Élections 2022 : et la justice fiscale ?

2022/09/23 | Par Edgar Lopez-Asselin

L’auteur est coordonnateur d’Échec aux paradis fiscaux
 

La campagne électorale bat son plein et de nombreuses propositions pour l'avenir du Québec sont soumises au débat public. La lutte contre l'inflation et la perspective d’une récession économique ne manquent pas de retenir l'attention des partis politiques et de la population, cette dernière étant frappée durement par les changements d'humeurs de l'économie. Toutefois, si les mesures proposées semblent s'abreuver à même les marges budgétaires existantes, il semble que les hypothèses pour accroître les revenus de l'État soient moins explorées.

Pourtant, l'accumulation de richesses par les grandes fortunes et entreprises multinationales n’a pas pris fin avec l'inflation : le scandale des « surprofits » dégagés durant les crises sanitaire et inflationniste montre encore une fois que ces acteurs majeurs de l’économie québécoise ont les poches profondes. Or, le recours aux paradis fiscaux, problème aussi insidieux qu’irrésolu, demeure une pratique répandue chez ces mêmes entreprises. En se soustrayant de la sorte au régime fiscal en vigueur, certains contribuables parmi les mieux nantis subtilisent des sommes colossales au trésor collectif, privant ainsi les pouvoirs publics de moyens considérables. Le gouvernement québécois doit agir fermement afin de réaffirmer la souveraineté fiscale du Québec et de rétablir l’équité entre contribuables, au moment où les moins nantis font les frais de la hausse effrénée du coût de la vie.

L’instauration récente du Registre des bénéficiaires ultimes (RBU) par le gouvernement constitue certes un pas important dans la bonne direction. Le RBU, dont on attend la mise en œuvre en 2023, permettra en effet d’identifier les individus qui tirent réellement profit des activités d’une entreprise, jetant une lumière bénéfique sur les montages financiers opaques. Citons aussi les comptes-rendus annuels du gouvernement en matière d’équité fiscale ou bien le financement supplémentaire alloué aux efforts de recouvrement de Revenu Québec, mesures qui ensemble témoignent d’une volonté renouvelée de lutter contre le recours aux paradis fiscaux.

Mais ces réalisations ne suffisent pas à prendre la pleine mesure du problème des paradis fiscaux. Québec doit faire le ménage dans ses propres lois et pratiques. Il arrive même que de riches entreprises se prévalent d’une vaste marge de manœuvre pour limiter leur facture d’impôt, incluant des stratagèmes de transfert fictif d’activités vers des paradis fiscaux. Le Québec doit contrer de telles zones d’opacité fiscale qui, comme l’illustre aussi le manque de transparence du régime fiscal minier, semblent parfois cacher des pratiques douteuses.

En cette période électorale, les actrices et acteurs de la scène politique québécoise doivent prendre acte des défis importants que représente le recours aux paradis fiscaux. La situation actuelle exige plus que des mesures vagues et des promesses vaines. Nous demandons ainsi respectivement aux partis politiques de prendre position et de présenter à l’électorat leur plan d’intervention structurant et détaillé.

Le collectif Échec aux paradis fiscaux a lancé en juin dernier une nouvelle campagne qui propose trois axes de lutte contre le recours aux paradis fiscaux : démasquer les profiteurs et les tricheurs du système fiscal, condamner les échappatoires fiscales plutôt que de les légaliser, et encaisser le manque à gagner pour mieux redistribuer les richesses et financer les services publics québécois. Souhaitons que les partis soient à l’écoute et que la campagne électorale soit l’occasion d’un débat de fond sur la question. Face aux défis sociaux que nous vivons à l'heure actuelle, la lutte contre les paradis fiscaux n’est pas un luxe : elle est absolument essentielle!

Signataires du collectif Échec aux paradis fiscaux :

Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ; Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQ-CSQ) ; Association pour la taxation des transactions financières et l’action citoyenne-Québec (ATTAC-QC) ; Caisse d’économie solidaires Desjardins ; Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ; Centrale des syndicats nationaux (CSN) ; Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ; Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) ; Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ; Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) ; Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) ; Fédération québécoise des professeures et des professeurs d’université (FQPPU) ; Les AmiEs de la Terre de Québec (ATQ) ; Syndicat canadien de la fonction publique, section Québec (SCFP-QC) ; Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) ; Syndicat des métallos (Métallos) ; Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) ; Union des consommateurs ; Union étudiante du Québec (UEQ).