Formation professionnelle : comment la valoriser?

2023/02/08 | Par Josée Scalabrini

L’autrice est présidente de la FSE-CSQ 
 

Lorsqu’il a présenté ses grandes priorités la semaine dernière, le ministre de l’Éducation n’a pas manqué d’accorder une place tout à fait méritée à la formation professionnelle (FP), un secteur clé, notamment pour le raccrochage scolaire, souvent oublié de nos décideurs.

L’objectif d’y augmenter la diplomation est partagé par la Fédération des syndicats de l’enseignement que je représente, mais des inquiétudes demeurent sur la façon d’y arriver. 

Depuis que la pandémie a exposé au grand jour la pénurie de personnel en santé ainsi que ses conséquences dramatiques, on constate que les programmes accélérés ont la cote.

À l’été 2020, devant l’urgence de la situation, le premier ministre Legault a d’abord choisi d’offrir une formation réduite, en moitié moins de temps, à quelque 10 000 préposées et préposés aux bénéficiaires pour les CHSLD. Bien que de nouvelles personnes candidates ont pu être recrutées et attirées par les bourses et les conditions de travail promises, il reste qu’un bilan mitigé de cette expérience de formation réduite a été réalisé. Rappelons que près du tiers des personnes initialement sélectionnées a quitté le programme et a dû remettre ses bourses.

Le premier ministre a ensuite décidé de lancer une nouvelle formation accélérée sans consultation des expertes et experts qui l’enseignent. Concrètement, pour tenter de former en vitesse 2 000 infirmières et infirmiers auxiliaires sans couper, cette fois, dans le programme, celui-ci sera comprimé sur 14 mois au lieu des 22 requis actuellement.

On passe ainsi de 25 ou 28 heures par semaine à 32 ou 35, le tout en poursuivant l’enseignement, selon les milieux, durant l’été, les jours fériés, etc. Il y a de quoi donner le vertige, surtout lorsqu’on sait qu’une partie significative des personnes qui suivront les programmes accélérés est déjà inscrite dans sa version régulière et ne constituera donc pas de « nouvelles » personnes amenées dans le réseau.

En voulant aller trop vite, on augmente les échecs et la précarité financière d’une partie de notre bassin de travailleuses et travailleurs potentiels. Pourtant, la CAQ a tout de même affiché ses couleurs pendant l’élection en promettant d’étendre la formation courte à de nouveaux secteurs de la FP, notamment en construction. Quelles seront les conséquences sur la sécurité durant la formation et sur les chantiers? Coupera-t-on dans la formation des infirmières et des médecins ou réservera-t-on cette dévalorisation au seul secteur de la formation professionnelle?
 

D’autres solutions sont possibles

Si l’objectif est d’augmenter le nombre de personnes qualifiées, il faut agir sur deux variables, soit attirer plus de personnes candidates et augmenter la réussite.

Au lieu de comprimer les programmes, le gouvernement devrait plutôt se concentrer sur les formations transférables et complètes menant à un diplôme d’études professionnelles, en y ajoutant des bourses. Cette dernière solution devrait aider à attirer de nouvelles candidatures tout en réduisant la nécessité de concilier travail et études. Il faudrait aussi augmenter les ressources pédagogiques et psychosociales dans les centres.

Enfin, on ne peut que souligner la volonté du gouvernement de permettre le démarrage d’un plus grand nombre de petites cohortes en région, ce qui augmenterait les inscriptions, permettrait de réduire la précarité du personnel enseignant et favoriserait les apprentissages.

Si le ministre est sérieux dans ses ambitions pour la formation professionnelle, il doit résister à la tentation de remplacer des diplômes par des attestations d’études qui dévalorisent des formations qui ont fait leurs preuves.