L’auteur est député du Bloc Québécois
Cet automne, le gouvernement fédéral a présenté deux projets de loi pour lutter contre l’inflation. Le projet C-30 proposait de doubler le remboursement de la TPS pour les ménages à faibles revenus lors d’un versement unique. La mesure a rapidement été adoptée à l’unanimité. C’était une mesure que le Bloc avait demandé lors du précédent budget.
L’autre projet de loi (C-31) contenait la soi-disant assurance dentaire en plus d’une aide au loyer. L’assurance dentaire représente le socle de l’entente entre le NPD et le Parti Libéral. Depuis le mois de mars dernier, le NPD, quatrième parti à la Chambre des communes, vote pour tous les projets de loi, amendements en comités et bâillons du gouvernement, en échange de cette mesure sociale.
Les soins dentaires, une juridiction québécoise
Même si le Bloc appuie sans réserve le principe selon lequel chaque personne doit avoir accès à des soins dentaires, nous avions certaines réticences face à cette mesure. Les soins dentaires font partie des services de santé et la santé relève de la juridiction du Québec et des provinces.
Au lieu de financer adéquatement la santé via des transferts aux provinces, Ottawa crée un nouveau programme dans un champ de compétence qui n’est pas le sien et où il n’a aucune expertise. Rappelons que, depuis les années 1990, le fédéral ne finance plus la santé à la hauteur de ses ressources financières et contribue ainsi à la situation de crise que l’on connait depuis.
Lors du dernier budget, les fonctionnaires nous avaient dit qu’ils ne voyaient vraiment pas comment Ottawa arriverait à créer un service de soins dentaires. Ils ont vraisemblablement répété la même chose au mois d’août. Jagmeet Singh a alors fait une sortie médiatique menaçant de rompre l’entente. Le gouvernement a réagi en déposant le projet de loi C-31.
Incapable de dispenser lui-même les soins dentaires, le gouvernement Trudeau propose un remboursement aux parents d’enfants de moins de douze ans pour leurs dépenses à ce chapitre. Le remboursement est de 650 $ une fois l’an, si le revenu familial est inférieur à 70 000 $; de 390 $ pour la tranche entre 70 000 $ et 80 000 $ et de 260 $ pour celle entre 80 000 $ et 90 000 $.
Peu importe le coût du service, 100 $ ou 2 000 $, les parents doivent faire parvenir leur demande à l’Agence du revenu et prouver qu’il y a eu une dépense. Quand ça dépasse 650 $, ils peuvent demander la différence l’année suivante (jusqu’à concurrence de 650 $). C’est loin d’être parfait – l’arrimage entre le coût des services et le chèque étant plus qu’inadéquat – mais le principe est là, à savoir un chèque contre des soins dentaires.
Le Québec doublement imposé
Au Québec, nous avons déjà un service de couverture des soins dentaires pour les enfants de moins de dix ans. Aussi, nous nous attendions à un arrimage entre la loi fédérale et le programme en place au Québec, soit un droit de retrait avec compensation, c’est-à-dire un transfert de fonds pour les moins de dix ans et une entente permettant, par exemple, d’offrir la couverture au Québec pour les moins de douze ans avec compensation.
La population du Québec paie déjà une assurance dentaire pour les enfants via les impôts qu’elle verse à Québec. Pourquoi payer une deuxième fois pour une deuxième assurance moins efficace au fédéral ? D’autres provinces ont également des programmes. Un simple arrimage était donc essentiel. Or, pas une ligne là-dessus dans le projet de loi.
Pour toute réponse, le bâillon
Sans surprise, lorsque j’ai posé une question à la ministre des Finances Chrystia Freeland à ce sujet, elle a refusé tout engagement à modifier le projet de loi pour prendre en compte la réalité du Québec.
Ne perdant pas espoir, mon collègue Jean-Denis Garon, député de Mirabel et porteur du dossier, a fait adopter un ordre du jour en comité qui aurait permis de recevoir les spécialistes et les organisations concernées. Or, coup de théâtre, à la rencontre suivante du comité Santé, les libéraux et les néodémocrates modifiaient l’ordre du jour, refusaient d’entendre tout témoin, et adoptaient en même temps un super bâillon à la Chambre des communes. Dès lors, il n’était plus possible d’entendre des experts et le projet de loi a été adopté, sans modification concernant l’arrimage avec le Québec, une semaine plus tard.
Tant pis si le Québec a déjà son programme de soins dentaires pour les enfants ! Les Québécois doivent payer une deuxième fois pour une deuxième assurance ! Et on y aura deux fois moins accès, puisqu’on a déjà une assurance. C’est l’évaluation faite par le Directeur parlementaire du budget.
La règle pour avoir accès à l’assurance fédérale, c’est d’avoir payé pour les soins dentaires. Si le service est couvert par le Québec et qu’il n’y a pas de déboursés, les parents ne peuvent demander l’assurance fédérale. Même chose si le service est couvert par une assurance collective, comme c’est souvent le cas pour les syndiqués. C’est seulement lorsqu’il y a un coût supplémentaire à payer que les parents peuvent demander un remboursement à Ottawa.
Doublement pénalisés
La population du Québec se trouve donc doublement pénalisée. Premièrement, parce nous avons déjà une assurance pour les enfants. Deuxièmement, parce nous sommes davantage syndiqués. Ce sont ces deux éléments qui permettent au Directeur parlementaire du budget de calculer, au prorata du nombre d’enfants, que deux fois moins d’enfants de moins de douze ans au Québec auront accès au programme comparativement aux enfants hors Québec. Si la population du Québec contribue à 100 % au programme fédéral, elle est loin de recevoir sa part.
Le NPD et le gouvernement libéral ont refusé de chercher un arrangement équitable pour le Québec. Pire, ils ont même refusé qu’on en discute adéquatement, adoptant un super bâillon. Tout devait être adopté vite, vite, vite sans améliorations possibles. Les appels et rappels du Bloc auprès de cette coalition NPD-PLC afin de trouver un arrangement n’auront servi à rien.
Le Québec paye pour son progressisme
Le projet de loi C-31 contient également une aide au loyer. Les personnes à faibles revenus pourront recevoir un chèque supplémentaire unique de 500 $, s’ils en font la demande. Pour y avoir accès, il faut gagner moins de 20 000 $ si on vit seul ou 35 000 $ pour les couples et familles. Deuxième critère, il faut consacrer plus de 30 % de ses revenus au loyer. Ici aussi, aucun arrimage avec la réalité du Québec.
Au Québec, de nombreux ménages vivent dans des logements sociaux comme les HLM ou les coops d’habitation, où le loyer est justement plafonné à 30 % des revenus des ménages ! Ces personnes se trouvent exclues du programme. Le Directeur parlementaire du budget a calculé que cette règle des 30 % allait exclure 118 000 personnes au Canada, dont les trois quarts sont au Québec (86 700). Parce qu’au Québec il y a davantage de logements sociaux qu’ailleurs au Canada, les ménages à faibles revenus du Québec seront davantage exclus de la mesure.
Évidemment, il manque encore cruellement de logements sociaux. Il en faut plus. Et Ottawa doit faire sa part. Mais parce que la situation est meilleure au Québec, les gens à faibles revenus se trouvent pénalisés.
C’est donc une deuxième exclusion dans le même projet de loi ! Lorsque Jean-Denis Garon a interpellé le ministre Hussein à ce sujet, ce dernier lui a dit qu’il travaillait avec son vis-à-vis à Québec. Mon collègue lui a alors demandé le nom de la ministre et Hussein a gelé, incapable de répondre, ne se souvenant plus qui est la ministre. C’est tout dire !
L’adoption sous super-bâillon du projet de loi C-31 indique encore une fois à quel point le Québec compte peu pour le gouvernement libéral et le NPD. Le gouvernement propose deux mesures sociales, empiète dans les champs de compétence du Québec, et ne cherche aucunement à trouver un accommodement raisonnable adapté à notre réalité.
L’alliance NPD-Libéral fait la sourde oreille à nos demandes. Aucun élu libéral du Québec ne soulève le problème à l’intérieur de son caucus. Il en va de même pour le dernier député néodémocrate du Québec.
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