus grand malheur, à « conjuguer social-démocratie et souverainisme » ne tient pas la route. André Boisclair voulait rompre avec le mouvement syndical. Pauline Marois a expulsé le SPQ Libre des rangs du parti pour avoir contesté son nouveau credo de l’enrichissement individuel en rappelant que le seul véritable enrichissement était collectif. Elle n’a réussi à prendre le pouvoir qu’en effectuant un virage à 180 degrés lors de la grève étudiante du printemps érable. Que dire de l’élection à la tête du parti de Pierre-Karl Péladeau, le roi des lock-out ! Quant à Jean-François Lisée, il a mis hors-jeu l’autre volet de la « conjugaison » en reportant l’indépendance aux calendes grecques.
S’inspirer de Parizeau, non de Bouchard
À ses origines, le Parti Québécois a rassemblé les forces vives de la nation. Les revendications syndicales et populaires ont été traduites en législations linguistiques, culturelles, sociales. Ces mêmes organisations syndicales et populaires ont fourni l’ossature organisationnelle qui a permis de gagner des élections et de mobiliser la population lors des deux référendums.
Monsieur Parizeau l’avait compris. Aussi, lors de la Marche des femmes du Pain et des Roses de 1995, il a promis une législation en faveur de l’équité salariale, qui a rallié Françoise David et les organisations féministes au sein des Partenaires pour la souveraineté.
Lucien Bouchard ne l’avait pas compris. Le dix cents d’augmentation du salaire minimum lancé en réponse à la Marche mondiale des femmes de l’an 2000 a été perçu comme une insulte et a conduit Françoise David et ses partisanes à fonder Option citoyenne, un des groupes fondateurs de Québec solidaire.
La fracture
Marceau illustre son propos en condamnant les jeunes péquistes qui, à leur congrès de mars 2020, réclamaient la fin du financement des écoles privées. Selon lui, une telle proposition n’a « aucun lien avec la question nationale » et favorise « la fracture entre les souverainistes ».
Il y a bien là une « fracture ». Plus de 20 % des étudiants du secondaire fréquentent des écoles privées financées à plus de 70 % à même des fonds publics. Leur présence a entraîné la mise sur pied de projets particuliers dans les écoles publiques pour freiner l’exode des meilleurs élèves et les deux ont écrémé les classes ordinaires où se trouve désavantagée la majorité des élèves issus des classes populaires. Doit-on s’étonner que plus de 50 % des citoyens ne détenant qu’un diplôme secondaire aient voté pour la CAQ et que le taux d’abstention augmente ?
Une autre « fracture » est fort bien documentée. Les élèves francophones et allophones ayant effectué leurs études secondaires dans le réseau francophone constituent plus de la moitié de la clientèle des cégeps anglophones. Il en résulte une anglicisation galopante de cette élite allophone, mais également francophone, comme le démontre Charles Castonguay ailleurs dans ce journal.
Jusqu’à tout dernièrement, les dirigeants du Parti Québécois se sont opposés farouchement à la base du parti qui réclame depuis des lunes des actions sur ces deux questions. En fait, il en va ainsi parce que ces dirigeants représentaient cette mince couche sociale privilégiée qui bénéficie ou compte bénéficier de la possibilité d’envoyer ses enfants à l’école privée et au cégep anglophone. Il en va de même pour la CAQ et le PLQ, de même que pour Québec solidaire ! QS ne réclame que très timidement la fin des subventions publiques aux écoles privées et se tient loin du débat sur la loi 101 au cégep.
Un projet mort-né
Pour justifier sa démarche, Nicolas Marceau nous sert la célèbre phrase de Bernard Landry : « L’indépendance n’est ni à gauche ni à droite, elle est en avant ». C’est la dénaturer. Monsieur Landry avait accepté notre idée de création de clubs politiques, dont le SPQ Libre, au sein du PQ. Sa regrettable démission a empêché le rassemblement – cher à Marceau – au sein du PQ de plusieurs clubs politiques de différentes obédiences, chacun faisant la promotion de ses idées pour leur inscription dans le programme du parti.
Plus globalement, dans tous les mouvements de libération nationale, souveraineté et projet de société se sont conjugués, parce que la population se mobilise lorsqu’elle voit dans l’indépendance le moyen de réaliser les mesures sociales qui vont améliorer son sort et non pas des baisses d’impôt qui vont profiter aux plus riches.
Nous sommes à l’aube d’une grave récession concoctée par les banques centrales des pays occidentaux pour « régler » le problème de la pénurie de main-d’œuvre en recréant l’armée de réserve de chômeurs. Le Québec a besoin d’un parti politique qui va représenter la majorité de la population et non une petite élite de privilégiés. L’abolition des subventions publiques aux écoles privées et l’extension de la loi 101 au cégep enverraient un message clair qu’on prend cette direction. Le PQ de Paul St-Pierre Plamondon est le seul parti qui prend cet engagement en prônant l’abolition des subventions aux écoles privées religieuses, qui constituent l’énorme majorité des écoles privées, et l’application de la loi 101 au cégep. Pour cette raison, il est toujours vivant. Et, pour la même raison, le rassemblement de Nicolas Marceau est un projet mort-né.
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