Nous, Québécoises et Québécois, Canadiennes et Canadiens de toutes origines, tenons à exprimer notre opposition non seulement à la nomination d’Amira Elghawaby, mais également au poste même de représentant à la lutte contre l’islamophobie.
Après avoir manifesté autant de préjugés à l’égard des Québécois, Mme Elghawaby n’a tout simplement pas l’autorité morale pour occuper un tel poste. S’il s’agit de bâtir des ponts et de poursuivre un dialogue constructif, encore faut-il pouvoir inspirer confiance. Or, ses excuses tardives et sous haute pression politique semblent plus contraintes que spontanées.
Par ailleurs, la lutte contre les discours et les crimes haineux, notamment envers les musulmans, est un enjeu trop important pour courir le risque d’aggraver la situation en instaurant un poste dont le libellé même est très discutable.
En effet, si le poste pour la lutte contre l’antisémitisme ne cible que le racisme, le terme islamophobie est, quant à lui, plus militant, galvaudé, aux contours flous, qui confond dans son usage le respect de la personne musulmane avec le respect absolu des préceptes de l’islam. C’est le concept que tentent de faire accepter les régimes et les activistes islamistes les plus fondamentalistes à travers le monde pour faire passer toute « offense » à la religion musulmane pour un crime.
C’est ce qui a valu à l’écrivain Salman Rushdie la fatwa lancée par le régime iranien qui ordonne à tout musulman, où qu’il soit, de le tuer, et qui a été mise récemment à exécution. C’est ce qui a valu également aux dessinateurs de Charlie Hebdo d’avoir été assassinés. Mme Elghawaby a elle-même signé en 2020 une chronique où elle assimilait au racisme les caricatures publiées par Charlie Hebdo. Est-ce que le Canada veut promouvoir une femme et un poste qui confondent de cette façon liberté d’expression légitime et propos racistes ?
Le libellé du poste stipule qu’il s’agira de lutter contre l’intolérance religieuse. Afin d’être plus efficace et cohérent dans un État de droit, nous suggérons plutôt au premier ministre Justin Trudeau de réformer le Code criminel, dont l’article 319, relatif à l’incitation publique à la haine, introduit une impunité si de tels propos haineux sont fondés sur une opinion ou un texte religieux.
Par ailleurs, nous tenons à dénoncer les rapprochements qui sont faits entre la Loi sur la laïcité de l’État québécois et la haine des musulmans. Cette loi ne vise pas les musulmans, et de nombreux musulmans la soutiennent. Que l’on soit d’accord ou non avec les exigences de la loi 21, la question des signes religieux chez les représentants de l’État et dans les écoles est une question importante au Québec et ailleurs, y compris dans les pays à majorité musulmane, où des débats sur la laïcité se poursuivent. Rappelons que la Cour européenne des droits de l’homme a invariablement validé des lois similaires à la loi 21.
Finalement, cette lettre regroupe un grand nombre de signataires de traditions ou de confession musulmanes au Canada qui refusent d’être associés à une « communauté musulmane », représentée de surcroît par des personnes qui adhèrent à une vision intégriste de l’islam. Une telle association ne fera qu’accentuer les stéréotypes et alimenter les préjugés envers les musulmans, et porter atteinte à ceux et celles qui vivent leur citoyenneté en harmonie au sein de notre démocratie libérale. De plus, nous craignons que ce poste n’encourage une censure ou autocensure de toute critique de l’intégrisme religieux, dont les premières victimes sont les musulmans eux-mêmes.
Pour toutes ces raisons, nous ne voyons aucun bénéfice à cette nomination ni au poste lui-même. Au contraire, cela risque d’aggraver les tensions et de générer de la suspicion et de la colère envers les musulmans. Nous demandons par conséquent que ce poste soit aboli.
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