Le Canada a du gaz à vendre

2022/11/09 | Par Monique Pauzé

L’autrice est députée du Bloc Québécois
 

L'ONU publiait la semaine dernière un autre rapport accablant sur les changements climatiques. L’organisme international a colligé les plans de lutte de tous les pays signataires de l'Accord de Paris et elle avertit qu'on est loin, très loin, très très loin de la cible de 1,5 degré de réchauffement de la température de la planète. En fait, on se dirige vers une hausse d’au minimum 2,5 degrés, et cela, uniquement si les pays respectent leurs plans. Or, le Canada vient d'annoncer à la planète qu'il veut plutôt accélérer le développement de ses projets d’exportation de pétrole et de gaz vers l'Europe.
 

Le prétexte de la guerre en Ukraine

De passage à Washington à la mi-octobre, la vice-première ministre Chrystia Freeland a annoncé la nouvelle politique étrangère et énergétique du Canada. En quoi consiste cette nouvelle doctrine ? Hé bien, c’est la même que l’ancienne : vendre plus de pétrole et de gaz. Je crois qu’elle n’a pas compris que, lorsque l'ONU nous demande d'en faire plus, cela signifie plus d'efforts pour combattre le réchauffement de la planète et non pas de plus de pétrole et de gaz.

« Nous devons ensuite être prêts à encaisser certaines pertes en capital politique domestique pour sauvegarder la sécurité économique de nos partenaires démocratiques », a déclaré Mme Freeland devant la Brookings Institution. « Le Canada doit et va faire preuve de générosité envers ses alliés en accélérant, par exemple, la réalisation des projets énergétiques et miniers…»

Dans le fond, ce que le gouvernement Trudeau fait, c’est enfoncer le dernier clou dans le cercueil de sa lutte aux changements climatiques. Le Canada cherchait juste un prétexte pour vendre encore plus de pétrole et de gaz et la guerre en Ukraine lui a donné cette opportunité.

«La guerre en Ukraine montre que, si le Canada ne produit pas de gaz naturel, le marché sera monopolisé par les dictatures polluantes comme celle de Poutine», a insisté la vice-première ministre.

Instrumentalisant le conflit opposant le pays de Volodymyr Zelensky à la Russie – sans doute pour calmer une partie de l’opinion publique – le Canada peut enfin relancer l’exportation d’énergies fossiles. Tant pis pour la planète, tant pis pour l'opinion des citoyens, tant pis pour l'opinion des peuples autochtones, tant pis pour les changements climatiques, le Canada a du gaz à vendre. Le Bloc québécois dénonce et continuera de dénoncer qu’Ottawa, en pleine crise climatique planétaire, jette de l’huile sur le feu.
 

« Drill Baby Drill »

Il faut que ça aille vite. Mme Freeland l’a bien fait savoir lors de son passage aux États-Unis. La vice-première ministre a annoncé que le Canada va dorénavant mettre sur la voie rapide les projets énergétiques pour exporter plus d’énergies fossiles. Puisque le gouvernement contourne déjà les évaluations environnementales, il y a fort à parier qu’il évitera également de consulter le Québec, les autres provinces, les peuples autochtones et qu’il contournera toutes les questions d’acceptabilité sociale.

D’ailleurs, tout était déjà bien amorcé. En ce moment, l’Office Canada–Terre-Neuve-et-Labrador sur les hydrocarbures extracôtiers a mis aux enchères près de 100 000 km2 de nouveaux permis d’exploration dont certains empiètent sur une importante zone de protection pour la biodiversité marine.

Soyons honnêtes : ces permis d’exploitation sont dispendieux. Des entrepreneurs qui doivent s'engager à dépenser chacun un minimum de dix millions de dollars dans l’exploration pétrolière pour obtenir un permis sont des investisseurs sérieux. Ces gens paient cher pour chercher du pétrole parce qu'ils comptent bien en trouver et l'exploiter. Nous sommes à l’heure du « Drill Baby Drill ».
 

Guilbeault a menti

Rappelons que lorsque le ministre de l'Environnement Steven Guilbeault a autorisé le projet pétrolier Bay du Nord à Terre-Neuve, il a déclaré que c'était le dernier projet pétrolier qui serait approuvé. Quand il affirmait que Bay du Nord n’allait produire que 300 millions de barils de pétrole, il ne visait qu’à calmer le jeu. Il n'a jamais été question pour les promoteurs de se limiter à 300 millions de barils. Ils parlent aujourd’hui d'augmenter la production à un minimum de 500 millions de barils. Il s’agit d’une augmentation de 67 % de la production. C’est loin d’être banal.

Le pire dans tout cela, c’est qu’en cas de déversement, il faudrait entre 18 et 36 jours pour amener sur place le matériel nécessaire pour colmater la fuite. Les libéraux n’ont aucun désir de protéger l’environnement ni de lutter contre les changements climatiques.

Le discours de Mme Freeland à Washington nous rappelle qu’on n’a pas vu souvent le Canada être encensé à l’étranger pour sa lutte aux changements climatiques. Nous avons plutôt vu Équiterre et le Sierra Club poursuivre le ministre de l’Environnement pour avoir approuvé Bay du Nord.

En mars 2017, les pétrolières ont convié Justin Trudeau au Texas pour lui remettre le prestigieux Prix du leadership mondial en matière d'énergie. Lors de cette CERAWeek, Shell, BP, ExxonMobil et toutes les pétrolières se pâmaient devant notre premier ministre.

Avec l’annonce faite par la vice-première ministre devant le monde entier que le Canada allait accélérer les projets d’exploitation de pétrole et de gaz, quitte à en subir les contrecoups politiques, Justin Trudeau a une longueur d’avance pour remporte encore cette année le prix décerné par les pétrolières.

Que ce soit sous la gouverne des conservateurs de Pierre Poilièvre ou des libéraux de Justin Trudeau, une chose est certaine, le Canada est et restera un pays pétrolier.