Aucun recul ! Ni un jour, ni un mois, ni un an de plus !

2023/01/20 | Par Luc Allaire

Toutes les organisations syndicales françaises sont unies et mobilisées contre la réforme des retraites présentée par la première ministre Élisabeth Borne, qui propose de reculer l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, avec un allongement de la durée de cotisations à 43 ans pour obtenir une pension à taux plein. Ainsi, une personne qui a commencé à travailler à 25 ans devra travailler jusqu’à 68 ans pour obtenir une pension complète.

« Aucun recul ! Ni un jour, ni un mois, ni un an de plus ! », a déclaré le secrétaire général de l’Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA), Laurent Escure. « Tous les syndicats sont très remontés. Nous avons rencontré la première ministre pour lui présenter des possibilités d’assouplissement de sa réforme mais, pour l’instant, elle ne bouge pas. »

Le secrétaire général de l’UNSA critique notamment le fait que le projet de loi n’impose aucune contrainte aux employeurs. Ceux-ci pourront continuer à congédier leurs employés à 55 ans en prétendant qu’ils coûtent trop cher. Ceux-ci devront alors attendre d’avoir 64 ans avant d’avoir droit à la retraite, sans réelle possibilité de conversion pour de nouveaux postes.

Le Conseil d’orientation des retraites a proposé différentes mesures qui ont été écartées par le gouvernement, déplore-t-il. Ainsi, une hausse des cotisations entre 5 et 8 euros par mois pour les salariés et les employeurs permettrait de réduire le déficit anticipé, mais le gouvernement rejette cette proposition. De plus, le déficit prévu n’est que de 3 %, précise-t-il. « Il n’y a pas péril en la demeure ».

La Fédération des Syndicats Unitaires (FSU) est tout aussi critique. « Cette réforme va frapper de plein fouet l’ensemble des travailleurs et travailleuses, et plus particulièrement celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt, les plus précaires, dont l'espérance de vie est inférieure au reste de la population, et celles et ceux dont la pénibilité des métiers n'est pas reconnue. Elle va aggraver la précarité de celles et ceux n’étant déjà plus en emploi avant leur retraite, et renforcer les inégalités femmes-hommes. »

« Le système de retraites par répartition n’est pas en danger, souligne le SNUipp-FSU qui représente le personnel de l’éducation du primaire. Rien ne justifie une réforme aussi brutale. »

Attachées à un meilleur partage des richesses, les organisations syndicales n’ont eu de cesse pendant la concertation avec le gouvernement de proposer d’autres solutions de financement, à commencer par l’amélioration de l’emploi des seniors. Jamais le gouvernement, arcbouté sur son projet, ne les a étudiées sérieusement, dénonce la FSU.

C’est donc sans surprise qu’à la suite de l’annonce de la réforme gouvernementale, toutes les organisations syndicales se sont immédiatement réunies pour construire une réponse commune de mobilisation interprofessionnelle. Celle-ci a pris la forme d’une première journée de grèves et de manifestations le 19 janvier. Les protestations se poursuivront tant et aussi longtemps que le gouvernement ne reculera pas, préviennent les organisations syndicales.

La CGT dénonce de son côté cette réforme qualifiée de « paramétrique » par le gouvernement. « Cette réforme ouvre la voie à la suppression des régimes spéciaux considérés comme trop coûteux et à une attaque renforcée contre les droits familiaux. Elle induirait, en réalité, un changement en profondeur du système actuel. »

« Dans les faits, ajoute la CGT, la réforme annoncée pousse encore plus loin la logique de réduction des dépenses sociales. Elle consacrerait aussi un basculement vers l’impôt du financement des retraites, dont le pilotage ne serait plus assuré par les représentants des salariés, mais par le gouvernement et le législateur, au détriment de la démocratie sociale. »

Pour la CFDT, « 64 ans, c’est toujours la ligne rouge », affirme Hervé Aussel, responsable de l’Union départementale de la CFDT en Haute-Garonne. Le principal argument de la première ministre, « c’est de dire on va vers un déficit du système de retraite par répartition. Ce serait peut-être 20 milliards de déficit en 2030, si on ne réforme pas et ça pourrait entraîner une baisse de pouvoir d'achat des retraités. »

« On conteste ces données, affirme M. Aussel. Dans la mesure où ce projet de loi, il n'y avait pas urgence à le mettre en place. Par contre, effectivement, il y avait des choses peut-être à revoir, mais sûrement pas l’âge de report. »

Lesquelles ? « Par exemple l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Parce qu'aujourd'hui, on sait très bien que les salaires des femmes sont inférieurs majoritairement aux salaires des hommes », affirme le représentant de la CFDT. 

Par conséquent, la pension de retraite est plus faible aussi. « C'est toujours le chien qui se mord la queue. Votre pension de retraite, elle, est calculée par rapport à ce que vous allez gagner tout au cours de votre vie. Aujourd'hui, si on ne régule pas les salaires, tout simplement, vous allez vous retrouver dans une situation pour certaines de précarité. »

Avec cette réforme des retraites, « il y a allongement de la durée de cotisation et recul de l’âge de départ, tout le monde prend une peine de deux ans ferme », a accusé le secrétaire général de Force Ouvrière, Frédéric Souillot, qui a tenu à rappeler pourquoi il avait fermé la porte des négociations avec la première ministre, Élisabeth Borne : « Si le gouvernement ne voulait pas de mobilisation, de blocage des raffineries et des grèves, il ne fallait pas reculer l’âge de départ et allonger la durée de cotisation et on pouvait continuer à discuter autour des retraites comme on l’a fait depuis début octobre ! »