L’auteur est syndicaliste
Le gouvernement Legault a commencé à annoncer la mise en place son « bouclier anti-inflation ». Rappelons les éléments de ce bouclier.
Premièrement, une baisse « responsable » de l’impôt, financée par le Fonds des générations, déclinée en une baisse de 1 % pour les deux premiers paliers d’imposition dès 2023. Par la suite, l’impôt des Québécois serait réduit de 0,25 % par année, jusqu’en 2032. Sur dix ans, la baisse atteindrait ainsi 2,5 %. Le montant économisé pour un particulier gagnant 80 000 $ serait de 620 $ en moyenne.
En fin de compte, la CAQ fera un cadeau de 7,4 milliards $ aux plus nantis en pigeant dans le Fonds des générations. Rappelons qu’au Québec, selon une étude de l’IRÉC, 36,6 % des contribuables québécois ne paient pas d’impôt à cause de leur faible revenu.
Deuxièmement, des chèques de 400 $ ou 600 $, selon leurs revenus, seront émis aux personnes qui ont un revenu inférieur à 100 000 $. Une mesure que tous les observateurs qualifient de mauvaise, parce qu’elle ne cible pas les personnes qui ont vraiment besoin de soutien financier. Elle touche presque l’ensemble de la population. De plus, selon les économistes, toutes ces personnes qui n’ont pas vraiment besoin de ce cadeau risquent d’alimenter l’inflation en injectant ces centaines de millions de dollars dans l’économie québécoise.
Troisièmement, le plafonnement à 3 % de certains tarifs gouvernementaux pour l’année 2023. Encore une mesure mur à mur qui profitera tant aux mieux nantis qu’à ceux qui en ont vraiment besoin.
Concernant le gel des tarifs d’Hydro-Québec à 3 %, il faut rappeler que le gouvernement Legault doit agir dans ce sens par sa faute. En décembre 2019, il avait fait adopter sous le bâillon le projet de loi 34, projet de loi qui enlevait à la Régie de l’énergie le pouvoir de fixer la hausse des tarifs d’électricité, de mettre en place un gel des tarifs et, par la suite, de les hausser au niveau de l’inflation pour les quatre années suivantes.
Ce projet de loi avait fait l’unanimité contre lui, tant chez les partis d’opposition, les groupes de protection des consommateurs que chez les grandes centrales syndicales. Tous les opposants s’entendaient sur le fait que de réguler les tarifs sur l’inflation était irresponsable puisque personne ne peut prédire le taux d’inflation. Le gouvernement Legault, fidèle à ses habitudes, en avait fait qu’à sa tête.
Aujourd’hui, plutôt que d’admettre son erreur et de corriger le tir, il tente de se présenter en bon père de famille en annonçant un plafonnement des tarifs hydroélectriques à 3 %.
Finalement, il y a l’aide financière aux ainés de plus de 70 ans ayant un faible revenu qui passera d’un maximum de 411 $ à 2 000 $ par année. Cette mesure est censée rejoindre près de 360 000 ainés. C’est la seule mesure qui cible des personnes qui en ont vraiment besoin. C’est l’exception qui confirme la règle.
Des mesures pour contrer la pauvreté
Ce fameux bouclier anti-inflation n’est en fait qu’une autre mesure populiste de la CAQ pour donner l’illusion que ce gouvernement se préoccupe vraiment de la pauvreté au Québec. C’est un peu comme une personne riche qui, une fois par année à l’approche du temps des Fêtes, fait un don aux personnes dans le besoin et qui, le reste de l’année, les ignore. Ça peut donner bonne conscience et faire bien paraître, mais ça ne règle en rien les problèmes de fond de la pauvreté.
Un État riche, comme l’est le Québec, a les moyens de mettre en place des mesures permanentes pour contrer la pauvreté.
M. Legault, plutôt que de créer 23 postes d’adjoint gouvernemental pour faire plaisir à votre députation, vous pourriez créer un groupe parlementaire responsable de mettre en place des mesures permanentes pour éradiquer la pauvreté. Ce groupe pourrait, comme première action, recommander au gouvernement de répondre aux besoins financiers pressants des banques alimentaires du Québec. Au lieu d’envoyer des chèques à des personnes qui n’en ont pas vraiment besoin, vous pourriez subventionner les banques alimentaires.
Dans un deuxième temps, ce groupe parlementaire pourrait poser la question suivante aux personnes qui dirigent ces banques alimentaires : que doit-on faire pour rendre inutile votre existence ?
Je suis convaincu qu’un bouquet de mesures vous serait suggérées. Par exemple, puisque de plus en plus de personnes ayant un emploi ont recours aux banques alimentaires, il faudrait établir un salaire minimum décent à un niveau qui ferait en sorte qu’une personne qui travaille, ainsi que les personnes à sa charge, puisse se loger, se nourrir, se vêtir de façon convenable et aient accès à un minimum de loisirs.
Il en est de même pour les personnes qui ont recours à l’aide sociale ou qui sont retraitées. Ces personnes font aussi partie de la clientèle des banques alimentaires et l’État devrait s’assurer qu’elles aient accès à un revenu décent basé sur les mêmes critères que le salaire minimum.
On vous dirait probablement que l’accès à des logements sociaux et à des logements abordables fait aussi partie de la solution pour rendre caduc le recours aux banques alimentaires.
S’occuper de l’avenir de nos enfants est également une recette gagnante pour briser le cercle de la pauvreté. Faire en sorte que tous les enfants aient accès à un CPE; qu’à l’âge scolaire, ils aient tous droit à une chance égale de s’épanouir et de se réaliser comme être humain en ayant, entre autres, accès à des repas fournis gratuitement, à un support scolaire adapté à leurs besoins, à un cursus scolaire selon leurs désirs et non en fonction de la richesse de leurs parents, et ce, dans un établissement public salubre.
Toutes ces mesures pourraient être financées en bonne partie en abolissant les baisses d’impôt promises. L’idée n’est pas de tout faire en même temps, mais d’identifier les mesures à prendre afin d’éliminer la pauvreté, et ce, avec l’aide des personnes qui œuvrent auprès des moins nantis de notre société.
M. Legault, vous exprimez le souhait de créer de la richesse au Québec, cessez donc de donner l’illusion que vous vous préoccupez des moins nantis en mettant en place des mesures ponctuelles qui ne règlent en rien les problèmes de fond. L’établissement de mesures permanentes pour éradiquer la pauvreté est la meilleure façon d’y arriver.
M. Legault, le Québec est déjà assez riche pour ne pas avoir de pauvres !
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