Dossier minier : L’acceptabilité sociale, une simple façade

2023/02/15 | Par Marc Nantel

L’auteur est porte-parole du Regroupement Vigilance Mines Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT)
 

Le nombre de claims miniers octroyé dans le cadre de la politique de l’exploitation des métaux stratégiques et critiques a augmenté de façon importante au Québec. Cette augmentation suscite des inquiétudes particulièrement dans le sud du Québec où plusieurs zones de villégiature sont visées par l’exploration minière. Suite à l’augmentation de la mobilisation citoyenne et de la prise de conscience de l’Union des municipalités du Québec sur le peu de pouvoir que leur confère la Loi sur les territoires incompatibles avec l'activité minière (TIAM), le premier ministre François Legault déclare qu’« il n'y a aucun projet minier qui va se faire sans qu'il n'y ait une acceptabilité sociale ».

Quelle est la portée du concept d’acceptabilité sociale dans la recevabilité d’un projet ? Selon le gouvernement, l’acceptabilité sociale ne se quantifie pas, elle se décrit. Elle aurait un impact important sur la réalisation ou la non-réalisation des projets à l’échelle locale et régionale, mais dans les faits, la réalité est tout autre dans le domaine minier.

Ce concept n’a aucune balise légale pour déterminer si l’acceptabilité est atteinte ou non. Le gouvernement considère que son jugement peut être positif ou négatif et n’est jamais figé dans le temps. Donc, ce qui n’est pas acceptable aujourd’hui le sera peut-être demain. L’influence sur l’image du gouvernement et sur le nombre de votes à venir aux prochaines élections est l’élément prépondérant pouvant mener au refus d’un projet; on n’a qu’à penser à GNL Québec.

On peut lire sur un des sites du gouvernement, dans la section acceptabilité sociale, que l'accent soit mis sur la communication avec la population afin de réduire l’opposition.

« La prise en compte des facteurs qui influencent l’acceptabilité sociale favorisera une meilleure intégration d’un projet dans le milieu et une appropriation plus harmonieuse de celui-ci par la communauté. »

Malgré la notion d’acceptabilité sociale, les projets miniers économiquement viables ont l’approbation immédiate du gouvernement. Les différents ministères mettent alors en branle leur rôle de service à l’entreprise et deviennent à leur tour promoteur du projet. On offre aux entreprises de l’aide d’accompagnement afin qu’elles développent une stratégie de communication permettant de vendre le projet. On laisse clairement entendre que la non-acceptabilité sociale est uniquement un problème de communication.
 

Démarche type de consultation de la population par les minières

Le gouvernement encourage les entrepreneurs à tenir des rencontres citoyennes le plus tôt possible afin de créer un climat de confiance. Si le projet dépasse les 2 000 tonnes par jour, une enquête par le Bureau d’audiences publiques en environnement s’ajoutera. La décision finale reviendra alors au conseil des ministres.

Après l’obtention du bail minier, les entreprises doivent former un comité de suivi. Son financement, sa composition, le déroulement des rencontres et leur fréquence sont à la discrétion de l’entreprise. Ce comité n’a aucun financement pour fonctionner de façon autonome et n’a aucun pouvoir de contestation. La gestion des rencontres est souvent assurée par des firmes spécialisées engagées par l’entrepreneur. Avec le temps, ces rencontres se résument à présenter le déroulement du projet et les évènements qui vont venir. On contrôle ainsi le message.

La stratégie de communication est de créer rapidement un noyau d’irréductibles pro-projet.

Les premiers groupes rencontrés, souvent en secret, sont le conseil municipal et la chambre de commerce. Pour ce faire, l’entreprise forme un comité de liaison supporté par un fonctionnaire. Dans le cas du conseil municipal, son intérêt réside dans la taxation des infrastructures. C’est perçu comme une manne qui retombe sur la ville. Les chambres de commerce voient le tout comme une augmentation des opportunités d’affaires. Riche de ces appuis indéfectibles, l’entreprise peut dès lors tenir des rencontres citoyennes et compter sur l’appui de ces deux groupes.

On fera ensuite quelques rencontres avec des groupes comme l’association des motoneigistes ou des groupes communautaires. Pour gagner leur adhésion, la compagnie offrira des commandites pour les encourager. On donnera ainsi une image de marque positive, mais le but est toujours d’augmenter ses appuis.
 

Créer un climat de confiance

Lors des assemblées citoyennes qui suivent, l’entreprise présente le projet. La présentation sera axée sur la création d’emplois bien rémunérés en région, des retombées économiques et de la grande préoccupation environnementale de l’entreprise qui se définira plus verte que verte.

Elle se dira aussi à l’écoute des doléances des citoyens concernant les craintes d’une diminution des valeurs des propriétés, du bruit des opérations, des poussières dans l’air, des effets sur la qualité de l’eau et des vibrations. L’objectif de ce genre de rencontre est de créer un climat de confiance, mais aucun engagement écrit ne sera déposé.

Au niveau des impacts environnementaux, l’entreprise rassurera la population en disant qu’elle s’imposera les normes les plus sévères au monde. Les sites seront restaurés et remis en état, sans spécifier que le milieu sera dénaturé à vie. Elle insistera sur son obligation légale de verser les sommes nécessaires pour la restauration dans les trois ans. Pour certains projets, elle indiquera que le gouvernement impose de compenser la destruction de certains sites en restaurant d’autres sites. Dans les faits, ces travaux seront loin de compenser les dégâts. Après plusieurs questions du public à ce sujet, les porte-paroles finiront par avouer que le plan de restauration finale du site se fera un peu avant la fin de vie de l’exploitation sans pouvoir donner une idée des impacts finaux. La population nagera donc dans l’inconnu pendant des années et ne sera pas consultée lors de la fermeture.
 

Dossier fermé

Suite aux rencontres, l’entreprise déposera un rapport des consultations tenues avec la population et les différents intervenants, ce qui répond aux exigences imposées. Dossier fermé !

En dernière analyse, seules les rencontres avec le comité de suivi demeureront. Elles se résumeront à présenter l’évolution du projet.

L’acceptabilité sociale préconisée par François Legault n’est qu’une façade. La seule obligation de la règlementation est que l’entreprise rencontre la population, le résultat n’a pas d’importance. Plus le projet progresse et plus les sommes investies par l’entrepreneur augmentent, moins le gouvernement ne peut refuser le projet. Même les conditions imposées par le gouvernement pour accepter les projets ne sont que des vœux pieux.

Aussitôt qu’on ouvre la porte à l’exploration, il devient impossible de refuser l’exploitation des ressources. Pour changer la dynamique, il faut retirer la prépondérance de la loi des mines sur les autres lois. Il faut établir à l’avance quels sont les territoires incompatibles à l’exploitation minière et ajouter une définition plus large des milieux qui doivent être protégés comme les sources d’eau potable, les lacs, les espèces sensibles ou encore des écosystèmes exceptionnels.