L’auteur est syndicaliste.
Au cours de la semaine du 16 janvier, s’est tenu à Montréal le 33e congrès de la FTQ. Plus de 1 200 déléguées et délégués provenant de toutes les régions du Québec et travaillant dans tous les secteurs d'activité de notre société ont assisté à ce congrès qui marquera sûrement l'histoire du syndicalisme.
Départ de Daniel Boyer
D'abord, à cause du changement de garde à la présidence. Daniel Boyer, président de la centrale depuis 2013, prend une retraite bien méritée. Il faut se souvenir qu'à son arrivée à la présidence, la centrale était dans la tourmente, Il a dû, avec son équipe, remettre la FTQ sur les rails. Ce qu'il a réussi avec brio.
À titre de conseiller politique de la FTQ, j'ai eu le privilège de travailler avec Daniel pendant plus de 5 ans. Durant mon parcours de syndicaliste, j'ai côtoyé de grands leaders, des femmes et des hommes qui, chaque jour, avec leur équipe relèvent le défi d'améliorer la qualité de vie de leurs membres et de la société en générale. Daniel fait partie de ces grands leaders, de qui j'ai beaucoup appris.
Peu de gens le savent, mais présider la plus grande centrale syndicale du Québec, c'est être condamné à la recherche du consensus. La FTQ est aussi forte que le niveau d'adhésion et le support que ses syndicats affiliés ont envers elle. Je vous assure que ce n'est pas une mince affaire que d'y arriver. La FTQ, c'est 33 syndicats différents qui représentent des travailleuses et travailleurs de toutes les régions et de tous les secteurs d'activité du Québec. Ces syndicats bien qu'ils aient des intérêts communs ont tous leurs particularités.
Dans ce tourbillon quotidien où s'entremêlent, entre autres, les besoins et attentes des syndicats affiliés, les enjeux politiques, les défis économiques, la nécessaire défense de l'environnement, le respect des droits fondamentaux dans notre société et l'administration de grandes institutions que sont la FTQ et le Fonds de solidarité de la FTQ, Daniel a été tout au long de sa présidence une force tranquille, qui a su inspirer le respect et donner à la FTQ la notoriété qu'elle doit avoir auprès de tous les acteurs de la société civile et politique.
Élection de Magali Picard
Le 33e Congrès de la FTQ passera aussi à l'histoire avec l'élection de Magali Picard à sa tête, première femme de l'histoire à diriger la centrale. J'ai connu Magali au moment où nous avons siégé ensemble à la vice-présidence de la FTQ. J'ai appris à connaitre une personne intelligente, qui exprime et défend ses idéaux avec brio, une battante pleine de ressources, qui veut que les choses arrivent et vite.
Elle fera sûrement sa marque à la FTQ, non pas parce qu'elle est une femme, mais par ses actions et son leadership. Je vais suivre avec intérêt son parcours de dirigeante.
La FTQ en 2042
L'autre fait, qui risque de faire passer à l'histoire ce congrès, est le coup d'envoi que la FTQ a donné en mettant en œuvre une réflexion sur son avenir de façon particulière. La centrale a convié ses congressistes à une réflexion sur ce que pourrait être la FTQ en 2042, à partir d'une démarche dite « prospective ».
Durant le congrès, la FTQ a mis en scène, à l'aide de comédiennes et comédiens de la LNI, quatre scénarios sur l’avenir de la centrale, tantôt positif avec, entre autres, un Québec ayant élu un gouvernement protravailleur et, vous l'aurez deviné, un avenir plutôt négatif avec une droite au pouvoir et toutes les conséquences qui s'ensuivraient pour la classe ouvrière et ses syndicats. En toile de fond de toutes ces présentations et discussions, il y avait notamment le rôle que la FTQ doit jouer en politique.
Il m'apparaît très clair que la politique, avec ses enjeux pour les travailleuses et travailleurs, doit être au cœur des activités de la FTQ. Je comprends que le rôle de la centrale n'est pas de dire à ses membres pour qui voter, même si, entre vous et moi, je ne vois pas pourquoi un syndicat ne pourrait pas dire à ses membres lequel des partis politiques est le plus susceptible de mettre en œuvre des politiques qui vont dans le sens de leurs intérêts.
À mon avis, mettre la politique au cœur des activités de la centrale, c’est notamment jouer le rôle de chien de garde des intérêts de la société en général et s'assurer que les décisions des gouvernements ont comme objectif de créer une société juste et équitable pour tous. Pour cela, la centrale doit former et informer ses membres et leur famille afin de susciter leur intérêt envers la politique en soulignant son importance. Et, surtout, de leur démontrer que c'est à leur portée de changer les choses en leur donnant les outils pour le faire et en les supportant dans leurs actions.
Pour les militants et militantes qui le désirent, il faut offrir de la formation, du support et de l'encadrement afin qu'ils puissent être actifs à l'intérieur du parti politique de leur choix et d'y être les porte-voix des travailleuses et travailleurs. Ce ne sont là que quelques exemples d'action que la centrale doit entreprendre pour jouer pleinement son rôle d'agent de changement de la société.
En fait, je crois que le grand défi pour que la FTQ de 2042 soit une centrale forte, qui continue de jouer pleinement son rôle dans la société, c'est de bâtir un syndicalisme du XXIe siècle à partir des quatre piliers solides que sont : 1) Être au service et à l'écoute de ses membres; 2) Travailler et innover pour augmenter le taux de syndicalisation; 3) L'éducation et la formation des travailleuses et travailleurs afin qu'ils participent pleinement à façonner la société qu'ils souhaitent; 4) Et, bien entendu, une action politique planifiée et concertée.
Les défis sont grands, le coup d'envoi a été donné, ne reste plus qu'à passer à l'action.
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