Le Secrétaire général de l’ONU António Guterres rappelait récemment que l’inflation prenant sa source dans la réaction mondiale au conflit en Ukraine entrainait 47 millions de personnes de plus en situation d’insécurité alimentaire. Ils devraient être 345 millions dans 82 pays d’ici la fin de 2022.
En Afrique l’inflation est dévastatrice. Le Zimbabwe, habitué à d’importants taux d’inflation, l’a vu grimper à 285 % en août. Le Kenya a officiellement atteint son taux d'inflation le plus élevé depuis septembre 2017 avec 19,6 % en juillet. L’augmentation des prix de l'énergie, du carburant et des produits alimentaires laisserait présager le retour des « émeutes du pain », qu’ont vécu l'Afrique du Sud et la Tunisie en 2008.
Dans la zone euro cette inflation atteignait 8,9 % en juillet. Trois pays sur ce continent affichaient cependant en août des taux deux fois plus élevés, soit l’Estonie avec 25,2 %, la Lituanie qui enregistrait 21,1 % et la Lettonie à 20,8%. L’institut Bruegel a calculé que les pays de l’UE avaient consacré 236 milliards d’euros de septembre 2021 à août 2022 pour adoucir la hausse des prix avec des mesures comme des chèques énergie ou des ristournes à la pompe.
Des causes moins connues à l’inflation
Les économistes ont pointé plusieurs causes à cette inflation qui affecte l’économie mondiale. La forte reprise économique après le confinement aurait augmenté la demande, causant un débalancement avec l’offre. De plus, la guerre en Ukraine a amené le cours du baril de Brent de 77 $ à 120 $. Le blocage des ports ukrainiens et les sanctions occidentales sur les produits russes auraient aussi causé une augmentation du cours du blé de 250 $ en janvier à 430 $ en mai.
Mais il y a d’autres causes moins publicisées. L'économiste américain Josh Bivens de l’Economic Policy Institute, en parle dans son article « Corporate profits have contributed disproportionately to inflation. How should policymakers respond ». Il montre que depuis le commencement de la pandémie, la hausse des profits des entreprises dans le secteur non financier a causé plus de 50 % de l’inflation aux États-Unis. La hausse des salaires n’en causerait pour sa part qu’environ 8 %. Cette course aux surprofits a emmené des compagnies en justice. Le plus important transformateur de viande aux États-Unis, Tyson Foods, accusé de fixation des prix du poulet à accepter en janvier un règlement à l’amiable de 221,5 millions $. Une filiale américaine du géant brésilien JBS a pour sa part dû payer en février 52,5 millions $ pour régler à l’amiable une poursuite l’accusant d’avoir conspiré pour fixer les prix du bœuf.
Un phénomène mondial
On apprenait en août que Glencore, qui avait fait des bénéfices de 5 milliards $ pour toute l’année 2021, en avait fait 12 milliards $ pour la première moitié de 2022!
En France, La Compagnie maritime d’affrètement et Compagnie générale maritime (CMA CGM) a fait des bénéfices records de 14,8 milliards $. Le prix moyen d'un conteneur sur une rotation Asie-Europe, qui était d’environ 1500 $ pour les réservations à court terme en début 2020, est aujourd'hui à plus de 10 000$.
Selon le département américain de l'énergie, les pays exportateurs de pétrole devraient encaisser cette année des recettes nettes de 907 milliards $, contre 570 milliards $ l'année dernière. Les marges de raffinage seraient passées de 7$ à 101 $ la tonne en un an.
En constatant que les profits des majors pétrolières étaient autour de 20 milliards $ en moyenne, António Guterres affirmait qu’il était « immoral que les sociétés pétrolières et gazières réalisent des profits records grâce à la crise énergétique actuelle sur le dos des plus pauvres, et avec un coût énorme pour le climat ».
Surtaxer pour corriger l’impact inflationniste
Le Secrétaire général de l’ONU exhorte les gouvernements à taxer ces profits excessifs et d’utiliser l’argent pour soutenir les plus vulnérables. « Cette cupidité ridicule punit les plus pauvres et les plus vulnérables, tout en détruisant notre seule maison commune, la planète », a-t-il affirmé.
La commissaire européenne à l’énergie, Kadri Simson, est aussi favorable à une taxation temporaire des profits excédentaires venant des prix élevés de l’électricité.
En fait l’Italie, a déjà instauré une taxe de 10 % sur les surprofits, portés à 25% cet été. Ses revenus estimés à 10 milliards $ devraient financer de nouvelles aides aux entreprises et aux ménages.
En Espagne, les secteurs de l’électricité, du pétrole et du gaz devraient verser plus de 2 milliards $ par an de surtaxe. En comptant d’autres secteurs, Madrid attend environ 7 milliards $ en 2023-2024.
Finalement, le Royaume-Uni, qui a déjà un impôt de 40 % sur les bénéfices des compagnies produisant des hydrocarbures en mer du Nord y a ajouté en fin mai une taxe supplémentaire de 25 % sur la totalité des profits.
L’impôt sur les surprofits ne devrait pas décourager les investissements selon des économistes, puisqu’ils seraient réalisés dans des secteurs à faible concurrence ou il n’est pas nécessaire d’investir pour conserver sa compétitivité. Alors qu’attendent les dirigeants retardataires pour surtaxer les surprofits et avoir une emprise sur l’inflation dans leur pays tout en aidant leur population?