Montréal : Conglomérats financiers dans le parc locatif

2023/02/10 | Par RCLALQ

Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) alerte le public et les instances politiques sur la progression rapide des conglomérats financiers dans le parc locatif. Il n’est plus possible d’ignorer ce problème, maintenant que la lumière est faite sur ce phénomène avec l’excellente étude empirique de Cloé St-Hilaire, Mikael Brunila et David Wachsmuth, publiée le 3 février dernier sous le titre High Rises and Housing Stress. A Spatial Big Data Analysis of Rental Housing Financialization.

Cette étude, qui pour la première fois en Amérique du Nord, chiffre précisément la part de marché des conglomérats financiers dans le parc locatif d’une grande ville, montre en effet que le parc locatif montréalais est beaucoup plus financiarisé que ce qui était communément admis. Près de 12% de toutes les unités locatives du parc de logement montréalais appartiennent à un conglomérat financier (fonds de placement immobilier, fonds de pension, etc.) et cette proportion grimpe à 32% dans l’arrondissement Ville-Marie et à 18% dans le Plateau-Mont-Royal.

Selon l’auteure principale, Cloé St-Hilaire, les chiffres sont probants : « nous avons analysé l’entièreté du rôle d’évaluation foncière de Montréal, en recoupant les données avec le registre des entreprises du Québec et les données du recensement et avons constitué une base de données inédite et informative ». Les auteurs ont ainsi distingué deux concentrations spatiales des logements financiarisés. Ainsi, selon le co-auteur Mikael Brunila, « le premier groupe concentre des locataires à faible revenu, des minorités visibles et des populations étudiantes qui consacrent un effort démesuré au paiement du loyer. L’autre groupe concentre des locataires financièrement plus aisés qui paient un loyer largement au-dessus de la moyenne ».

Cette ségrégation spatiale de la financiarisation fait en sorte que l’accès à un logement de qualité à un prix abordable devient de plus en plus difficile pour les locataires moins nantis. « Les comités logement constatent que sur le terrain, ça joue dur en ce moment pour les locataires », selon le porte-parole du RCLALQ, Martin Blanchard.

« De plus en plus, le logement devient un instrument financier pour faire des profits rapides et les conglomérats financiers, qui n’ont pas d’autre souci que le portefeuille de leurs actionnaires, multiplient les opérations malveillantes pour faire des profits rapides ».

C’est ainsi que les hausses de loyer abusives, les évictions forcées et autres pratiques spéculatives sont adoptées par tous les types de propriétaires et se répandent de plus en plus au Québec. « La financiarisation commence à Montréal. Par la suite, on voit les conglomérats financiers arriver dans des régions de plus en plus éloignées et leurs pratiques malveillantes deviennent populaires à Québec, Granby, Rimouski, St-Jérôme, partout au Québec ».

Ce phénomène nouveau et inquiétant, qui fait bondir les loyers et accroître les torts subis par les locataires, exige du Gouvernement du Québec des mesures simples, efficaces et immédiates, que le porte-parole rappelle en mémoire :« Le RCLALQ demande un registre des loyers pour bloquer les hausses de loyer abusives entre changements de locataires, un plafonnement des loyers pour mettre fin aux hausses salées que reçoivent les locataires et enfin, un contrôle et un suivi obligatoire des évictions forcées pour empêcher la prolifération des évictions et reprises frauduleuses et malveillantes ».

David Wachsmuth, professeur à l’Université McGill et co-auteur de l’étude, souhaite préciser que les données colligées dans cette étude existent dans les bases de données municipales, mais qu’elles ne sont jamais publiées. « Cette étude est l’occasion de réfléchir à la nécessité d’avoir des données accessibles et transparentes pour comprendre le secteur du logement locatif. Des données plus complètes et mises à jour régulièrement permettraient de mieux protéger les locataires et planifier le développement urbain en conséquence ».

Lien vers l’article :https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01944363.2022.2126382